Pour les enfants sourds, qui souffrent d'autisme, de déficience mentale ou d'autres handicaps, trouver sa place à l'école n'est pas toujours simple. Différents dispositifs favorisent l'inclusion de ces élèves en milieu scolaire.
Dans les établissements scolaires français, les termes égalité et fraternité de la devise républicaine ne sont pas pris à la légère. Depuis de nombreuses années, les équipes éducatives s'efforcent d'accueillir tous les enfants, quelle que soit leur origine, leurs difficultés ou leur handicap. Longtemps rassemblés au sein d'établissements spécialisés, les élèves handicapés sont aujourd'hui pris en charges au sein des établissements scolaires classiques, avec quelques aménagements. Si l'inclusion de ces publics en difficulté souffre parfois de manque de moyens, les dispositifs se multiplient. Immersion dans quatre établissements qui mettent en place l'inclusion de différentes manières.
Accompagner les enfants en difficultés, au sein même de l’école
À Saint-Étienne du Rouvray, c’est une classe pas comme les autres que Celia Baillif prend en charge. Au sein de l’école élémentaire André Ampère, elle s’occupe de l’ULIS : l’Unité Locale pour l’Inclusion Scolaire qui accueille 14 élèves. Et quand on lui demande d’expliquer comment ça fonctionne, la réponse est un peu déroutante : “Moi ? Je n’ai pas de classe. Je n’ai que des élèves qui viennent d’autres classes.” C’est pourtant bien cette particularité qui fait tout l’intérêt du dispositif : les élèves en difficulté ne sont pas regroupés en permanence, ils sont scolarisés dans la classe qui correspond à leur âge ou leur niveau, comme tous les autres élèves. La classe ULIS les prend en charge quand ça devient trop compliqué pour eux d’être dans une classe ordinaire.
Ici, il y a une autre dynamique, on leur prouve qu'ils peuvent progresser.
Célia Baillif, responsable d'Unité locale pour l'inclusion scolaireInterview à France 3
Les quatorze élèves qui fréquentent l’ULIS ont entre 7 et 12 ans, ils souffrent de handicaps divers et la moitié est autiste. Pour ces jeunes, suivre une scolarité classique n’est pas possible. Mais avec l’aide de Célia, ils ont pu dépasser leurs difficultés et poursuivre un apprentissage presque normal. La professeure spécialisée raconte : “On a des élèves qui arrivent avec un désamour total pour l’école. Ils se disent qu’ils ne sont pas capables, qu’ils sont nuls. Ils pensent que ça ne sert à rien de travailler, car ils n’y arrivent pas. Ici, on est dans une autre dynamique, on leur prouve qu’ils peuvent progresser.”
Pour faciliter l’apprentissage de ses élèves un peu particulier, Célia propose à chaque enfant un plan de travail individuel et des méthodes adaptées. Généralement, les enfants passent la matinée en ULIS pour compléter l’apprentissage des maths et du français. L’après midi, ils retournent dans leurs classes respectives. Mais le dispositif ne s’arrête pas à la classe du matin et Célia n’est d’ailleurs pas la seule à intervenir. Le jour de notre visite par exemple, une ergothérapeute vient passer un moment avec Alice, une élève de CM1, pour lui apprendre à utiliser une tablette, un outil qui lui est indispensable quand elle est en classe. Il y a aussi les AESH (Accompagnant des Élèves en Situation de Handicap) qui accompagnent certains enfant en classe. L’après-midi, quand les élèves de l’ULIS sont avec les autres, la professeure spécialisée, elle, intervient en “co-enseignement” : elle vient en complément dans une classe, pour aider tous les enfants en difficultés.
À Saint-Étienne du Rouvray, comme ailleurs en France, les classes ULIS permettent aux élèves en situation de handicap de sortir de l’isolement.
L’autorégulation : apprendre à vivre en société
À Evreux, l’école élémentaire Jean Moulin a choisi de mettre en place un dispositif moins répandu, centré sur l’autonomie et la vie en société. Dans cette école de 255 élèves, huit enfants qui souffrent de troubles autistiques bénéficient du “Dispositif d’AutoRégulation” (DAR). Menée depuis deux ans, l’expérience a été pérennisée à la dernière rentrée. C’est le seul établissement qui met en place ce dispositif dans la région.
Nous sommes là pour favoriser l'autonomie des enfants.
Marine, éducatrice spécialiséeInterview à France 3
Ce matin-là, Maël, élève de CE1, accueille notre équipe dans sa classe. Il est 8 h 30 et c’est l’heure de la dictée, exercice difficile pour lui, qui soufre de troubles autistiques. Marine, l’éducatrice spécialisée qui l’accompagne, n’est pas loin. Alors qu’il ne pouvait aller à l’école maternelle qu’une heure par jour, Maël est scolarisé à temps plein depuis son arrivée en élémentaire. Dans le cadre du DAR, il participe plusieurs fois par semaine à des ateliers pour travailler sur les comportements en société. “Notre but, c’est de favoriser l’inclusion, qu’ils soient dans leur classe. Nous sommes là pour apporter des outils, pour favoriser l’autonomie des enfants, pour qu’ils puissent travailler comme les autres, au même rythme.”, précise Marine.
Si les plus jeunes, sont accompagnés la plupart du temps scolaire, les élèves plus âgés, qui ont bénéficié du dispositif depuis plusieurs années, sont désormais autonomes. Pour Nell, 10 ans, élève en CM2, c’est un vrai plus : “Ça m’a beaucoup aidé, au niveau de mes émotions, à tous les niveaux. J’arrive mieux à m’intégrer, je travaille mieux en classe, je suis plus concentré, ça m’arrange.” Ces progrès n’auraient pas été possibles sans l’étroite collaboration entre les enseignants et l’équipe médico-sociale. En plus de l’accompagnement individuel des plus jeunes, des ateliers en petits groupes sont organisés, par les éducatrices et les psychologues.
