L'Armada de Rouen, témoin du temps où les grands bateaux étaient tous les jours au cœur de la ville

Jusqu'à la fin des années 60, l'activité du port maritime de Rouen se situait à quelques dizaines de mètres des immeubles du centre-ville
 

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Une dizaine de jours tous les cinq ans, Rouen retrouve les grands voiliers de l'Armada, un rassemblement de bateaux prestigieux qui attire à chaque édition des millions de visiteurs.
Lancée en 1989 par la municipalité de Jean Lecanuet, et en particulier par Patrick Herr, l'idée de l'Armada était de redonner un peu de vie aux quais de Rouen, alors abandonnés et déserts, avec une animation gratuite à destination du grand public dans ce qui était à l'époque une sorte de grande friche industrielle faite de hangars vides et de chaussées mal pavées s'étirant du centre-ville vers l'ouest de la ville.

Au début, le seul qui y croyait c'était Jean Lecanuet. Mais tout le monde a été convaincu puisqu'actuellement tout le monde veut pérenniser cette manifestation. Et cela a été une volonté de tous les politiques, de tribord comme de babord : tout le monde est d'accord pour que cette manifestation soit toujours gratuite aussi bien l'entrée sur le site, que la visite des bateaux et je crois qu'on est l'une des rares manifestations au monde à être gratuite.

Il y a des retombées économiques très importantes   puisque chaque visiteur dépense entre 20 et 30 euros par personne et si vous vous multipliez par 8 à 10 millions de visiteurs, vous voyez ce qui va être dépensé dans l'agglomération de Rouen et dans le département de la Seine-Maritime pendant ces dix jours de festivités

(Interview de Patrick Herr, président-fondateur de l'Armada, en 2008)
 

Le concept de l'Armada répondait aussi à la volonté de Jean Lecanuet, par le biais de cet événement festif, de rappeler à tous, habitants et visiteurs, que Rouen est un port de mer (avec des marées hautes et basses) et que comme l'indique le nom du département, la Seine est maritime. En effet, depuis des siècles les bateaux venus de la mer remontent la Seine sur 120 kilomètres pour arriver à Rouen, dans un port qui existait déjà avant même que Le Havre ne soit créé…

Vikings, bateaux militaires, navires de commerce : de siècle en siècle, les mâts et les voiles se succèdent au pied de la cathédrale de Rouen.

L'activité portuaire est en contact direct avec la ville. Les bateaux font escale à proximité immédiate des habitations. Les marchandises sont stockées sur les quais. Les embarcations fluviales assurent la liaison avec Paris. C'est ainsi qu'en janvier 1790 le "Télémaque" charge sa précieuse cargaison avant de partir vers Quillebeuf et l'estuaire de la Seine.
Un peu plus tard, avec les premières lignes de chemin de fer, des rails sont posés sur les quais et des wagons arrivent au pied des bateaux. On construit des hangars et on installe des grues hydrauliques. En 1885, c'est par le train que les centaines de caisses contenant les éléments (démontés et numérotés) de la statue de la Liberté arrivent de Paris sur les quais de Rouen pour être embarquées sur une frégate à destination de New-York.

Entre la mer et le centre de Rouen, il n'y a pas de pont pour faire obstacle au passage des navires. Pendant des siècles, le premier pont est au niveau de la cathédrale de Rouen. En aval de ce pont, le franchissement de la Seine se fait par des bacs.  

En 1899, un pont transbordeur fait son apparition au bout du quai du Havre (en bas de l'actuel boulevard des Belges). Ses deux tours métalliques sont suffisamment hautes pour que les mâts des voiliers et les cheminées des vapeurs passent dessous. Une nacelle suspendue embarque piétons et véhicules et fait la navette entre la rive droite et la rive gauche.

Pendant des siècles on a entretenu, réparé et construit des bateaux dans des chantiers navals situés au bord du fleuve, comme ceux des Chantiers de Normandie de Grand-Quevilly. C'est aussi à Rouen que l'ingénieur américain Robert Fulton fait assembler son "Nautilus", le premier sous-marin du monde, qui en 1800 réalise avec succès une plongée dans les eaux de la Seine.


La guerre

La seconde guerre mondiale réduit pratiquement à néant l'activité du port de Rouen. Les ponts et les installations portuaires sont bombardés. En 1943, un bateau Allemand, un ravitailleur de sous-marin fraîchement réparé aux Chantiers de Normandie est coulé à quai, à quelques centaines de mètres de la cathédrale. C'est l'action de Résistants dirigés par Bob Maloubier, un agent britannique du Special Air Service.


La reconstruction

En 1944, après la Libération, le port renait avec les premiers bateaux américains. Les travaux de reconstruction débutent et les architectes décident de surélever les quais. Le rez-de-chaussée des immeubles n'est plus de plain-pied avec les quais de la Seine, où jusqu'en 1940, s'alignaient les rangées de tonneaux et de barriques de vin.

