Corinne Lepage, avocate de l’association Rouen Respire, dénonce le manque de transparence de Lubrizol et de Normandie Logistique. L’ancienne ministre de l’environnement déplore également les mesures gouvernementales annoncées. Entretien sans langue de bois.
Le dossier a un peu avancé, confie Corinne Lepage. Un an après le spectaculaire nuage de fumée noire qui a couvert toute l’agglomération rouennaise, l’ancienne ministre participait ce vendredi 25 septembre, à la semaine du développement durable, au 106, à Rouen. L’ex-membre du gouvernement est aujourd’hui l’avocate de Rouen Respire, une association des victimes de la catastrophe de Lubrizol et de Normandie Logistique. Elle est chargée d’accompagner les sinistrés dans leurs démarches juridiques. Si elle ne s’exprime pas sur l’enquête, en raison du secret de l’instruction de la procédure pénale en cours, elle évoque plusieurs avancées. Sur la production des documents, d’abord. Sur la mise en lumière de défaillances de la part des industriels et de l’État, ensuite. Cela, grâce aux rapports du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Conseil général du développement durable.
« On n’a pas tous les documents que l’on voudrait. »
Les procédures judiciaires avancent
L’association Rouen Respire mène deux procédures judiciaires. La première, devant le tribunal administratif, porte sur le redémarrage partiel et en cours de l’usine Lubrizol. L’association a déjà déposé quelques plaintes.
Le gros des plaintes sera déposé globalement avec la plainte de l’association de victimes qui est Rouen Respire, dans les jours qui viennent.
Toujours difficile de savoir ce qui a brûlé
Le 26 septembre 2019, un grave incendie, rythmé par d’énormes explosions, se déclarait dans les usines Lubrizol et Normandie Logistiques, à Petit Quevilly, près de Rouen. Plus de 9 500 tonnes de produits chimiques ont alors brûlé, les 26 et 27 septembre 2019. Qu’est-ce qui a exactement brûlé, ces jours-là ? La question se pose encore. Corinne Lepage, elle, évoque un « but partiellement atteint ». Si les analyses faites dans la darse ont révélé un certain nombre d’éléments, cela reste insuffisant. L'ancienne femme politique regrette un manque de sérieux.Tout a été fait pour qu’on ne le sache pas.
C’est quand même bien dommage que l’on n'est pas fait de prélèvement biologique, que l’on n’est pas gardé de témoin des prélèvements qui ont été faits dans l’air, à l’époque des faits. Ce n’est que maintenant que l’on nous rend public un rapport fait à la demande de Lubrizol et de Normandie Logistique. Usines pour lesquelles, il ne s’est bien évidemment jamais rien passé. Bon, tout cela n’est pas très sérieux.
Les mesures gouvernementales, elle n’y croit pas
Une seule mesure gouvernementale trouve grâce aux yeux de Corinne Lepage : le système d’information de la population par téléphone portable, en cas d’accident. « C’est très bien, c’est très intéressant », admet l’avocate. En revanche, l’ex-membre du gouvernement parle de pipeau, pour tout le reste.
C’est du pipeau. Je veux dire par là que, d’une part, tant que l’on n’augmentera pas massivement le nombre des inspecteurs des installations classées, on ne règlera rien. Si vous augmentez massivement les visites de certains sites, ça veut dire que vous diminuez drastiquement les visites des autres.