L'évènement dramatique du 4 juin a été analysé. Plusieurs quartiers dans les hauteurs de Rouen ont été traversés par un torrent après les orages. Une habitante a perdu la vie. Les pluies centennales et le ruissellement accéléré par les surfaces goudronnées gagnent du terrain.
L'orage du samedi 4 juin au nord de Rouen a marqué les habitants. Les coteaux sont une zone résidentielle prisée pour ses points de vue sur la cathédrale et sur les autres hauteurs. Un tel déferlement est inédit.
En fin d'après-midi, un torrent avec des remous a dévalé plusieurs routes et piégé une jeune femme emportée par le flot à moins d'un kilomètre de la gare.
Plusieurs facteurs météo, géographiques et humains expliquent ce ruissellement très puissant.
3500 impacts de foudre et une pluie centennale
Les orages se sont concentrés entre Clères, Buchy et Rouen au nord de Rouen (sur la carte les carrés bleu foncé). Au centre du triangle, les zones inondées à Mont-Saint-Aignan, Bois-Guilaume, Bihorel et Rouen.
Météo France avait émis une alerte orange. Les chutes de pluie et de grêle sont aujourd'hui classées comme centennales par les autorités.
50 à 56 mm d'eau sont tombés en une heure ( soit environ 50 litres par mètre carré)
Des sols bitumés et des terres très sèches
Le 4 juin, les sols étaient très secs, "40% plus que la moyenne", explique Jean Kugler, directeur départemental des territoires et de la mer. "L'eau n'a pas pu s'infiltrer et s'est écoulée sur des surfaces imperméabilisées"
Il y a eu un "effet entonnoir". Le chemin de Clères dévalé par le torrent de pluies est une route goudronnée sur 2 voies qui débouche sur la rue Verte sur une seule voie (lieu du décès d'une habitante) où la vitesse et la hauteur d'eau ont été le plus élevés.
Des quartiers situés dans des axes de ruissellement
L'eau de pluie accumulée sur les coteaux et les plateaux nord a suivi la pente. Une dénivellation de 100 mètres entre les plateaux nord de Rouen et le haut de la rue Verte où s'est produit l'accident mortel.
Ces routes sont des axes de ruissellement qui convergent vers les points bas appelés talweg.
"Il y a la violence de ces intempéries mais pour beaucoup de Boisguillaumais, il y a des inondations tous les ans, elles sont de plus en plus régulières, depuis environ 5 ans" témoigne le maire de Bois-Guillaume, Théo Perez.
Au dessus des quartiers inondés, des zones bétonnées et goudronnées
L'eau de pluie est tombée en abondance le 4 juin et elle n'a pas été suffisamment absorbée par la terre dure et sèche.
Sur les routes, parkings, et toutes les zones recouvertes de goudron l'eau a glissé et dévalé. C'est l'effet de l'"artificialisation des sols".
Les villes s'étalent et les champs sont transformés en zones pavillonnaires, zones commerciales et d'activité.
"Il est évident que quand il pleut beaucoup l'eau a besoin de s'évacuer. Nous savons que ces phénomènes ne seront plus exceptionnels on ne doit plus bétonner autour des villes", explique Stéphane Martot, co-secrétaire d'EELV (les Verts) de Normandie.
La Normandie est la 4e région française où l'artificialisation progresse le plus.
"Entre 2009 et 2017, la Normandie est une région dont l’artificialisation progresse de 2 133 ha par an, soit l’équivalent de la commune de Rouen" (Agence normande de la biodiversité et du développement durable )
Un nouveau risque à prendre en compte
La pluie centennale peut se reproduire dans la zone touchée le 4 juin. Aucun équipement d'évacuation ne peut être dimensionné pour ce type d'évènement.
Le torrent d'eau de pluie s'est arrêté au niveau de la gare de Rouen. L'eau est tombée en contrebas sur le ballast et une grosse canalisation dans ce secteur a permis d'arrêter ce flot.
"Il faut créer des secteurs de ralentissement dynamique, des zones naturelles comme des noues pour freiner les écoulements. Dans le plan de prévention des risques qui va être validé autour des axes de ruissellement il ne sera plus permis de construire des caves et des sous-sols", précise Jean Kluger, directeur de la direction des territoires et de la mer.
Les nouveaux plans de gestion des risques inondations doivent s'adapter sans cesse aux risques du dérèglement climatique.
A Bois-Guillaume, commune classée en état de catastrophe naturelle, le maire souhaite que des diagnostics de vulnérabilité soient organisés par l'Etat pour conseiller les habitants régulièrement inondés.