Disparition d'Owen à Rouen : faut-il sécuriser les quais de Seine ?

Mardi 15 octobre 2024, un corps correspondant à la description d'Owen, 19 ans, a été retrouvé près de Rouen (Seine-Maritime). Le jeune homme disparu, dix jours plus tôt à la sortie d'une boîte de nuit en bord de Seine, est-il accidentellement tombé à l'eau ? Faut-il sécuriser les quais pour prévenir ces drames ?

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Il y a 11 jours, Owen Cerf, 19 ans, disparaissait à la sortie du So, une boîte de nuit située sur les quais de Rouen (Seine-Maritime). Mardi 15 octobre 2024, un corps correspondant à sa description était retrouvé dans la Seine. Le 1er janvier dernier, une jeune Euroise de 22 ans se noyait dans un bassin du port du Havre ; elle avait fait une chute accidentelle le soir du Réveillon.

Chaque accident conduit à cette même réflexion : comment sécuriser les abords des cours d'eau, notamment dans les ports ?

"On veut aménager les bords du fleuve, sécurisons-les"

À Rouen, aucun dispositif de sécurité particulier n'est installé sur les quais, où pullulent restaurants, bars et clubs. Un élément qui fait réagir nombre d'internautes, sur les réseaux sociaux. "Si l'adolescent avait bu, un accident est vite arrivé", déplore l'un d'entre eux, suite à la disparition d'Owen.

"Il faudra ramasser combien de gamins pour qu'enfin des barrières de sécurité soient installées sur les bords de Seine ?, réagit une autre. Ça ne peut plus continuer comme ça !" "On veut aménager les bords du fleuve, en faire des espaces de promenade. Alors sécurisons-les. Le soir, les quais ne sont pas éclairés, on peut ne pas bien repérer le bord... Il faut absolument mettre quelque chose."

Sur Facebook, une dernière souligne : "Trop de choses sordides se passent en sortie de boîte ou de bar. On sait construire un Panorama XXL à je ne sais combien de millions d'euros mais sécuriser la vie humaine, c'est autre chose. Il faudra peut-être que la Ville de Rouen se réveille et revoit ses priorités."

Vidéosurveillance et éclairage renforcés, barrières de sécurité, échelles, bouées de sauvetage... Si des solutions existent bel et bien, elles ne dépendent cependant pas de la Ville de Rouen, qui se refuse logiquement à commenter. Côté quais, la zone appartient en effet à Haropa Port.

"Tout le monde se renvoie la balle"

C'est cet élément qui complique les choses, comme le confie le gérant d'un établissement situé sur les quais rive droite, qui souhaite rester anonyme. "Ce n'est pas nouveau. À partir du moment où la mairie gère les infrastructures, une société privée le parking, Haropa les quais... Tout le monde se renvoie la balle", dénonce-t-il.

Outre les accidents de personnes, "on a eu des vols de voiture, des casses, indique le restaurateur. On a monté un groupe de différents établissements sur les quais et demandé un rendez-vous à Haropa, mais ça ne fonctionne pas. On essaie de continuer à faire de la prévention chacun de notre côté, on ne sert pas d'alcool aux gens alcoolisés... Mais on n'avait pas besoin de ça."

La grosse complexité, c'est que l'on est situé à côté d'une des plus grosses boîtes de nuit de Rouen. Je retrouve souvent des cadavres de bouteilles ou autres substances consommées lors des soirées, sur le parking, devant les marches.

Un gérant d'établissement sur les quais

à France 3 Normandie

Directeur de la Brasserie H9, située dans le même hangar que le So, Olivier Matte abonde et pointe l'absence d'aménagements de sécurité : "Il n'y a rien du tout. Entre les motos et les trottinettes qui passent sans aucune maîtrise, les enfants qui peuvent s'échapper... À proximité des quais, un accident, ça peut aller très vite, et ça se produit toujours au mauvais moment."

Lui estime que déployer un dispositif de sécurité ne peut qu'être vertueux, même s'il est important de responsabiliser le public : "La prévention, on n’en fait jamais suffisamment. Des barrières, ce serait très bien, même si ça ne fait pas tout."

