Procès de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray : un mois d’humanité et d’émotion à la cour d’assises spéciale de Paris

Du 14 février au 9 mars 2022, quatre hommes ont été jugés pour « association de malfaiteurs terroriste criminelle ». Une audience marquée par des échanges intenses entre les parties civiles et les trois accusés présents dans le box. Retour sur ces moments forts.

Jusqu’au bout, ce procès aura été d’une grande intensité, d’une grande force et empli d’humanité. Durant près d’un mois, trois jeunes hommes, âgés de 25, 27 et 36 ans (ils avaient 20, 21 et 30 ans au moment des faits) ont fait face à des parties civiles très dignes. Une quarantaine au total.

Il est 17 heures 15, mercredi 9 mars 2022, tout le monde est réuni dans la salle de la cour d’assises spéciale de Paris, gardée par une dizaine de gendarmes. Le président se fait attendre.

Un exemplaire du Petit Prince offert à des accusés

Roseline Hamel, la sœur du prêtre égorgé le 26 juillet 2016 dans l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, s’entretient longuement avec les sœurs de Jean-Philippe Steven Jean-Louis, l’un des accusés. Au même moment, ce dernier se voit offrir des mains de Monseigneur Lebrun et de son avocate, Maître Catherine Fabre, un exemplaire du Petit Prince de Saint-Exupéry. « On n’avait jamais vu ça dans une salle de cour d’assises » commentent plusieurs avocats des parties civiles, médusés.

Le verdict tombe. Des peines de 8, 10 et 13 ans à l’encontre de Yassine Sebahia, Farid Khelil et Jean-Philippe Steven Jean-Louis, la réclusion criminelle à perpétuité pour Rachid Kassim, « l’ombre noire » de ce procès selon les mots d’une des deux avocates générales.

Je vous demande pardon et je vous dis merci. On est tous reliés par ce qu’on a vécu. Je ne pourrai pas vous oublier.

Jean-Philippe Steven JEAN-LOUIS, aux parties civiles

L’archevêque de Rouen aura un petit mot pour chacun des accusés. Souhaitant leur dire « au revoir », il s’entretient une à deux minutes avec chacun d’entre eux. « Je leur ai dit quelque chose qui me regarde et qui les regarde ».

Monseigneur Lebrun nous confie aussi à la sortie de la salle avoir été touché par la dernière parole de Jean-Philippe Steven Jean-Louis le matin-même. Le jeune homme, durant ces derniers mots devant la cour avait dit « On est tous reliés par ce qu’on a vécu. Je pense qu’on a tous un lien, je ne pourrai pas vous oublier ».

19 heures 15. Depuis plus d’une heure maintenant, la cour s’est retirée. Les accusés, menottés de nouveau, ont quitté leurs box, après avoir échangé une dernière fois avec leurs avocats. La salle s’est vidée progressivement dès 18 heures, avocats et parties civiles répondant alors à la presse.

Scène inédite de nouveau et image saisissante devant les grilles du Palais de justice. Les sœurs de Jean-Philippe Steven Jean-Louis avec Roseline Hamel. Cette fois, ce sont elles qui ont fait le pas vers l’octogénaire. Elles ont attendu son départ du tribunal pour s’entretenir longuement avec la sœur du « Père Jacques » comme l’appelle tendrement Roseline. Comme aimantées les unes aux autres, comme si elles ne pouvaient plus se quitter.

Maître Christian Saint-Palais, le conseil de la vieille dame, nous dit : « Ce sont des moments totalement magnifiques. C’est parfois difficile de se séparer, nous avons vécu quatre semaines ensemble. »

« Je vous salue, Marie, pleine de grâce »

Et des moments forts, il y en a eu durant ces presque quatre semaines d’audience. Nous sommes jeudi 17 février, fin de la première semaine du procès. La journée des témoignages des principales parties civiles. Devant une salle comble et silencieuse, Guy Coponet débute son récit.

Rescapé de l’attentat, il a vu le prêtre se faire égorger. Comble de l’horreur, les deux terroristes l’ont même obligé à filmer la scène. Lui-même gravement blessé, le fidèle paroissien, du haut de ses 87 ans (qu’il prend le jour même du drame) aura la vie sauve en compressant sa gorge ensanglantée et en faisant le mort.

Lors de son audition, assis à une chaise avec un verre d’eau, le témoin, âgé aujourd’hui de 92 ans, prononce en pleurs cette prière « Je vous salue Marie, pleine de grâce, le seigneur est avec vous ». La salle est retournée. Maître Mehana Mouhou, son conseil, nous livre alors son émotion, lors d’une suspension d’audience :

C’est historique. La force, la puissance… [de ce témoignage]. Une leçon de vie, de courage, de tolérance.

Maître Mehana Mouhou

Des échanges fréquents entre parties civiles et accusés

Des regards « les yeux dans les yeux » entre les deux parties de la salle. La défiance des premiers jours a vite laissé la place à des moments de grâce.

Mercredi 2 mars 2022 : troisième semaine du procès. Les accusés n’ont pas eu la parole en longueur depuis deux semaines, depuis les tout premiers jours de l’audience. Après huit heures d’interrogatoire sur les faits, le Nancéien Farid Khelil, cousin d’Abdel-Malik Petitjean, est assez éprouvé. Anne Coponet, la fille du nonagénaire survivant de l’attentat, « descend de son estrade » comme le dira l’accusé mercredi avant le délibéré et lui tend un mouchoir. Un moment intense là encore. 

Il y a eu aussi le témoignage d’Aldjia Kermiche, la mère d’un des deux assaillants, Adel Kermiche, « l’enfant du pays », vivant à Saint-Etienne-du-Rouvray. A l’issue de son témoignage, lundi 28 février, la femme va se rasseoir dans la salle. Roseline Hamel se lève, quitte le banc des parties civiles et vient réconforter la mère de famille.

Roseline Hamel, un modèle de résilience pour tous durant ces trois semaines et demi d’audience. Un « petit bout de femme » qui a elle seule aura donné une claque à tout le monde. La grand-mère aimante, bienveillante et rassurante que tout le monde voudrait avoir.

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