Le procès de Mélanie Boulanger au tribunal de Bobigny se poursuit. L'ex-maire de Canteleu (Seine-Maritime) est jugée, avec 18 autres prévenus, dans une affaire de trafic de drogue. Ce mardi 18 juin, après deux semaines d'audience, la journée était consacrée à l'audition d'Hasbi Colak, ex-adjoint au commerce de Mélanie Boulanger.
C'est un jour important pour Mélanie Boulanger qui va enfin pouvoir répondre aux questions du tribunal. Le procès de l'ex-maire de Canteleu (Seine-Maritime), jugée avec 18 autres prévenus pour un vaste trafic de drogue dans sa petite ville de Seine-Maritime, se poursuit ce mardi 18 juin 2024 au tribunal correctionnel de Bobigny.
Reporté une première fois le 27 mai, puis suspendu à plusieurs reprises lundi 3 juin 2024, le procès se tiendra finalement sans Montacer Meziani, un des protagonistes.
Ce mardi 18 juin, l'ex-maire de Canteleu sera entendue cet après-midi. Ce matin, l'audience démarre avec l'audition de son ancien adjoint au commerce, Hasbi Colak. Ils sont tous les deux soupçonnés de complicité pour trafic de stupéfiants.
L'essentiel :
- Hasbi Colak, ancien adjoint au commerce à la mairie de Canteleu était auditionné mardi 18 juin 2024
- On apprend qu'il aurait eu une relation intime avec Mélanie Boulanger en 2018. L'ancien adjoint ne souhaite pas s'exprimer sur le sujet
- Hasbi Colak est notamment soupçonné d'avoir prêté son véhicule de fonction à des dealers qui aurait permis la livraison de 2 kilos de drogue pour 50 000€
- On apprend également qu'il aurait utilisé son statut d'adjoint au maire et son réseau pour fournir à la famille Meziani plusieurs appartements
Suivez le procès en direct avec notre journaliste sur place :
Bonjour et bienvenue sur ce #thread. 👋🏻
— Théo Thomas (@theotthomas) June 18, 2024
Je suis à #Bobigny pour suivre le procès de Mélanie #Boulanger, ex maire de #Canteleu, d’Hasbi Colak, son ancien adjoint, et de 17 autres interpellés dans l’affaire d’un vaste trafic de drogue.
À dérouler 👇🏻@f3normandie @QueinnecMeli pic.twitter.com/X1RAkh7V5C
Après une heure de retard, l'audience reprend ce mardi 18 juin à 11h avec l'audition d'Hasbi Colak, ancien adjoint au commerce à la mairie de Canteleu. "Je conteste totalement les faits qui me sont reprochés", indique-t-il à la barre. Avec Mélanie Boulanger, ils comparaissent pour complicité de trafic de stupéfiants.
Le président interroge Hasbi Colak sur son parcours professionnel et politique. Il a commencé sa carrière en politique en 2008, lorsqu’il est rentré au conseil municipal de Canteleu, sur la liste de Christophe Bouillon, prédécesseur de Mélanie Boulanger.
Il gère également un restaurant à Canteleu. Il explique que les habitants venaient dans son restaurant pour lui parler de leurs problèmes dans la commune. "C’était devenu quasi une annexe de la mairie ?", demande le président. "Oui" répond M. Colak.
Le président revient sur l’activité professionnelle d’Hasbi Colak. "J’ai eu un contrôle fiscal. J’ai payé 200.000€ d’amendes fiscales. Il m’était reproché de faire 10.000€ au « black » par mois", explique-t-il. En 2019, Hasbi Colak souhaitait vendre son commerce pour rembourser ses amendes fiscales.
Un véhicule et des appartements au cœur de l'affaire
Hasbi Colak est notamment soupçonné d'avoir prêté le véhicule de sa société à deux hommes qui auraient effectué des transferts de drogue grâce à ce véhicule.
"Votre véhicule a permis la livraison de 50 000€ de marchandise. Qu’en pensez-vous ?", demande le président. "Ce n’est pas du tout mes affaires", répond M. Colak. "Si ça l’est. Il vous est officiellement reproché d’avoir participé à ce trafic de stupéfiants par assistance."
"On voit que vous faites des remontées d’informations vers les Meziani, et on comprend donc que vous faites l’intermédiaire", explique le président.
On apprend également qu'Hasbi Colak aurait utilisé son statut d'adjoint au maire et son réseau pour fournir à la famille Meziani plusieurs appartements. "Oui… ça m’a dépassé. Je pense qu’il y a des choses que j’ai faites pour les Meziani que je n’aurais pas dû faire."
"On a l’impression que votre rôle au sein de la mairie s’est petit à petit transformé et que l’intervention pour les Meziani est devenue le cœur de votre activité", juge le président. Hasbi Colak aurait fait fonctionner son réseau pour faciliter aux Meziani l’obtention de logements.
"C’est une grande famille. Je préfère être bien avec eux. Mais il y a une limite que je ne veux pas franchir avec eux. Ce ne sont pas mes amis. Je fais en sorte que ça se passe bien dans ma ville", indique Hasbi Colak.
"Tout le monde voit qu’il y a du trafic de drogue à Canteleu"
Le président questionne à présent Hasbi Colak sur ses relations avec la famille Meziani, soupçonnée d’être à la tête d’un vaste réseau de stupéfiants. "On a l’impression que dès que vous êtes interrogé, c’est une manière de les couvrir", se questionne le président. "Vous n’êtes au courant de rien ?", poursuit-il. "De rien du tout", répond Hasbi Colak à la barre.
