Réforme des retraites : qu'ont pensé les élus normands de l'allocution télévisée d'Emmanuel Macron ?

Quelques jours après la promulgation de la loi sur les retraites, Emmanuel Macron s'est exprimé face aux Français lundi 17 avril. Si les députés de la majorité saluent l'intervention du président de la République, ceux de l'opposition la fustigent.

L'allocution télévisée du président de la République était très attendue après plus de deux mois de contestation de la réforme des retraites. Si certains ont décidé de boycotter le rendez-vous pour aller manifester devant les mairies des grandes villes du pays, plus de 15 millions de téléspectateurs ont tout de même regardé la prise de parole d'Emmanuel Macron lundi 17 avril, à 20h. 

"Rupture de confiance"

Devant leurs téléviseurs, les députés et sénateurs normands ont accueilli le discours du chef de l'Etat de diverses façons, qu'ils soient dans son sillage ou dans l'opposition, qu'ils aient été favorables à la réforme ou non. Pascal Allizard, sénateur LR du Calvados a d'abord salué une "intervention indispensable". Selon lui, Emmanuel Macron a cherché à "recréer de l'unité", même si "le chemin va être long, tant la rupture de confiance est marquée".

L'ancien maire de Condé-sur-Noireau a adhéré au discours sur deux points. "D'abord sur le fait que la solution n'est certainement pas dans la violence, ni dans les extrêmes et le repli sur soi. Ensuite, qu'il était vital de reprendre un dialogue républicain avec toutes les parties et remettre les chose à plat".

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La réaction de Pascal Allizard, sénateur du Calvados, à l'allocution présidentielle du 17 avril 2023 ©France Télévisions

Jérôme Nury, élu de la 3e circonscription de l'Orne, a voté la réforme des retraites, mais demeure circonspect face à la prise de parole de lundi soir. 

"Emmanuel Macron reste toujours sur le même schéma, la même dialectique. Il donne le sentiment d'être déconnecté des réalités du terrain, des attentes des Français et du climat ambiant. Ses paroles pourtant fortes, sonnent creux. Il tombe trop souvent dans l'autosatisfaction et les quelques annonces faites des informations réchauffées". 

Jérôme Nury, député de la 3e circonscription de l'Orne

Même son de cloche à gauche. "Ce soir je suis extrêmement inquiet", a réagi, sur Twitter, le maire PS de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol. Le socialiste Arthur Delaporte, de la 2e circonscription du Calvados, évoque lui "un sentiment de sidération", et fustige la surdité du président de la République : "Il n'a pas entendu ce qu'il s'est passé depuis 6 mois, c'est à dire la plus grave crise sociale dans notre pays depuis plus de 50 ans. Il dit qu'il va apaiser la France en 100 jours après y avoir mis le feu avec une réforme que personne ne souhaitait".

Le député calvadosien explique qu'il va déposer au Parlement une loi d'abrogation de la mesure d'âge de 62 à 64 ans, et demander au président un référendum sur la réforme. En parallèle, il invite les opposants à "poursuivre la mobilisation sociale lors d'un 1er mai qui doit être massif, festif et populaire pour envoyer un signal fort". 


"On est en démocratie, on se doit de respecter nos institutions", lui répond le député Renaissance Bertrand Bouyx. L'élu du Bessin exhorte à "faire nation, aller de l'avant, discuter dans l'apaisement". Dans le discours de son chef de file, il a retenu le cadre fixé pour les prochaines années, "sur des sujets essentiels, comme les services publics, la santé, les écoles, et la volonté des Français de retrouver du sens dans leur quotidien et dans leur travail". 

Entre désir de boycott et espoir de réponses

Mais difficile de retrouver du sens pour l’opposition. Certains élus ont alors opté pour le cynisme et dénoncé un discours "hors sol". "Quel mot adresse-il aux travailleurs qui, même au-dessus du Smic, doivent sauter des repas ? Où est le mea culpa ?" S’est notamment insurgée Alma Dufour, députée LFI-NUPES de Seine-Maritime, jugeant les propos d’Emmanuel Macron comme "une insulte de plus aux Français."

