Dans un entretien accordé à France 3 Normandie, le maire socialiste de Rouen et président de la Métropole Rouen Normandie, Nicolas Mayer-Rossignol, a révélé être atteint d'un cancer de la vessie. Une situation difficile qui a confirmé sa volonté de soutenir les agents de la Métropole touchés par la maladie.
Il ne l'avait jamais exposé publiquement : depuis deux ans, le maire de Rouen et président de la Métropole Rouen Normandie, Nicolas Mayer-Rossignol, mène un combat acharné contre le cancer.
S'il nous assure se porter "bien", il évoque une volonté de transparence et insiste sur la nécessité de parler de ce sujet encore tabou, alors que plus de 430 000 personnes sont diagnostiquées chaque année en France. Entretien.
"Souvent, la maladie isole"
France 3 Normandie : La Ville de Rouen et la Métropole s'engagent pour soutenir les centaines, voire les milliers, d'agents touchés par la maladie, plus particulièrement par le cancer. Vous portez d'ailleurs la moustache pour Movember, un mois destiné à sensibiliser aux cancers dits masculins. Pourquoi teniez-vous absolument à afficher cet engagement ?
Nicolas Mayer-Rossignol : D'abord, parce que c'est un sujet tabou, en général. La maladie, surtout le cancer, ça fait peur, on pense à la mort. Souvent, c'est difficile d'en parler, alors qu'il y a plein de situations très différentes.
Souvent, la maladie isole. Et en fait, on sait que pour beaucoup de gens, c'est important de garder un lien humain. Un lien avec sa famille, ses proches, mais aussi avec son environnement professionnel.
Bien sûr, des fois, on ne le peut pas, pour des raisons liées à la maladie évidemment. Mais je crois que c'est important qu'il y ait un soutien bienveillant de la communauté professionnelle pour aider les personnes malades, les accompagner, les écouter, leur faire sentir qu'elles font toujours partie d'une communauté humaine. Pour aider les aidants aussi.
Et puis, plus personnellement, ça fait écho à mon histoire personnelle.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Oui. Ce n'est pas le cœur de cette action, mais ça me touche plus spécifiquement parce que, et je ne l'avais pas encore dit publiquement même si mes proches sont bien sûr au courant, il se trouve que j'ai été opéré d'abord en février 2022 - pendant la campagne présidentielle - pour une première tumeur cancéreuse de la vessie.
Ça a été un choc pour moi, une surprise, parce que ce sont des cancers qui touchent plutôt des gens plus âgés, qui fument ou qui ont été exposés à des hydrocarbures. Ce n'est pas particulièrement mon cas, et je ne suis pas fumeur.
J'ai fait un premier traitement immunothérapeutique. Après une première récidive, j'ai été réopéré en avril 2023. J'ai encore fait un traitement. Et puis j'ai été opéré de nouveau pour une deuxième récidive en juin 2024. Je suis en train de finir mon traitement.
Je n'ai pas voulu en parler tout de suite parce que je pensais que c'était un événement tellement exceptionnel que ça allait vite être derrière moi. La faute à pas de chance, si vous voulez... Mais ces cancers font beaucoup de récidives.
Nicolas Mayer-Rossignolà France 3 Normandie
Je vais très bien, que ce soit bien clair. Je n'ai pas de métastases. J'ai la chance d'être suivi de manière extraordinaire au CHU de Rouen par une équipe absolument incroyable.
On a applaudi les soignants et le CHU pendant le Covid, je peux vous dire qu'ils font un boulot absolument extraordinaire, pour moi et pour tellement d'autres patients. Ils sont à la fois humains, compétents, discrets, efficaces, à l'écoute... J'insiste là-dessus parce que tous les pays n'ont pas cette chance-là.
Je vais très bien mais bien sûr ça nécessite un suivi. Ça n'a pas du tout remis en cause mon engagement dans la vie professionnelle et dans la vie publique, ni mon mandat de maire.
Au contraire : la maladie isole, et le fait de pouvoir avoir la chance comme c'est mon cas de s'engager, de bosser, d'être au contact des gens tout simplement, c'est bien sûr se sentir utile et se sentir dans une communauté humaine. Ça a plutôt décuplé mon engagement public.
"Le chemin de la résilience passe par le fait d'en parler"
Pourquoi avez-vous décidé de l'annoncer publiquement ?