La construction de nouveaux ponts (le pont Jeanne d'Arc, puis le pont Guillaume le Conquérant) va déplacer vers l'ouest l'activité portuaire. En parallèle de l'avenue du Mont-Riboudet, le long du quai de Boisguilbert pour la rive droite, et le long du quai Jean de Béthencourt sur la rive gauche. Puis les hangars et les grues vont devenir trop petits, inadaptés aux nouveaux marchés et aux bateaux de plus en plus gros. De nouveaux et modernes équipements portuaires sont construits en aval, jusqu'à plusieurs dizaines de kilomètres des anciens hangars. Les silos à blé et les aires de chargement de conteneurs du port de Rouen s'étendent jusqu'aux portes de la Bouille.
 


Un pont plus loin

Pour relier l'autoroute en provenance de Barentin (l'A150) à la voie rapide de la rive gauche qui mène à l'A13 (la Sud III) il fallait envisager la question du 6e franchissement de la Seine. Comme il n'était plus nécessaire que les cargos remontent plus loin que le hangar 12 (au niveau des deux presqu'îles situées rive droite et rive gauche) la solution d'un autre pont "fluvial",  du même type que le pont Guillaume le Conquérant, fut envisagée. Mais établir une barrière infranchissable aux bateaux de mer interdisait toute escale plus en amont et compromettait l'avenir de l'Armada et de ses grands voiliers alignés près du centre-ville de Rouen. On oublia donc cette possibilité de pont fluvial. Un tunnel sous la Seine ? Trop coûteux et difficilement réalisable.Restait donc la solution d'un pont mobile, tournant ou levant. C'est ainsi que le pont Flaubert fut construit. Un pont levant dont la silhouette rappelle un peu celle du pont transbordeur d'avant-guerre. Un pont qui a permis, pour la première fois à l'Armada de 2008,  de laisser passer sous son tablier, levé par des câbles et des poulies, les grands voiliers et leurs hauts mâts.

Il y aura encore beaucoup d'autres Armadas, et si on a fait un pont levant, le pont Flaubert, c'est pour pour pérenniser les armadas qui vont se suivre tous les cinq ans.

(Interview de Patrick Herr, président-fondateur de l'Armada, en 2008)
 

Ce pont Flaubert, dont les accès routiers sont du "provisoire qui dure" depuis plus de dix ans, est régulièrement critiqué puisqu'en dehors de l'Armada (qui a lieu une dizaine de jours tous les cinq ans) il ne se lève que très peu pour quelques passages de bateaux de prestige et des manœuvres d'entretien. Les grands bateaux de croisières  qui remontent la Seine avec leurs milliers de passagers restent en aval du pont et accostent à un "terminal croisière" situé dans un "no mans land". Les armateurs, craignant une panne ou un mouvement social, refusent en effet que leurs bateaux  passent sous le pont Flaubert et restent bloqués sur les quais de Rouen pendant plusieurs jours.
 

La conquête de l'ouest

L'Armada de 1989, puis celles de 1994, de 1999 et 2003 accompagnèrent la reconquête des quais et des hangars abandonnés. De grands projets d'urbanisme et d'architecture furent lancés pour que la ville s'étende vers l'ouest avec la création de nouveaux quartiers.
La construction de nouveaux hangars, débuta et l'on vit les premiers restaurants sur la rive droite, tandis que rive gauche, une salle de musiques actuelles, le 106, accueillait ses premiers spectateurs. La faculté de Droit s'implantait où les marchands de vin de la rue du Champ de foire aux boissons comptaient leurs tonneaux.

Avant-après de l'avenue Pasteur à Rouen. Déplacer la  flèche de gauche à droite →

Aménagement des quais

La préfecture déménagea avenue Pasteur, un immense entrepôt se transforma en centre commercial des Docks et d'autres hangars furent reconstruits pour accueillir les studios de la radio France Bleu Normandie, la salle du conseil de la Métropole de Rouen mais aussi des salles de sports, de loisirs et des restaurants. Les Rouennais prirent l'habitude de venir se promener sur les quais, en famille, à pied, à vélo, en roller ou en trottinette.


Métamorphose

VIDEO : la reconquête des quais et leur métamorphose depuis le début des années 2000
Reportage de Bérangère Dunglas et Eric Proença-Pina (montage : Joffrey Ledoyen)
 

Rive gauche, le très moderne siège de la Métropole et sa coque aux reflets impressionnistes du hangar 108 a maintenant pour voisin le hangar 107 où se trouve, parmi d'autres entreprises, le siège du quotidien régional Paris-Normandie.

Plus récemment, en mai 2019, France 3 Normandie emménageait dans le hangar 11.
Et, toujours en 2019, le hangar 13, qui abrite le musée maritime fluvial et portuaire de Rouen reste le seul hangar d'époque encore debout.
Le long du bassin Saint-Gervais, en attendant la transformation du chai à vin  en casino, la presqu'île est désormais un endroit dédié aux loisirs. C'est là que la foire Saint Romain (la plus grande fête foraine de France après la foire du Trône de Paris) se tient chaque automne. C'est là que les cirques plantent leur chapiteau, et c'est sur ce même terrain que sont organisés les grands concerts ou retransmission sportives sur grand écran.
A quelques centaines de mètres de là, entre le pont Flaubert et le boulevard du Mont-Riboudet, le palais des sports (le "Kindarena") est le temple du basket, du tennis ou du saut à la perche attirant des milliers de spectateurs lors de grandes compétitions.  

 
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