Pierre-Emmanuel Hautot, conseiller régional écologiste, a fustigé "l’esthétique du vide" d’un discours "tellement creux, que c’en est presque beau", reprenant les termes, a-t-il précisé, de la nouvelle secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.

Le député communiste de Seine-Maritime, Sébastien Jumel, a de son côté opté pour le boycott… Et rejoint la grande "casserolade" de Dieppe, aux côtés du maire de la commune, Nicolas Langlois. "Il n’y a rien à attendre ce soir du Président des riches", avait par ailleurs estimé ce dernier peu avant l'allocution. 

Du côté du Rassemblement national, Katiana Levavasseur, députée RN de l’Eure, a considéré l’intervention du président comme "une perte de temps total, un vide intersidéral", qu'elle aurait dû s'abstenir de regarder. Député RN de la 3e circonscription de l'Eure, Kevin Mauvieux a lui jugé Emmanuel Macron "toujours au rendez-vous de l’endormissement des Français".

Réinstaurer un dialogue social

Timothée Houssin, député RN de la 5e circonscription de l'Eure, n'a pas regardé l'allocution présidentielle en direct. "Emmanuel Macron ne tire pas les conclusions des problématiques du pays, des contestations du pays", a relevé l'élu. "Il fixe un rendez-vous pour dire ‘je vais essayer de vous entendre, mais jusqu’à présent, je ne vous ai pas compris’. D’autre part, je suis choqué du peu qui est dit sur le pouvoir d’achat et l’inflation, deux grandes préoccupations des Français. Le président renvoie aux calendes grecques des problématiques qui existent depuis des mois maintenant, et pour lesquelles nous avons proposé un certain nombre de solutions."

J’ai du mal à ce qu’on me dise "rendez-vous dans 100 jours pour un premier bilan". Emmanuel Macron est élu depuis plus de 2 100 jours. Ce n'est pas un président en début de mandat. Il a déjà un bilan, il est mauvais.

Timothée Houssin, député RN de la 5e circonscription de l'Eure

L'élu Rassemblement national a également condamné un "show télévisé indécent" : "des interventions d'Emmanuel Macron, il y en a régulièrement. On n'y apprend rien. Aujourd'hui, les Français rejettent sa politique. On ne voit pas comment il pourra finaliser son mandat avec un tel niveau de détestation." Et de conclure : "on [le Rassemblement national, ndlr] se prépare à incarner demain l'alternance à la politique d'Emmanuel Macron."

Enfin, pour le député PS-NUPES de la 5e circonscription de Seine-Maritime, Gérard Leseul, le président n’aurait "rien compris" à la colère des Français. "Il reste dans une autosatisfaction indécente", a-t-il rapidement réagi sur Twitter. "Il ne peut exister de grandes ambitions sans modestie et sans un vrai dialogue social."

L'allocution n'a pas rassuré les Français. A aucun moment leur colère n’a été entendue. On ne peut pas faire comme s’il ne s’était rien passé ces dernières semaines. Les organisations syndicales ne peuvent pas accepter une telle négation de la voix qu’ils ont portée pacifiquement pendant des mois. Le président conserve une vision technocrate de ce qu’est la France. Il doit faire un pas en avant.

Gérard Leseul, député PS-NUPES de la 5e circonscription de Seine-Maritime

"Je ne m'attendais pas à grand-chose, et j'ai quand même été déçu", nous a-t-il avoué, soulignant l'absence du mot "travailleur" dans le discours présidentiel. "J'ai été un peu agacé par le ton, que j'ai trouvé trop assuré. Je suis même un peu en colère : de mon point de vue, ce n’était pas le ton de l’apaisement. Je fais partie des parlementaires qui considèrent que nous devons cesser de fracturer le pays, et tout faire pour apaiser les tensions. On ne peut pas parler d’ouvrir le dialogue social, alors que l’on n’a pas été capable de le saisir pendant plusieurs mois", a conclu Gérard Leseul.

C'est pour réinstaurer ce dialogue qu'Emmanuel Macron a proposé de recevoir les partenaires sociaux ce mercredi 19 avril, à l'Elysée. Certains syndicats ont d'ores et déjà déclaré qu'ils ne s'y rendraient pas. Ils se focalisent sur la manifestation du 1er mai, un "raz-de-marée populaire" qu'ils espèrent historique. 

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