Emmanuel Macron a présenté depuis l'Ardèche, ce mardi 13 juin, un plan de relocalisation de la production des médicaments considérés comme "essentiels", pour pallier de futures pénuries. Ethypharm, dont l'un des sites de production se trouve au Grand-Quevilly, près de Rouen, fait partie des entreprises désignées par l'Elysée.
Alors que la France dépend des importations de médicaments à hauteur de 60 à 80%, plusieurs entreprises de l'industrie pharmaceutique font désormais partie d'un plan de relocalisation de la production médicamenteuse, car elles produisent une partie des 450 médicaments pour le moment classés par l'Etat comme "essentiels" (paracétamol, anticancéreux, antiépileptiques...).
La production de 50 de ces médicaments sera relocalisée, 25 "dans les prochaines semaines", a précisé le chef de l'Etat. Objectif : retrouver une souveraineté pharmaceutique.
Le site Ethypharm du Grand-Quevilly fournit, depuis 1997, 800 millions de doses de médicaments chaque année, à près de 600 000 patients. Entretien avec Denis Delval, PDG des laboratoires Ethypharm.
France 3 Normandie : Certains médicaments produits par Ethypharm font partie des médicaments jugés essentiels par le gouvernement, et donc concernés par ce plan de relocalisation. Quelle est votre réaction aujourd'hui ?
Denis Delval : On est heureux que notre entreprise fasse partie des projets mis aujourd'hui en avant par Emmanuel Macron. C'est important puisque nous sommes très engagés en France historiquement. Nous souhaitons renforcer notre implantation en France, et c'est ce qu'on va faire. Cela passera notamment par de nouveaux investissements.
Quels sont les médicaments concernés ?
Nous produisons des médicaments considérés comme essentiels pour les patients, notamment ceux dérivés de la morphine et destinés au traitement de la douleur. Mais sur le site de Grand-Quevilly, nous ne produisons pas que ces dérivés de la morphine. On fait aussi des médicaments qui permettent de traiter les addictions notamment aux substances opiacées (buprénorphine), et d'autres médicaments tout aussi importants [plus de 150 médicaments sont produits en France et à l'étranger par Ethypharm et une vingtaine au Grand-Quevilly, ndlr].
Ce que j'ai comme informations, pour le moment, c'est que seules les spécialités médicamenteuses à base de morphine ont été retenues.
Qu'est-ce qui devrait concrètement changer ?
On va investir dans l'outil industriel sur le site de Grand-Quevilly. Cela va nous permettre d'augmenter notre production de 30% pour certains des médicaments concernés. Pour nous et pour les patients, cela va renforcer et sécuriser l'approvisionnement de ces traitements de la douleur.
"On attend qu'il y ait une certaine forme de prise en compte par l'Etat des investissements que nous allons faire."
Denis DelvalPDG d'Ethypharm
Qu'attendez-vous de la part de l'Etat ?
On attend qu'il y ait une certaine forme de prise en compte des investissements que nous allons faire. Par exemple, via des subventions proportionnelles aux investissements. Ce que l'on sait, c'est que 15% de ces investissements pourront faire l'objet de subventions.
D'autre part, les prix des médicaments sont réglés par l'Etat via un comité économique [le CEPS, le Comité économique des produits de santé, ndlr]. C'est lui qui est responsable de la fixation des prix. Très souvent, il met en oeuvre des baisses de prix.
On en a eu il y a deux ans. C'est très embêtant quand vous souhaitez conserver l'implantation en France, même si l'on peut comprendre ce contexte général de maîtrise des dépenses. On pourra maintenant avoir des discussions avec cette instance pour revoir l'évolution des prix des médicaments jugés indispensables.
En quoi va consister votre engagement, en retour ?
Il y a des engagements de la part de l'entreprise, et un soutien, en retour, de l'Etat vis-à-vis de l'entreprise. Nous, on s'engage à ce que la production reste en France pendant dix ans au moins. On investit de façon à pouvoir approvisionner en priorité les patients français, en cas de tensions d'approvisionnement ou de pénuries.
"Nous sommes une entreprise française, mais aussi une entreprise avec une réalité économique. On est obligé de regarder les différentes dimensions."
Denis DelvalPDG d'Ethypharm
Actuellement, on fait plus des trois quarts du chiffre d'affaires d'Ethypharm à l'étranger. Nous avons des usines en Espagne, en Angleterre et en Chine. Sur les six sites de production, deux sont en France [l'autre se situe près de Dreux, ndlr]. Nous avons la possibilité de faire nos investissements industriels en-dehors de la France ; les pays sont en concurrence les uns avec les autres.
Dans un cadre d'inflation où les coûts industriels ont beaucoup augmenté, il est important de voir quelles sont les incitations que l'on peut avoir pour nos investissements futurs.