Après quatre années de combat, le chemin semble encore long avant de connaître la vérité sur l'incendie qui a touché les entreprises Lubrizol et Normandie Logistique en 2019. Plusieurs associations de victimes ont vu le jour et leur quotidien oscille entre détermination et résignation.
Quatre ans après la catastrophe industrielle du 26 septembre 2019, où les entreprises Lubrizol et Normandie Logistique ont été touchées par un gigantesque incendie, des citoyens continuent de se battre pour connaître la vérité, notamment en campagne à Forges-les-eaux.
Pour rappel, cinq mois après l’incendie de son usine chimique de Rouen, la société Lubrizol a été mise en examen pour « déversement de substances nuisibles » et pour des manquements dans l’exploitation de son site ayant porté une « atteinte grave » à l’environnement et à la santé, a annoncé le parquet de Paris, en février 2020.
Des citoyens mobilisés à la campagne
À Forges-les-Eaux, l’association l’Union des victimes de Lubrizol compte 50 membres et regroupe environ 1 000 plaintes de particuliers constitués partie civile dans la procédure pénale contre Lubrizol. Ils sont défendus par Maître Barbier, avocat au barreau de Dieppe.
Pour Christophe Holleville, secrétaire de l'Union des victimes de Lubrizol, la longueur de la procédure judiciaire démotive certaines victimes de l’incendie de Lubrizol. Quatre ans après le drame, le dossier n’avance pas aussi vite qu’ils le voudraient.
Certains plaignants sont décédés et ne connaîtront jamais la condamnation de Lubrizol ou Normandie Logistique.
VIDÉO. Retrouvez le reportage de Félix Bollez et Patrice Cornily à Forges-les-Eaux :
La peur de l’oubli
Si aujourd’hui le drame est encore dans la tête de beaucoup d’habitants de Seine-Maritime, le porte-parole craint que le temps judiciaire soit néfaste et en faveur de l’industriel.
On a écrit au juge au mois de janvier pour lui dire qu'il faudrait accélérer. Dans l'association, on a déjà trois personnes qui sont décédées. Dans 15 ans, il en restera beaucoup dans notre association ? Pour la plupart des plaignants, ils ont 70, 75 ans dans 15 ans, s'ils ont de la chance ils seront peut-être encore là pour assister au procès Lubrizol.
Christophe Holleville, porte-parole de l'association des sinistrés de Lubrizol
Christophe Holleville est inquiet : "La première chose que m'a dit notre avocat Stéphane Barbier : tu vas voir Christophe le temps tue tout et il joue pour l'industriel ! C'est exactement ça ! Ils n'en ont rien à faire, ils ont juste à attendre tranquillement que les principaux réfractaires entre guillemets s'éteignent les uns après les autres pour passer à autre chose et puis on sera combien dans 10 ans sur les bancs du tribunal lors de du verdict ?"
"On ne se lève pas à 4h du matin pour jeter notre lait"
Après la catastrophe, la chambre d’agriculture avait interdit la vente des récoltes des agriculteurs. Légumes, céréales, lait… Tout avait dû être jeté.
Un fonds de solidarité avait alors été mis en place pour indemniser les agriculteurs. "On a même vu des laitiers qui jetaient leur lait en larmes ! On ne se lève pas à 4h du matin pour aller traire ses vaches mais pour aller mettre le lait à l'égout derrière à cause d'un industriel", témoigne Franck un maraîcher bio adhérent à l’association.
Christophe Holleville comprend qu’une partie des agriculteurs ait accepté l’indemnisation de Lubrizol parce qu’ils avaient besoin de cet argent immédiatement : "certains nous ont dit ne pas avoir l’énergie d’attendre 15 ans pour avoir un procès comme ça a été le cas pour AZF". Mais cela le met en colère.
"Basée à la campagne, notre association s'est tout particulièrement intéressée au sort des paysans, indemnisés 'discount' par Lubrizol pour obtenir leur silence, et le dégrèvement d'impôts 'pertes de récolte' qui remet en cause le principe de POLLUEURS/PAYEURS promis par l'État", peut-on lire sur le site de l’association.
Une manifestation mardi
D'autres associations et syndicats luttent au quotidien pour connaître la vérité, regroupés dans le Collectif unitaire Lubrizol, qui regroupe des syndicats, des associations de victimes et des partis politiques.
Simon de Carvalho, président de l'Association des sinistrés de Lubrizol à Rouen, et Gérald Le Corre, syndicaliste CGT, véritable visage du combat des citoyens, ont répondu aux questions de Félix Bollez et Patrice Cornily :
Pour que l’opinion publique n’oublie pas, l’Union des victimes de Lubrizol organise avec le Collectif unitaire Lubrizol – qui regroupe des syndicats, des associations de victimes et des partis politiques - des actions "afin de faire avancer la justice envers tous et que le dossier ne finisse pas dans un carton", conclut Christophe Holleville.
Un appel au rassemblement a été lancé pour ce mardi 26 septembre à 18 heures devant le Palais de justice de Rouen.
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