Le président interroge sur la famille Meziani :
— Théo Thomas (@theotthomas) June 18, 2024
« Ce sont les chefs de Canteleu ? »
« C’est une grande famille à Canteleu », dit Hasbi Colak.
« Non, ce sont les chefs de Canteleu » insiste le président.
« Ça c’est votre interprétation », conclut Hasbi Colak.
"Je n’ai jamais été intime avec ces personnes-là", dit Hasbi Colak pour parler du clan Meziani. "Quand ils viennent au restaurant, on parle… mais on ne parle à aucun moment de trafic. Je ne les vois pas le soir, je ne sors pas avec eux", se justifie-t-il.
"Tout le monde voit qu’il y a du trafic de drogue à Canteleu. La police le voit, la maire le voit, les administrés le voient… "
Hasbi Colak
"Vous avez bien conscience qu’il y a un trafic de drogue sur la commune ? ", demande le président. "Bien sûr", répond M. Colak.
"Je n’ai jamais vu les Meziani ne serait-ce qu’en possession d’un joint. Ils ne fumaient même pas", Hasbi Colak nie être au courant de leur implication dans un trafic de drogue.
La Procureure prend la parole : « Tout le monde vient à votre kebab. Vous êtes un lieu de rencontre. Parmi toutes ces personnes, il y a, je pense, une dizaine, voire plus qui sont prévenues devant cette audience. Ça ne vous interpelle pas aujourd’hui ? »
« Pas du tout », répond Hasbi Colak. « Après ces deux ans de procédure, vous n’avez pas de retour ? » questionne la Procureure.
Dans mon restaurant, je peux avoir du dealer, du maire, du député, des avocats, je ne demande pas qui est qui quand on rentre dans mon restaurant.
Hasbi Colak
« Il n’y a pas assez de services de police, ils ne sont pas assez. Ils ne sont pas là au quotidien », déclare Hasbi Colak.
— Théo Thomas (@theotthomas) June 18, 2024
Il affirme aussi « Quand on appelle la police, elle ne vient pas. Je suis tout seul dans mon kebab, je n’ai personne qui me protège. »
Une relation intime entre Mélanie Boulanger et son adjoint ?
"Votre relation avec Mme Boulanger a évolué. Vous avez eu une relation intime avec Mélanie Boulanger", affirme le président ce matin. "Ça n’a strictement rien à voir avec ce pourquoi on est là", répond Hasbi Colak. "On y reviendra, mais je pense que si, cela a à voir avec tout ça", dit le président.
En fin d'après-midi, le président a interrogé l'ancien adjoint sur sa relation avec Mélanie Boulanger. Réponse d’Hasbi Colak : "Je ne répondrai à aucune question par rapport à la relation que j’ai eu avec Madame Le Maire."
"Elle est innocente et nous allons nous employer à le démontrer"
Selon Me Arnaud de Saint-Rémy, avocat de l'ex-maire de Canteleu, "Mélanie Boulanger est très affectée. Elle l’attend depuis des années ce procès. Elle est innocente et nous allons nous employer à le démontrer. Elle aborde cette journée comme l’épilogue d’un long parcours judiciaire et médiatique"
Me Arnaud de Saint-Rémy a d’ailleurs sollicité plusieurs personnes qui viendront témoigner demain pour "expliquer ce qu’est la priorité, la charge d’un maire d’une commune de cette taille."
Parmi eux, Christophe Bouillon, le prédécesseur de Mélanie Boulanger, ou encore Marc-Antoine Jamet, maire et conseiller départemental de Val-de-Reuil.
Un dossier tentaculaire
Fruit de deux ans d'enquête, le tentaculaire dossier de Canteleu, commune populaire de 14 000 habitants de l'agglomération de Rouen, illustre l'enracinement et la puissance grandissants des narcotrafics dans des petites et moyennes villes en France, dont s'inquiétait le mois dernier un rapport du Sénat.
Élue maire en 2014 et figure du socialisme normand, Mélanie Boulanger est soupçonnée d'avoir fait pression sur les services de police pour qu'ils ne gênent pas les affaires du redoutable clan Meziani, réputé pour tenir le trafic de stupéfiants dans sa ville et y faire régner la terreur.
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Aux côtés de l'ancienne maire - elle a démissionné en début d'année -, le tribunal de Bobigny doit entendre pendant tout le mois de juin les principaux acteurs présumés du réseau : les têtes, leurs lieutenants, des fournisseurs et des blanchisseurs.
L'affaire avait débuté en septembre 2019 avec l'arrestation sur un parking de Saint-Denis de deux individus procédant à une transaction de drogue.
L'un était porteur de 50 000 euros en liquide, l'autre de deux kilos de cocaïne pure à 80%. Les investigations sur l'acheteur avaient rapidement amené les policiers de Seine-Saint-Denis à Canteleu, base de la famille Meziani, soupçonnée d'être l'un des principaux acteurs du trafic de drogue en région rouennaise.
Cannabis, héroïne, cocaïne
Selon l'enquête, la fratrie a soufflé le chaud et le froid sur l'élue, via son adjoint au commerce Hasbi Colak, également poursuivi.
L'enquête, riche en sonorisations et en écoutes, a mis au jour un important réseau d'importation et de vente de stupéfiants, aussi bien de cannabis que d'héroïne et de cocaïne.
Selon les estimations des policiers, leur organisation a engrangé plus de 10 millions d'euros de bénéfices annuels rien que pour la cocaïne et l'héroïne.