Venu du Canada, le dispositif d’auto-régulation à fait preuve de son efficacité. Grâce à l’équipe de l’école Jean Moulin, plusieurs élèves ont pu rejoindre le collège en toute autonomie.
La place de ces enfants n'est pas derrière des murs.
Franck AuffretInterview à France 3
Au Mesnil en Ouche, l’institut medico-educatif (IME) accueille des enfants souffrant de déficience intellectuelle et, ici aussi, on travaille sur l’autonomie et l’intégration. L’équipe éducative a fait voler les barrières entre éducation spécialisée et enseignement ordinaire. Alors que la majeure partie des IME assurent la scolarisation de leurs pensionnaires en interne, Franck Auffret, le directeur de cet établissement de l’Eure, a fait le choix d’envoyer les élèves dont il a la charge dans les collèges du secteur : “La place de ces enfants n'est pas derrière des murs, à la campagne, mais à l’école, parmi les autres.” assure-t-il.
Dans cet établissement, une dizaine de jeunes de 12 à 16 ans sont scolarisés à l’extérieur. Chaque matin après le petit déjeuner, ils prennent le chemin de l’école, comme n’importe quel collégien de leur âge. Arrivés sur le campus du Mesnil-en-Ouche, les jeunes rejoignent les deux salles de classes qui leur sont réservées. Isabelle, professeure des écoles et Laura, éducatrice spécialisée se chargent de l’enseignement. Dans la cour, comme à la cantine, ou encore lors de toutes les activités extra-scolaires organisées par l’établissement, les élèves de l'IME côtoient les autres collégiens. Pour ces jeunes souvent mis à l’écart à cause de leur handicap, c’est l’occasion de maintenir un lien avec les enfants connus, à l’école primaire notamment. Pour les autres élèves du collège, c’est aussi un moyen d’apprendre à accepter la différence.
L'inclusion, pensée dès la conception des bâtiments
Ici, l’inclusion de cette Unité d’Enseignement Spécialisée a été pensée dès la conception des bâtiments du collège, un symbole, mais aussi une vraie révolution pour ces enfants et leurs parents. Pour le directeur de l’établissement, “Ça montre bien, qu’avant tout, on est collégien. La plus belle satisfaction que j’ai pu avoir ces dernières années en tant que chef d’établissement, c’est quand des parents sont venus me trouver en disant : merci, parce que ça y est, notre enfant est collégien, et je ne pensais pas qu’un jour, il le serait.”
Un exposé en langue des signes
Aurte handicap, autre dispositif. Depuis plus de 10 ans, des élèves sourds sont accueillis au Lycée Marcel Sembat de Sotteville-lès-Rouen. Ces dernières années, les Pôles d’Enseignement des Jeunes Sourds se sont multipliés. Ils visent à garantir la continuité de leur parcours scolaire, de la maternelle jusqu’au lycée.
Pour Yann, l’heure du premier exposé devant la classe est arrivée. Un exercice difficile pour ce jeune étudiant sourd que ne s’exprime qu’en langue des signes. Élève en BTS électrotechnique, c’est sa quatrième année au sein du Lycée de l’agglomération rouennaise. Depuis son arrivée dans l’établissement, il bénéficie d’un accompagnement personnalisé : un AESH la plupart du temps et un interprète indispensable pour lui permettre de comprendre et de communiquer. Yann explique : “Quand je n’ai pas d’interprète, c’est un peu plus compliqué pour moi, c’est plus fatiguant aussi. J’ai plus de mal à comprendre. Si les professeurs s’expriment à l’oral, je comprends à peu près 30% de ce qui est dit.”
À Sotteville, le lycée rassemble en un seul endroit les ressources humaines et matérielles, pour accueillir au mieux les élèves malentendants. En 10 ans, l’accueil de ces jeunes est devenu habituel et les professeurs sont aussi plus sensibles à ce handicap. Carla, une élève de seconde, a tout de suite vu la différence en arrivant ici : “Je me sens moins seule, parce qu’il y a d’autres sourds dans le lycée. Je me sens plus à l’aise ici, les profs savent mieux expliquer. Quand j’étais en primaire, c’était plus compliqué, car ça n’était pas spécialisé pour les sourds.”
À leur arrivée en seconde, les jeunes sourds ou malentendants sont regroupés dans une même classe. Cette année, ils sont trois et parviennent tous à s'exprimer oralement. Pas besoin d’interprète cette fois, mais le petit groupe bénéfice d’une AESH commune. “Je fais souvent des reformulations de consignes. Je prends des notes aussi : pour eux, c’est impossible de se concentrer sur le professeur et de prendre des notes en même temps, car ils s’appuient sur la lecture labiale.” Pour demander de l’aide, les élèves sourds peuvent se retrouver dans une salle dédiée, une médiatrice est présente à mi-temps pour les accompagner.
Une ouverture pour les élèves valides
La présence de ces jeunes atteints de handicap est aussi une ouverture pour les élèves valides qui apprennent, eux aussi, à communiquer avec les malentendants. Des cours de langue des signes sont dispensés, au sein du lycée. Un apprentissage qui participe à une meilleure inclusion des élèves.
Après 10 ans d’existence, ce dispositif a prouvé son efficacité, aujourd’hui le rectorat de Rouen travaille à la mise en place d’un parcours complet pour ces jeunes, et ce, dès la maternelle.
Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez consulter le site du gouvernement handicap.gouv.fr.