L'été prochain, à Paris, les épreuves de triathlon et du 10 km natation des Jeux Olympiques 2024 se tiendront dans le fleuve. La ville de Paris promet dans la foulée des zones de baignade grand public en 2025. Et pourquoi pas des baignades aussi un jour prochain, dans la Seine en Normandie ?
Avec ses boucles, ses îles, la Seine a façonné notre paysage. Depuis 200 ans, l’homme l’a transformée en autoroute fluviale : entre ports et usines, le fleuve a perdu son usage de loisirs. Alors, aujourd’hui, ses riverains y plongeraient-ils ? "Surtout pas ! Ça ne doit pas être propre une fois dedans...", nous lance un jeune homme croisé sur les quais de Seine à Rouen. "La pollution, les bateaux, tous les cargos..."
"Je pense que l'eau est plus propre qu'elle ne l'a été avant. Les plantes repoussent aux endroits où elles avaient disparu", constate un pêcheur. Alors voie de transport pour nos usines et nos ports, longtemps déversoir de polluants chimiques et eaux usées... Grâce à la lutte contre la pollution, la Seine aujourd’hui plus propre, donne à certains riverains envie de se réapproprier leur fleuve.
À Villequier, c'est le cas de la famille Desveaux, qui y plonge régulièrement. "Je me baigne dans la Seine et je serai ravi de voir les riverains se réapproprier leur fleuve", explique Olivier. "Je trouve que ça fait du bien de se baigner comme ça, physiquement. On ressort régénéré."
C'est un fleuve qui est beau mais qui fait peur. Quand je ressors de l'eau, je n'ai pas de mauvais goût dans la bouche, je ne sens pas mauvais."
Olivier Desvaux, nageur en Seine
La Seine, d'ancien lieu de baignade à poubelle d'usines
Pourtant, au milieu du 19ᵉ siècle, l'écrivain Gustave Flaubert s'y délassait après ses journées d'écriture, alors que la Seine servait déjà de poubelle aux premières usines et à ses riverains. Le fleuve avait néanmoins accueilli à cette époque les épreuves de natation des Jeux Olympiques de Paris en 1900.
Après la première Guerre Mondiale, les industries navales et d'armement se développent. Par précaution, en 1923, un arrêté interdit la baignade tout le long du fleuve. Il n'empêchera pas les Normands de plonger encore dans les années 30.
Jusqu'à la moitié du 20ᵉ siècle, la Seine arrive à s'épurer naturellement. Après la seconde Guerre Mondiale, urbanisation, agriculture et industrie explosent, souillant l'eau de nombreux polluants. Le fleuve s'atrophie, subissant même une marée noire. Sur les rives, certains se baigneront malgré tout, avant la construction massive de piscines publiques.
Dans les années 80, une crise de conscience pousse les pouvoirs publics à renforcer la réglementation. En quelques décennies, les teneurs en produits chimiques vont chuter. Depuis les années 2000, si la pollution chimique stagne, les eaux usées s'améliorent.
Des plages sur la Seine en Normandie, une utopie ?
Tout au long de la Seine, des petites plages semblent attendre les nageurs. C'est le cas de Saint-Aubin-les-Elbeuf. Il y a le fleuve, le sable, et parfois quelques baigneurs les jours de canicule, bien que la baignade n'y soit pas autorisée.
"Aujourd'hui, comme il n'y a pas de zone de baignade autorisée dans le secteur de la Seine, on n'a pas les suivis sanitaires qui vont avec. Mais on a quand même des données qui nous montrent qu'on n'est pas si loin", nous explique Cédric Fisson, chargé de mission qualité de l'eau, GIP Seine Aval.
Les poissons reviennent, certains crustacés aussi. On a encore des efforts à faire sur les systèmes d'épuration des eaux usées pour avoir des meilleurs raccordements, des traitements plus efficaces...
Cédric Fisson, Chargé de mission qualité de l'eau, GIP Seine Aval
Pourquoi on ne pourra pas se baigner à Rouen
La baignade en Seine est donc aujourd'hui possible. Mais à Rouen, elle est toujours interdite. Avec la multiplication des pics de chaleur en ville, la Seine serait pourtant un havre de fraîcheur. "Il y a le phénomène de marées qui est très important. Il peut y avoir jusqu'à 5 mètres d'écart entre la marée basse et la marée haute", explique Hugo Langlois, conseiller délégué à la protection de la Seine à la Métropole Rouen Normandie. Il y a aussi la contrainte du courant, "entre 3 et 6 km/h". Les phénomènes de crues risquent aussi de s'accentuer.
Avec 6 km/h de courant, aucun nageur n'est en mesure de lutter.
Hugo Langlois, Conseiller délégué à la protection de la Seine, Métropole Rouen Normandie
La baignade en Seine Normande, ce n'est donc pas pour demain. Pourtant, le sujet n'est plus tabou. Des collectivités songent à aménager leurs rives en espace de loisir.
Mais avant de retrouver des lieux de baignade champêtre comme il y en avait encore au début du 20ᵉ siècle, il faudra convaincre les baigneurs en réduisant encore radicalement nos rejets dans le fleuve, en particulier nos eaux usées.