Incendie de Lubrizol : de nouvelles analyses dévoilent "une pollution des eaux souterraines"

Quatre ans après l'incendie de Lubrizol et Normandie Logistique, de nouvelles analyses des eaux souterraines viennent d'être publiées. Sur cinq points de prélèvements, plusieurs polluants ont de nouveau été détectés. Explications.

Le 26 septembre 2019, l'agglomération de Rouen (Seine-Maritime) connaissait la pire catastrophe industrielle de son histoire. Au milieu de la nuit, l'usine Lubrizol et les bâtiments du transporteur routier Normandie Logistique s'embrasent, 9 000 tonnes de produits chimiques brûlent et forment un épais nuage noir dans le ciel.

Si pour l'heure, aucune victime directe de l'accident n'est à déplorer, l'inquiétude porte sur la pollution à long terme partout sur le territoire. L'association L'Union des Victimes de Lubrizol a rendu public plusieurs tableaux comparatifs portant sur les résultats d'analyses des eaux souterraines après l'incendie.

De nouveaux de résultats d'analyses

Depuis quatre ans, de multiples rapports ont été réalisés par les scientifiques à la demande de la population, de l'entreprise Lubrizol et de la préfecture de la Seine-Maritime. De nouveaux résultats d'analyses, dévoilés par 76actu, concernant la pollution des eaux souterraines ont été mis en évidence par L'Union des Victimes de Lubrizol.

"La promesse de transparence n'est que partiellement tenue. Ces chiffres ne sont pas systématiquement mis en ligne sur le site de la préfecture, nous les avons demandés le 25 avril, et après de multiples relances nous les avons finalement obtenus le 15 septembre 2023", s'insurge Christophe Holleville, secrétaire de l'association.

Après trois campagnes de prélèvements réalisées en octobre 2020, décembre 2022 et avril 2023, le compte rendu souligne d'abord des contaminations persistantes aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).

La quantité de ces résidus, considérés comme potentiellement cancérogènes, a même augmenté sur l'un des cinq points de prélèvements, le Pz28. En octobre 2020, 0,2 microgramme de HAP par litre d'eau avait été mesuré, en avril 2023 ce chiffre monte à 3,8 microgrammes par litre.

"À cet endroit précis, le site pollué se trouve sous une dalle de béton, ce qui empêche l'excavation et donc la dépollution", explique Matthieu Fournier, enseignant chercheur à l’université de Rouen Normandie et coordinateur du projet Cop Herl. Sans dépollution, la concentration de HAP dans l'eau augmente.

Ailleurs, la quantité d'hydrocarbure diminue mais "il faudra des dizaines, voire des centaines d'années pour que les HAP disparaissent", précise le spécialiste.

La quantité de "polluants éternels" diminue

En plus des contaminations aux HAP, les sols sont touchés par une autre pollution, plus importante, aux perfluorés (PFOA) et polyfluorés (PFOS). Là encore, les effets de ces polluants éternels sont peu connus : "partout en Europe, des traces ont été répertoriées mais nous n'avons pas assez de recul pour en connaître les conséquences", souligne Matthieu Fournier.

Autour du site de Lubrizol, sur le point de prélèvement Pz32, la quantité de PFOS relevée est inquiétante. En avril 2023, les analyses montrent 9,6 microgrammes de polluants par litre d'eau souterraine, un chiffre bien au-dessus des recommandations sanitaires.

En 2020, l'Union Européenne avait émis un document proposant une limite située à 0,5 microgramme de PFOS/PFOA par litre d'eau. Tout comme les HAP, les perfluorés et les polyfluorés sont désormais ancrés de façon perenne dans les eaux souterraines.

Après l'incendie des usines Lubrizol et Normandie Logistiques, les eaux souterraines ont été polluées, c'est une évidence.

Matthieu Fournier, enseignant chercheur à l’université de Rouen Normandie et co-coordinateur du projet Cop Herl

Malgré tout, la quantité de ces polluants éternels diminue sur 4 des 5 points de prélèvement. Toujours, sur le Pz32, les analyses montraient 19 microgrammes de PFOS en décembre 2022. "Bien sûr, la teneur baisse. D'abord, grâce aux effets du temps qui passe et qui dégrade les molécules polluantes, mais aussi parce que les eaux souterraines fuient vers la Seine", explique l'enseignant-chercheur de l'Université de Rouen.

En avril 2023, sur trois des cinq sites analysés, la recommandation européenne de 0,5 microgramme reste dépassée. Christophe Holleville s'inquiète du manque d'informations sur les conséquences possibles sur la santé des habitants, "340 000 personnes ont été polluées à des degrés différents et le suivi sanitaire est un fiasco", regrette-t-il.

De son côté, la préfecture de la Seine-Maritime a indiqué qu'elle réagirait à ces nouveaux élements au début du mois de décembre prochain.

L'eau potable n'est pas concernée par la pollution

En octobre 2021, des documents internes à l’agence de l’eau Seine-Normandie avaient été révélés par la presse indiquant déjà la pollution de la source souterraine des Cressonnières aux HAP. La question de la contamination de l'eau potable avait alors été écartée par l'Agence régionale de santé Normandie : "L’eau captée sur ces ressources et distribuée après traitement à la population passe par un processus d’ultra-filtration qui permet de retenir les particules d’une taille supérieure à 0,01µm et les substances polluantes associées, dont les HAP." 

Les nouveaux chiffres publiés par L'Union des Victimes de Lubrizol ne concernent pas directement des sources d'eau potable. "L'objectif est de montrer que notre environnement est pollué par des industriels", abonde Christophe Holleville. Pour l'heure, aucune étude scientifique ne montre que la qualité de l'eau consommée après la catastrophe a été altérée par l'incendie.

Si dans 10 ou 20 ans Lubrizol s'en va et que le site devient une friche à l'image du quartier Flaubert, qui dépolluera ? C'est la responsabilité de cette entreprise qui est en cause dans la contamination de l'environnement.

Christophe Holleville, secrétaire de l'Union des Victimes de Lubrizol.

La société Lubrizol a été mise en examen pour « déversement de substances nuisibles » et pour des manquements dans l’exploitation de son site ayant porté une « atteinte grave » à l’environnement et à la santé ainsi que pour "exploitation non conforme d’une installation classée ayant porté une atteinte grave à la santé, la sécurité ou dégradé substantiellement la faune, la flore, la qualité de l’air, du sol, ou de l’eau." 

De son côté, la société Normandie Logistique est placée sous le statut de "témoin assisté".

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