A 48 ans, Pascal Mazure vit ses plus belles heures dans cette discipline. Après trois titres de champion de France de bodybuilding, le Normand représentera son pays aux championnats d'Europe et du monde.
Il a fait de son corps une sculpture vivante. Des muscles entraînés, travaillés des heures durant pour parvenir au sommet de son art. Le sport a toujours été la raison de vivre de Pascal Mazure, alias Lito.
D’abord les arts martiaux qu’il pratique à haut niveau, jusqu’à l’âge de 25 ans. Jusqu’à ce jour du 15 octobre 1998, où circulant à Rouen sur sa moto, une voiture grille un stop et lui coupe la route.
Trois ans et demi en centre de rééducation
« J’ai traversé l’habitacle » se souvient Pascal Mazure. « J’étais polytraumatisé : fractures des deux jambes, du coude, de l’épaule, des lombaires et des cervicales. Ce qui m’a sauvé, c’est la musculature de mes jambes. Elle m’a évité d’avoir des fractures ouvertes »
Mais à 25 ans, l’homme échappe de justesse à l’amputation des deux membres inférieurs. Pour se reconstruire, 27 opérations et trois ans et demi en centre de rééducation sont nécessaires.
Dans un premier temps, le sportif n’a plus l’usage de ses jambes mais sa colonne vertébrale est indemne. Le reste, il le doit à « sa volonté et sa rage de vaincre et de se relever ». Il nous raconte comment la nuit au centre de rééducation, il se réveillait et descendait en fauteuil pour monter sur les barres parallèles et se forcer à faire bouger ses jambes qu’il ne sentait plus.
Et puis un jour, les efforts finissent par payer. Il ressent de nouveau la sensation de froid sur le bas de son corps. « Mes cuisses m’ont sauvé dans cet accident. Alors j’ai décidé de les travailler pour qu’elles soient mes piliers ».
Un bodybuilder qui veut durer
Aujourd’hui encore, à chaque entraînement, Lito avoue remercier le ciel d’avoir échappé à l’amputation. Passionné d’arts martiaux, il est aussi adepte de bodybuilding. Un sport qu’il veut pratiquer de façon naturelle, c’est-à-dire sans prendre d’anabolisants ou de stéroïdes, qui permettent une prise musculaire rapide et hors-norme.
J’ai commencé cette discipline à 21 ans. J’en ai 48 aujourd’hui. Et je compte durer dans le temps. Mon objectif est d’être le plus vieux bodybuilder en compétition dans le monde.
Licencié de l’AFBBN, l'association de Fitness de Body Building naturel, le triple champion de France en adopte tous les préceptes. Née en 2015, cette association, qui n’est pour l’heure pas reconnue par le ministère des Sports, affirme compter 28 100 athlètes. Sur son site internet, son fondateur, Jean-Michel Thérage, ancien culturiste de haut niveau, explique :
« Nous souhaitons défendre, avec force, une discipline, bien souvent décriée, mais qui peut être pratiquée dans les règles de l’art, sans aide chimique. C’est pourquoi, nous faisons de la lutte contre le dopage, notre cheval de bataille. […] Mon implication et mes motivations sont fortes pour faire en sorte que l’AFBBN puisse renvoyer une image positive du bodybuilding et du fitness en démontrant que des athlètes naturels peuvent aussi accéder à de grandes et belles compétitions. »
Un défi de taille car dans son bilan annuel des contrôles positifs, l’Agence mondiale antidopage constatait en 2019 que le culturisme était la spécialité sportive où le plus grand nombre de cas était décelés, devant l’athlétisme et le cyclisme.
Le bodybuilding naturel, une mécanique de précision
Pas de chimie donc, mais une mécanique de précision répétée, jour après jour, par Pascal Mazure.
En bodybuilding naturel, tout est calculé. L’alimentation, les horaires auxquelles s’entraîner et le nombre d’heures de sommeil pour la récupération musculaire et neurologique.
Lors de notre rencontre, à cinq semaines de sa prochaine compétition, l’athlète a encore trois kilos à perdre, sur un corps déjà sec. Résultat : « ce sera poulet et crudités à tous les repas. » Le poulet pour nourrir le muscle. Les crudités pour faire chuter l’acidité trop élevée dans le sang, en raison de cet apport important en protéines. Exit les glucides c’est-à-dire le sucre mais aussi les pâtes, le riz ou les pommes de terre.
En couplant cette alimentation, à un entraînement cardio à jeun de 30 à 45 minutes chaque matin et à une séance en salle, le Normand espère bien atteindre son objectif.
« En bodybuilding naturel, nous sommes un peu comme dans une écurie de Formule 1. Ou comme un ingénieur du son, devant sa table de mixage. Il y a toujours des réglages à faire » sourit Pascal, en avalant un jus de citron pour la vitamine.
« En bodybuilding naturel, on n’aura jamais des physiques extrêmes ».
Une diététique de l’effort que le champion juge opposé au bodybuilding traditionnel. « Comme dans tous les sports de haut niveau, il y a du dopage dans le culturisme. Mais c’est tabou dans ce milieu. Il faut assumer ses choix. Pour moi, se doper dans ma discipline, c’est tricher. Beaucoup se disent athlètes et sont chargés. Si on prend des anabolisants, on prend du muscle, c’est sûr. Mais on ne connaît pas son corps. Quand ils s’arrêtent, ils ne ressemblent plus à rien. Sans compter les dangers pour leur santé. Ils ne peuvent pas faire ça toute leur vie. Sinon, à 40 ans, il n’y a plus personne. En bodybuilding naturel, on n’aura jamais des physiques extrêmes ».
Les seuls additifs autorisés dans sa discipline : les suppléments alimentaires validés par l’Agence mondiale antidopage. « C’est un peu comme un médecin qui vous prescrit de la vitamine C lorsque vous avez un rhume en hiver. Comme je ne mange pas beaucoup de fruits à cause du sucre qu’ils contiennent, je prends des compléments en vitamine » précise Pascal Mazure, qui dit être suivi et contrôlé tous les deux mois par son médecin du sport.
Sélectionné en équipe de France
Déjà triple champion de France, Lito vient d’être recruté en septembre par le sélectionneur de l’équipe de France de l’AFBBN. L’occasion pour le Normand d’aller représenter le drapeau tricolore aux championnats d’Europe et du monde.
Jamais satisfait, l’athlète dit avoir encore du travail devant lui. Mais toujours en ayant conscience de ses limites : « J’ai appris à connaître mon corps par cœur. Quand on termine une série, il faut être essoufflé. Sinon, cela signifie qu’on n’a pas bien travaillé. Mais il faut aussi savoir s’écouter, sans aller trop loin »