La santé des salariés exposés au panache de l'incendie de Lubrizol et NL Logistique est-elle impactée ? Une nouvelle étude commence

C'est un suivi exceptionnel qui va durer jusqu'en 2039. Les données de santé des salariés qui sont intervenus sur l'incendie à Rouen mais aussi tous ceux qui ont travaillé dans une zone survolée par le panache de fumées vont être étudiées. Le 26 septembre 2019, neuf-mille tonnes de produits se sont dispersés dans l'air.

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Trois ans et demi après l'incendie de l'usine SEVESO Lubrizol et de l'entrepôt Normandie Logistique, Santé Publique France (agence de l'Etat) déclenche un suivi inédit après un accident industriel en France. 

Il permettra de répondre à une question que se posent des dizaines de milliers d'habitants de 119 communes de Seine-Maritime. 

Quels effets sur la santé a eu et aura dans l'avenir le nuage polluant de l'incendie de l'usine SEVESO Lubrizol et de l'entrepôt Normandie Logistique ?

C'est le groupe d'alerte en santé du travail qui a fait cette préconisation.

Sur la carte ci-dessous, en bleu, la zone de passage du panache de fumées qui s'étirait sur 22 kilomètres de long. C'est dans ce périmètre que les données de santé des travailleurs seront suivies.

 

Quelles données de santé seront suivies ?

Le système de remboursement de l'assurance maladie permet de collecter les informations sur :

  • les consultations, examens, hospitalisations, prescriptions
  • Les indicateurs de santé respiratoire, cardio-vasculaire ou incidence de cancer
  •  les affections de longue durée et causes de décès

Qui est concerné par ce suivi ?

Ce sont uniquement des salariés ou personnes qui travaillaient entre le 26 septembre et le 7 octobre 2019. 

Santé Publique France explique que 3 groupes seront suivis. Il ne s'agira pas "d'échantillons" tirés au sort mais de toutes les personnes concernées (sauf si elles s'opposent à la transmission de données) : 

  • "travailleurs intervenus entre le 26/09/2019 et le 30/09/2020 (fin du chantier de remédiation) sur les sites incendiés de Lubrizol et NL Logistique,
  • salariés ayant travaillé entre le 26/09/2019 et le 07/10/2019 dans un établissement situé dans l’une des 119 communes de la zone d’étude globale
  • salariés ayant travaillé entre le 26/09/2019 et le 07/10/2019 (fin du feu couvant) dans un établissement localisé dans le panache modélisé par l’EQRS et distant de 1,2 km des sites incendiés (zone de proximité)."

Pour avoir un point de référence neutre, un échantilllon de travailleurs qui ne se trouvaient pas sous le panache de fumées sera constitué. 

Sur quelles périodes les données de santé seront étudiées ?

Les effets possibles à court, moyen et long terme vont être recherchés : 

  • trois semaines après la fin du feu couvant datant du 07/10/2019, soit entre le 26/09/2019 et le 28/10/2019 (noté court terme)
  • l’année suivant la fin du feu couvant, soit entre le 29/10/2019 et le 07/10/2020 (noté moyen terme),
  • plus d’un an après l’incendie, soit entre le 08/10/2020 et le 07/10/2039 (noté long terme) (avec plusieurs analyses intermédiaires à 5, 10 et 20 ans).

(source : Santé Publique France)

Comment les salariés seront-ils retrouvés ? 

 Pour les salariés qui sont intervenus sur les sites, ou qui travaillent à 1,2 km de l'usine Lubrizol et de Normandie Logistique, deux moyens différents seront utilisés : 

  • "Pour les groupes des travailleurs intervenus sur les sites incendiés et les travailleurs des entreprises situées dans la zone de proximité  : les entreprises seront contactées par Ipsos afin de transmettre de façon sécurisée la liste des leurs employés répondant aux critères d’inclusion (voir ci-dessus).

  • Pour le groupe des travailleurs des autres entreprises situées dans la zone d’étude globale : les travailleurs seront identifiés grâce aux bases de données des caisses de retraite (la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL))". 

(source : Santé Publique France)

La protection des données et la publication des résultats

Le protocole de cette étude a reçu une autorisation de la CNIL et du "Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé".

  • Pour le groupe limité des salariés qui sont intervenus sur site et ceux qui ont travaillé à 1,2 kilomètres : "ils recevront de leurs employeurs une lettre d’information détaillant les modalités de traitement des données ainsi que les droits des participants" . (S'ils s'opposent à être inclus dans le suivi, ils doivent le dire à leur employeur avant le 30 juillet)

  • Pour les dizaines de milliers de salariés qui se trouvaient dans la zone du panache, les données seront collectées par le système national des données de santé, avec un réseau sécurisé et un cryptage. Ils ne pourront pas être identifiés. Chaque personne a aussi le droit de s'opposer à la transmission des données pour cette étude.(Santé publique France, 12 rue du Val d’Osne, 94415 Saint Maurice Cedex )

Concernant la communication des résultats, Santé Publique France précise que "les premières analyses sur l’état de santé devraient être partagées et communiquées un an après la réception des données de santé" et que "l'ensemble des résultats de la présente étude seront publiés sur le site Internet de Santé publique France."

Les premières réactions des associations de victimes

L'"Union des victimes de Lubrizol" regrette que ce suivi soit déclenché trois ans et demi après l'incendie.  

Jusqu'à présent, seule une étude par entretien téléphonique a été menée en 2020  auprès de 6000 habitants sur la "perception de l’accident, les symptômes ressentis et leur santé et qualité de vie un an après l'incendie". 

Elle avait montré notamment que "les deux-tiers de la population (66%) ont rapporté au moins un symptôme ou problème de santé qu’ils ont attribués à l’accident : stress, anxiété, angoisse, irritation des yeux et de la gorge, toux, essoufflement, maux de tête, troubles du sommeil, etc".

Le bilan de cette enquête par téléphone indiquait :

"A noter qu’il ne s’agit pas d’une étude avec des prélèvements biologiques ou sanguins ni d’un suivi individuel de l’état de santé des personnes exposées à l’accident."

C'est précisément ce que les associations de riverains reprochent à l'Etat. Elles essaient de mener leurs propres analyses comme celles de cheveux ou d'air.

Des experts jugent aussi qu'il aurait fallu faire des analyses de sang, urine, cheveux immédiatement après l'incendie pour avoir un "point zéro" des effets de cette pollution singulière avec l'effet "cocktail" de 9000 produits. 

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