Les urgences pédiatriques saturées : la colère d'un médecin Rouennais

Alors qu'une épidémie de bronchiolite gagne tout le territoire, les services d'urgences pédiatriques sont déjà saturés. Plus de 4000 soignants, syndicats et associations tirent la sonnette d'alarme et interpellent le président de la République dans une lettre choc.

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Après deux semaines d'épidémies hivernales, "les services d'hospitalisation débordent", alertent les signataires qui dénoncent "une dégradation criante des soins apportés aux enfants" qui les met "quotidiennement en danger". 

Une colère froide face à l'inaction des pouvoirs publics

C'est un cri de désespoir et de frustration que les soignants font entendre dans leur lettre. Car les dysfonctionnements qu'ils dénoncent, tout le monde les connaît depuis des années ; manque de personnel et de moyens, salaire trop bas. En 2019, une grève de plusieurs mois avait immobilisé les services des urgences partout en France.

La pandémie de Covid 19 a éclipsé ces crises intestines, en repoussant à plus tard des reformes de fond nécessaires. "Je ressens une colère froide face à l'inaction des pouvoirs publics et à l'absence de réponse sur des phénomènes connus et pour lesquels nous avons des solutions", s'insurge le professeur Marguet du département de pédiatrie et des médecines de l’adolescent au CHU de Rouen, co-signataire de la lettre.

"On a failli transférer un enfant à Reims", une solidarité entre les hôpitaux qui a des limites

Pour remédier temporairement à la surcharge des urgences, la ministre déléguée chargée des professions de santé, Agnés Firmin-Le Bodo, compte sur "la solidarité entre les hôpitaux" évoquant notamment des cas de petits patients "transférés d'hôpitaux parisiens vers Reims et Rouen" faute de places en Ile-de-France.

Problème, au service des urgences pédiatriques du CHU de Rouen seulement 60 lits sur 71 sont ouverts, faute de personnel. "Le gouvernement nous demande d'être solidaire, d'accepter le transfert de malades, ce que nous faisons bien évidemment. Mais comment accueillir des enfants dans nos services quand tous les lits sont pris et que les urgences débordent ? L'autre jour on a failli transférer un de nos patients à Reims !La solidarité c'est bien mais ça ne doit pas palier au manquement de l'état !" déplore Pr Marguet, ancien chef de service des urgences pédiatriques du CHU de Rouen. 

Nous avons environ 80 passages de patients la nuit… dans la journée, on dépasse les 120 rien qu’en médecine. C’est un flux continue. Tous les jours on a des appels des hôpitaux de Paris pour des transferts, mais on ne peut pas les prendre!

Pr. Marguet, pédiatre au CHU de Rouen

Une qualité des soins toujours plus dégradée

Dans les services surchargés, certains attendent longtemps, parfois même pendant 10 heures, faisant monter la pression chez le personnel soignant qui peine à prendre en charge convenablement les jeunes patients.  

Ce n'est pas parce qu'on les renvoie chez eux et qu’ils ne sont pas morts, qu’ils n'ont pas besoin d’une hospitalisation plus longue. C'est très stressant pour un médecin de garde de faire sortir un enfant alors qu’on sait qu'il faudrait le garder plus longtemps. On fait les choses à moitié, on ne répond même pas aux recommandations.

Pr. Marguet, pédiatre au CHU de Rouen

La pédiatrie concerne les enfants entre 0 et 18 ans, mais les soignants doivent aussi gérer les parents. "Le taux de stress des parents lorsque leur enfant est atteint d'une bronchiolite par exemple, explose ! On est là aussi pour les rassurer, faire de la pédagogie," explique le Professeur Marguet qui constate une augmentation de la fréquentation des urgences ces dernières années. "Il y a les épidémies, le Covid etc. Mais nous pallions aussi à la désertification médicale et à l'explosion de la précarité".

Que va faire un parent d'enfant malade quand il va sur doctolib et ne voit aucun créneau disponible chez un médecin généraliste ? Il va venir aux urgences, et c'est normal. C'est même sain.

Pr. Marguet, pédiatre au CHU de Rouen

Un besoin de considération

Alors que le Ségur de la santé laissait espérer une amélioration des conditions de travail des soignants, une revalorisation de leurs salaires, des investissements dans les établissements, le constat est amer. "Ils ont mis des millions sur la table pour le Ségur … mais interdiction totale d’embaucher alors qu'on manque de personnel et nous subissons un retour des coupes budgétaires. En Normandie, on est la région la moins bien dotée de toute la France, on a eu la plus petite enveloppe. La région n'a pas du tout investi dans les services médicaux pour les femmes et les enfants. Il pleut dans le service de gynécologie..."soupire le Professeur. 

Pour ce fervent défenseur du service public, la clé pour stopper l'hémorragie de personnel et donner envie aux jeunes générations c'est la considération. "Qu'on nous écoute, nous sommes sur le terrain, nous avons les solutions !". 

Samedi 22 octobre sur FranceInfo, la ministre déléguée Agnès Firmin-Le Bodo, qui reconnait l'existence d'un "problème", a balayé de la main la question de la revalorisation des salaires. Le dialogue avec François Braun, ministre de la Santé devrait cependant se poursuivre

 

 

 

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