A Bardouville, dans l’agglomération de Rouen (Seine-Maritime), les habitants se mobilisent contre un projet de stockage de déchets des chantiers du Grand Paris. Leur déception est grande car le 25 avril 2022, le prefet a autorisé l'exploitation du site.
Mise à jour du 02 mai 2022
La préfecture de Seine-Maritime autorise le stockage des déchets à Mauny
Le préfet de Seine-Maritime n’aura pas entendu l’opposition des riverains, élus et des associations de protection de l’environnement. Dans un arrêté publié le 25 avril 2022, il a autorisé le stockage, à Mauny, près de Rouen, de près de 400 000 m3 de déchets inertes provenant des travaux du Grand Paris. Le président de Rouen Métropole, Nicolas Mayer-Rossignol (PS), ainsi que d’autres élus, avaient adressé un courrier au préfet dans lequel ils exprimaient un « avis défavorable ». Les élus rappelaient également que « le parc naturel des Boucles de la Seine a(vait) rendu un avis similaire ».
Bardouville est situé dans le parc régional des boucles de la Seine à côté du village de la Bouille. La vie s’y déroule paisiblement au son des oiseaux et des clapotis de l’eau.
Cette quiétude, les habitants veulent la garder et ne souhaitent pas accueillir un ballet incessant de camions. L’association « Les pieds dans l’eau » estime à 120 le nombre de poids-lourds qui traverseraient le village chaque jour. La mobilisation prend de l’ampleur au fil des semaines.
Mardi 22 mars 2022, la pétition en ligne affichait plus de 1600 signatures contre ce projet.
La gestion des déchets des chantiers du Grand Paris
La Société Environnement et Minéraux (SEM) a fait une demande auprès de la préfecture de Seine-Maritime pour l’exploitation d’une installation de stockage et déchets inertes (ISDI) pour une durée d’exploitation de 5 ans (dont 1 an prévu pour le réaménagement). Le site serait basé sur la carrière de Mauny (76) à côté de Bardouville. Lors d’un conseil municipal en octobre 2020, le maire de Mauny a accepté le remblaiement de la carrière avec de la terre non polluée.
C’est la préfecture de Seine-Maritime qui prendra la décision finale. Si le projet aboutit ça serait « 390 000 m3 de déchets inertes générant de nombreuses nuisances pour ses habitants, ses producteurs bio, son économie locale et l’environnement », selon le site « Bardouville en danger ».
Certains privés signent ces marchés mais les riverains eux s’inquiètent des nuisances sonores mais pas seulement « Dans le dossier la SEM joint au dossier une demande de dérogation à la pollution : on va tester un camion tous les 100 passages. Si on teste la terre, on a bien vu ce qui se passe à Gennevilliers, dans l’Oise ou dans d’autres communes. On s’oppose pas au projet, si vous voulez faire des tests, c’est un test tous les camions et par un laboratoire indépendant », explique Ladislas Lefebvre-Sitruk de l’association "Les pieds dans l'eau".
Le porteur du projet, la SEM, précise avoir reçu un avis favorable de différents organismes environnementaux. L’entreprise minimise l’impact sur le trafic routier : « sur le trafic, aussi bien que dans l'étude d'impact et que dans le projet d'arrêté préfectoral (…) il ne s'agit de 120 camions mais de 50 à 60 aller/retours soit 8 à 9 camions à l'heure sur une journée et seulement sur deux journées d'activité dans la semaine. Et une fois dans le mois, le trafic se porterait sur 4 jours. » Elle précise également qu’ils ont reçu un avis favorable du SDNPS (Sites classés), ainsi que du CODERST à l'unanimité.
Le propriétaire du site concerné, reconnait la nuisance sonore mais se défend d’une quelconque pollution : « ce ne sont pas des déchets, certains m’ont dit que ça allait être de l’amiante ou que ça allait polluer la nappe phréatique c’est absolument faux, l’eau qui est sur la région elle est extraite à 3 kilomètres d’ici » précise Jean Lefebvre, propriétaire du site.
L’association note également des erreurs dans le dossier déposé en préfecture « ils ont omis de notifier sur le plan cadastral des maisons, ils ont omis de spécifier qu’il y avait des captages d’eau et que la route qui devait être élargie ne pourra pas l’être car il y a des maisons autour », précise Nathalie Haubert, présidente de l'association "Les pieds dans l'eau". Elle réclame un entretien avec le Préfet.
Des barrages filtrants
Une mobilisation avec distribution de tracts est prévue vendredi 25 mars au niveau du carrefour de la « Maison Brûlée »
Selon le site Reporterre, en Île-de-France, 400 sites accueillent déjà des déblais des travaux du Grand Paris, « fréquemment installés sur des terres anciennement agricoles, parfois depuis longtemps, avec l’objectif de les restituer en tout ou partie à l’agriculture après fermeture du site », assure la Société du Grand Paris (SGP). Les sites accueillant les gravats de ses chantiers doivent respecter « un protocole très strict, où chaque lot de déblais excavés est analysé pour une vingtaine de paramètres », assure le service communication de la SGP.
L’argument ne convainc pas l’ADSE, qui craint que les terres déposées soient tout de même polluées. Les tunneliers, les énormes machines qui creusent les futures lignes du Grand Paris express, utilisent différents fluides de forage (gélifiants, lubrifiants, épaississants...) afin de rendre le sous-sol plus friable.