Depuis deux mois, l’Institut de médecine légale du CHU de Rouen dispose d’un outil étonnant : un casque de réalité virtuelle, qui permet aux futurs légistes de faire leurs premiers pas sur une scène de mort suspecte plus vraie que nature.
"Il a une plaie du scalp, avec une fracture de la voûte crânienne", constate Albane Guigné. Interne en médecine légale, elle analyse une scène de crime entièrement numérique. Équipée d’un casque de réalité virtuelle et de deux manettes, elle dispose des mêmes outils que dans la vraie vie. Et doit effectuer les mêmes vérifications.
Dans le casque s’affiche l’image de deux corps étendus au sol en pleine forêt. Pour estimer l’heure du décès, Albane commence par prendre leur température: 5°c. "Ils sont morts 30 heures avant notre intervention", assure-t-elle. "Il n’y a pas de lésion évocatrice d’une rixe."
Dix scènes de crime différentes
Le casque de réalité virtuelle dont s’est doté le centre hospitalier universitaire de Rouen doit permettre aux étudiants en médecine légale de mieux passer de la théorie à la pratique. C’est une technologie de pointe, et un investissement chiffré à près de 200 000 euros, en partie financé par la région Normandie.
"C’est intéressant, et ça permet d’entraîner sa réflexion sur des scénarios totalement différents", relève Albane. Après 20 minutes d’observations et de prélèvements, le couperet tombe : les deux hommes ont été électrocutés.
On peut manipuler les corps, ressentir le poids avec un stratagème visuel qui trompe bien le cerveau.
Mathieu Chacun
Dix scénarios ont été mis en place. Tous sont basés sur des faits réels et regorgent de détails aussi sordides qu’utiles aux futurs légistes : traces de sang, texture des plaies, rigidité cadavérique, la réalité virtuelle ouvre le champ des possibles. "On a poussé l’innovation au niveau du réalisme visuel évidemment, mais aussi du réalisme de la physique. On peut manipuler les corps, ressentir le poids avec un stratagème visuel qui trompe bien le cerveau", souligne Mathieu Chacun, développeur pour l’entreprise Clarté, à l’origine du programme.
Visionnez le reportage complet de France 3 Normandie :
Tromper le cerveau, mais garder la tête froide : le dispositif doit aider les étudiants à mieux appréhender leurs premières – vraies – scènes de crime, sans se laisser déstabiliser. "Il faut rester le plus professionnel possible et ne pas se focaliser sur l’horreur de la scène", relève le docteur Benjamin Mokdad, praticien hospitalier et créateur du programme.
Le but, c’est qu’il y ait le moins d’erreurs possible, que la personne sur une scène se rappelle de ce simulateur et se dise "ah oui, au départ, je fais ça, j’ai tel outil à utiliser, dans tel ordre, et tel prélèvement à faire".
Dr Benjamin Mokdad
Si, pour le moment, seuls les étudiants en médecine légale ont expérimenté ce dispositif, l’immersion pourrait être proposée aux pompiers, aux enquêteurs ou encore aux juges. Autant de métiers susceptibles d’être présents sur des scènes de morts suspectes.