Les médecins généralistes du 116 117 de Rouen (Seine-Maritime) ont décidé de ne plus prendre les appels à partir du 2 janvier 2023. Ils réclament plus de moyens face à une multiplication des appels.
Entre Covid-19, grippe et bronchiolite, les appels explosent au 116 117. Trois virus qui saturent les services hospitaliers et ce numéro de téléphone.
La trentaine de médecins généralistes du centre de réception et de régulation des appels estime consacrer trop peu de temps aux appelants. Ils annoncent se mettre en grève à partir du 2 janvier prochain.
Le 116 117, qu'est-ce que c'est ?
Le 116 117 est un numéro de téléphone gratuit qui permet de joindre un médecin généraliste de garde aux heures de fermeture des cabinets médicaux :
- en semaine de 20h à 8h;
- les week-ends et jours fériés.
Il concerne les patients qui ne nécessitent pas une urgence vitale. Ce dispositif permet alors de désengorger les urgences.
Au téléphone, le médecin généraliste peut vous donner un conseil médical, vous orienter vers un médecin de garde ou demander une prise en charge par le SAMU.
"On est censés réguler des gens qui demandent un avis et voir si ça nécessite d'être vu immédiatement par un médecin [...], si ça peut attendre, si ça nécessite juste un conseil."
Anne Dinelli, médecin régulateur libéral au SAMU de Rouen
Depuis 2019, les appels ont explosé, explique Emmanuel Clero, médecin régulateur libéral au SAMU de Rouen.
"En 2019, la régulation libérale avait à peu près 40 000 appels à gérer et à l'heure actuelle, on n'a pas terminé l'année et on frôle les 120 000 appels."
Alerte des médecins à l'autre bout du fil
Les médecins régulateurs sont recrutés sur la base du volontariat. "Chacun voit ce qu'il peut faire au maximum en fonction de son activité au cabinet qui déborde énormément en ce moment", explique Anne Dinelli, médecin régulateur libéral au SAMU de Rouen.
"C’est évident que c'est des semaines plus qu’à rallonge avec des moyennes horaires qui peuvent être à 70h."
Anne Dinelli, médecin régulateur libéral au SAMU de Rouen
L'activité a été multipliée par 3 mais "les bras pour faire cette activité n'ont pas été multipliés par 3" désespère Emmanuel Clero. "Nous sommes 35 volontaires à assurer la régulation, y compris sur les secteurs comme Le Havre."
Il considère également que le temps passé au téléphone pour chaque patient "est devenu dérisoire".
"Pour un enfant qui a 40 de fièvre, à l'heure actuelle, 20 secondes c'est presque le maximum qu'on puisse faire."
Emmanuel Clero, médecin régulateur libéral au SAMU de Rouen
Même constat pour sa consœur, Anne Dinelli, médecin régulateur libéral au SAMU de Rouen, qui a "l'impression de trahir [son] serment d'Hippocrate".
"C'est difficile de réguler quelqu'un qu'on n'a pas sous les yeux, qu'on ne peut pas osculter. On a juste ce que nous dit le patient qui n'est lui-même pas médecin."
Réguler quelqu'un qui veut sauter de la fenêtre du 5e étage en 20 secondes ou 2 minutes, c'est compliqué parce qu'on est en droit de se dire "Est-ce qu'on a fait les bons choix ?"
Anne Dinelli, médecin régulateur libéral au SAMU de Rouen
En grève à partir du 2 janvier
Pour ces deux professionnels de santé, "le SAMU et la régulation libérale ne sont plus capables de décrocher ces appels".
Ils ont donc décidé de se mettre en grève début janvier.
"A partir du 2 janvier 2023, il n'y a pas de tableau de garde de régulation libérale au Centre 15 de Rouen et sans doute au Havre."
Emmanuel Clero, médecin régulateur libéral au SAMU de Rouen
Ils réclament une augmentation du nombre de médecins régulateurs en permanence de soins, la réouverture des maisons médicales de garde et l'augmentation du tarif horaire.
"On prend sa garde à 19h. A 19h20, il n'y a plus qu'une seule place dans une maison médicale sur l'ensemble du département de Seine-Maritime", explique Emmanuel Clero, médecin régulateur libéral au SAMU de Rouen.
L'ARS déclenche un plan d'action
Consciente "des difficultés rapportées par les médecins régulateurs libéraux du 76A, à Rouen", l'Agence Régionale de Santé (ARS) de Normandie assure avoir enclenché "un plan d'action doté de moyens nouveaux".
Ce plan prévoit "la sollicitation de l'ensemble des secteurs de garde afin d'augmenter les lignes de régulation et les points de de garde" sur le base du volontariat.
L'ARS annonce également une enveloppe financière pour "engager dans les prochaines semaines des recrutements d'opérateurs de soins non programmés (ONSP) et d'assistants de régulation médicale (ARM)". Ces nouveaux effectifs viendront prêter main forte au SAMU et la régulation libérale, ainsi qu'aux médecins libéraux pour les ONSP.