Parce que je veux être transparent. On voit qu'il y a des centaines de milliers de personnes qui sont diagnostiquées d'un cancer en France chaque année. De plus en plus jeunes, et de plus en plus chroniques. Et souvent, comme c'est probablement mon cas, pas forcément lié à la génétique - je n'ai pas d'exemple dans ma famille - mais plutôt lié à l'environnement.
L'environnement, ça signifie l'alimentation, l'eau, l'air, la pollution... Vous comprenez pourquoi je suis si attaché à améliorer la qualité de vie dans notre agglomération, il y a aussi une résonance personnelle.
Je veux en parler parce que c'est un sujet tabou. Quand on a une maladie, on a le sentiment d'être à part, isolé, que l'on n'est tout d'un coup plus un être humain comme les autres. Alors qu'au contraire, il faut en parler.
Alors bien sûr, j'ai eu des épreuves et ça a eu des conséquences sur ma vie personnelle. Mais j'ai eu la chance d'être entouré, d'être aimé. C'est important de voir que le chemin de la résilience, de la reconstruction, du combat contre la maladie, passe aussi par le fait d'en parler.
Travail et cancer : c'est souvent un sujet tabou, voire impossible ?
Je veux être très précis : bien sûr qu'il y a des situations où une personne, parce qu'elle est malade, ne peut absolument pas travailler. Mais il faut aussi reconnaître que parfois, pour une personne malade, garder un lien avec ses collègues - pas forcément travailler mais par exemple partager un déjeuner de temps en temps avec des collègues ou des anciens collègues, les coups de fil, les petits échanges... Ne pas rompre le lien - c'est absolument essentiel.
Or, la maladie isole, elle peut abattre, ou au contraire rendre plus fort et plus humain. Moi, ça a décuplé mon engagement public. Sur ces années, je me suis plus investi et au niveau local, et au niveau national. Et ça m'a probablement aidé à mieux supporter ce combat contre la maladie.
Quand vous êtes confronté à ce type d'épreuve, vous réalisez à quel point on a la chance, en France, d'avoir un tel service public de santé. Ça renforce mon envie de le défendre, de le protéger, de le faire savoir, de le faire connaître.
Nicolas Mayer-Rossignol
La maladie a-t-elle modifié votre vision de l'avenir politique, ou vivez-vous au présent, au jour le jour, à remplir votre mission ici à Rouen ?
Quand vous êtes confronté à ce type d'épreuve - encore une fois, je ne suis pas à plaindre, beaucoup vivent des choses autrement plus graves - vous réalisez la relativité de beaucoup de choses, vous réalisez à quel point on a la chance, en France, d'avoir un tel service public de santé. Ça renforce mon envie de le défendre, de le protéger, de le faire savoir, de le faire connaître.
Vous avez envie aussi de mieux faire connaître les parcours humains, les aidants, les personnes malades qui se battent et les proches, les collègues, qui vont faire ce qu'il faut pour les aider à vivre mieux. J'avais aussi envie de par mon éducation de soutenir plus la recherche. En France, elle n'est pas assez soutenue alors qu'elle fait des progrès incroyables dans la médecine et au-delà.
Visionnez l'entretien complet :
J'avais envie d'en parler par transparence, pour dire aussi que je vais bien, que ce n'est pas un drame pour moi d'être dans cette situation même si c'est une épreuve, qu'il faut continuer à vivre, qu'il faut se battre et que ça renforce votre engagement pour les autres. Je pense que c'est important que nos concitoyens sachent que des gens se battent pour ça.
J'ai envie, à travers ce que vont faire la Ville et la Métropole, que d'autres territoires s'engagent sur ces sujets-là, peut-être des entreprises ou des associations. Parce qu'il y a de plus en plus de cancers : il ne faut pas faire l'autruche. Il faut regarder les choses en face et être solidaires.
Vous vouliez rassurer aussi les Rouennais quant à votre travail ?
Je n'ai connu personne qui m'ait dit 'on a l'impression que tu es moins présent'. Au contraire ! Franchement, je pense que cette annonce sera sans doute une surprise. Sans prétention, à peut-être une ou deux exceptions près, j'ai fait des réunions dans des conditions médicales qui n'étaient pas tout à fait ce que m'indiquait le médecin !
Je vais continuer d'être présent, et ça va bien, et ça me fait du bien. Je ne suis pas du tout inquiet, je cherche juste à être transparent. Le sujet qui est important, au-delà de mon cas personnel, c'est que ce n'est pas facile de parler du cancer. Et entre être isolé et être mis au ban, il y a une frontière très floue. Il faut y faire attention.
Propos recueillis par Emilie Leconte.