Selon une étude de l'école de commerce l'EM Normandie sur "l'auto-élimination" : plus d'un salarié sur deux ne postule pas à une offre d'emploi qui l'intéresse alors qu'il dispose des compétences et les expériences requises. On vous décrypte pourquoi et comment y remédier.
Voir une offre d'emploi intéressante, correspondre au poste et pourtant ne pas oser postuler : c'est une réalité pour de nombreux Français. Selon une récente étude de l'EM Normandie, plus d'une personne sur deux se censure face à une offre d'emploi qui lui correspond.
La peur de l'échec
Pour parvenir à de tels résultats, l'étude s'est basée sur 165 comptables généralistes en recherche d'emploi : tous ont reçu une annonce ciblée par rapport à leurs compétences et à leur lieu de résidence. Les conditions d'emploi se voulaient alléchantes : rémunération attractive, opportunités de télétravail et perspectives d’évolution.
Les résultats sont surprenants : seulement 46 % des participants ont choisi de postuler. Pour ceux qui n'ont pas souhaité tenter leur chance; cette décision est principalement motivée par l’estimation des chances de succès (81,1 %), puis seulement à cause de l’affinité avec l'entreprise (11,3 %) et enfin seulement avec le poste (7,6 %).
Il s'avère ainsi que les personnes en recherche d'emploi préfèrent postuler uniquement aux offres pour lesquels ils estiment avoir des chances de réussite et non massivement pour augmenter ses chances d'y parvenir. Une sorte de gestion du risque, guidée par la peur des refus et ses conséquences psychologiques :
L’échec a un coût psychologique : il atteint l’estime de soi, notamment celle de ceux qui sont déjà en situation de fragilité. Puisque l’acte de postuler est le choix d’investir des ressources dans l’espoir d’un gain, il s’apparente à une stratégie.
Etude de l'EM NormandieChaire Compétences, employabilité, et décision RH
Mieux valoriser les carrières "non-linéaires"
Autre élément important de cette étude : les candidats au profil moins "linéaire", c'est-à-dire avec une carrière hachée, avec des périodes de chômage par exemple, se censurent davantage.
Les candidats les moins attractifs se dissuadent de postuler et raréfient leur implication dans les compétitions de recrutement. Ils ne peuvent que limiter leurs chances d’accès à des emplois ; mais ils s’offrent d’autant moins l’opportunité de se rassurer, de peaufiner leurs documents de candidature ou d’apprendre à gérer les aléas liés au recrutement.
Etude de l'EM NormandieChaire Compétences, employabilité, et décision RH
"Les candidats pensent trop souvent que les recruteurs vont privilégier le "beau candidat", celui qui aura un parcours linéaire, au "bon candidat", celui qui aura les compétences requises, même si c'est dans une autre branche d'activité", explique Jean Pralong, professeur en ressources humaines digitales et gestion des carrières à l'EM Normandie.
Pour illustrer son propos, il donne l'exemple d'un entraineur de foot : dans l'imaginaire collectif, les compétences associées relèvent du sport et non pas du management. Dans les faits pourtant, cet entraîneur aura acquis des compétences en management grâce à cette expérience. "Il ne faut pas réduire les compétences au parcours inscrit sur le CV et il faut que les candidats apprennent à parler de leurs parcours", préconise le professeur en école de commerce, Jean Pralong.
"Tenter sa chance veut dire prendre le risque d'avoir des réponses positives et négatives"
A l'issue de cette étude, ce professeur de l'EM Normandie veut motiver les candidats à ne pas s'auto éliminer : "Personne n'a envie de se prendre des murs mais il faut comprendre que tenter sa chance va de pair avec le risque d'avoir des réponses positives et négatives".
Et avis aux recruteurs, l'étude leur préconise de ne pas se limiter aux CV pour évaluer les compétences de leurs candidats (des tests spécifiques existent pour cela) et de faire savoir aux candidats comment leurs compétences vont être évaluées pour éviter cette "auto-élimination".