Sur la rive gauche, les quais mais aussi les ponts

Rive gauche aussi, la pose de barrières sur les quais convainc les restaurateurs, en particulier pour assurer la sécurité des fêtards qui les empruntent la nuit. "C'est une question de sécurité, notamment devant les bars et boîte de nuit", assure-t-on dans un établissement du Hangar 105, avec une nuance : "Je ne suis pas sûr que ça nous ramènerait plus de monde, ça concerne surtout les bars de nuit."

Son gérant estime cependant que l'absence de sécurité des quais n'est pas la seule problématique. Restent les ponts et les routes, où l'accessibilité n'est pas simple pour les piétons.

"Côté rive gauche, on nous a vendu le Hangar 105 comme future vitrine de l'écoquartier, et rien, ni les transports en commun, les navettes ou les parkings, n'a été mis en place pour faciliter la venue des Rouennais d'une rive à l'autre. On a demandé de sécuriser le Pont Guillaume-le-Conquérant pour que les piétons puissent traverser sans avoir peur des poids lourds... Tout nous a été refusé."

Quels dispositifs de sécurité à Caen et au Havre ?

Pour les débits de boissons, il est interdit de servir de l'alcool à des gens manifestement ivres, sous peine d'une amende de 750 euros. Et si des zones d'ombre entourent toujours la disparition du jeune Owen, à Rouen, les chutes de personnes dans l'eau restent souvent liées à l'alcool et la fête, dans des villes où les lieux de convivialité se trouvent à proximité des bassins ou des bords de fleuve, comme la Seine ou l'Orne.

Au Havre, les bars sont plutôt situés en centre-ville. Mais les discothèques, elles, se trouvent dans le quartier de l'Eure. Il faut alors longer les ponts et les bassins pour espérer prolonger la soirée.

Outre le décès de la jeune femme originaire de Pîtres (Eure) le 1er janvier dernier, entre mars 2017 et juin 2018, cinq personnes ont trouvé la mort dans les bassins du Havre, dans des circonstances similaires.

A lire aussi : Après la noyade d'une jeune femme au Havre, la sécurité des bassins en question

À Caen, un jeune homme de 22 ans a été retrouvé mort en juillet 2021 sur les bords de l'Orne, sous le pont de Bir-Hackeim. Tombé dans l'eau le 11 juillet, son corps avait été retrouvé cinq jours plus tard.

Si la municipalité n'a pas jugé nécessaire de sécuriser les bords de l'Orne, elle a installé, en 2015, des rambardes de sécurité dans le port de Caen, après la noyade de cinq personnes, les années précédentes.

Dans la Cité Océane, les bassins, quant à eux (bassin du commerce, bassin du Roy, bassin de l'Anse Notre-dame, bassin Vatine et quai Southampton) sont désormais sécurisés par des bouées de sauvetage, à défaut de garde-corps.

Des barrières, une fausse bonne idée ?

Sur les quais de Rouen, des bouées de sauvetage et des échelles sont présentes tous les 100 mètres, ainsi que des pancartes de signalisation "Baignade interdite". Un système de barrières serait-il envisageable ? Contacté, Haropa Port indique être "particulièrement touché par cet accident dramatique et s'associe à la douleur de la famille" d'Owen Cerf.

Haropa Port rappelle cependant que "la très grande majorité des ports du monde n'a pas de barrières" et évoque les difficultés qu'elles pourraient engendrer pour les accostages des nombreux bateaux fluviaux.

La question de la sécurisation des quais de Seine se pose à chaque Armada. "Cela avait fait l'objet d'une étude de sécurité qui n'avait pas validé les barrières", indique Haropa Port.

"Il avait été effectivement imaginé des barrières mais une étude avait démontré qu'en cas de mouvement de foule, les barrières seraient pires", se souvient Philippe Chastres, vice-président de l’Armada.

À défaut de barrières, l'installation de lumières, de garde-corps ou encore le lancement d'une campagne de prévention peuvent être imaginés. Ce dramatique accident sera certainement l'occasion de lancer une réflexion sur le sujet.

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