Sexualité. Fréquences des rapports, perte de libido... Toutes les questions que vous avez déjà eu envie de poser à un sexologue

Manon Bestaux est sexologue au CHU de Rouen (Seine-Maritime). Elle reçoit régulièrement des couples qui se questionnent sur leur sexualité. Elle répond à toutes les questions que vous vous êtes certainement déjà posées au moins une fois. Interview.

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Selon une étude Ifop, 76% des Français en moyenne ont eu un rapport sexuel au cours des 12 derniers mois, une proportion qui n'a jamais été aussi faible en 50 ans.

Si certains couples estiment ne plus avoir le même désir qu'avant pour plusieurs raisons et observent une perte de libido, d'autres essaient l'union libre pour "raviver la flamme".

Nous avons posé des questions à Manon Bestaux, sexologue au CHU de Rouen, pour savoir comment être épanoui sexuellement.

Elle répond, sans détour, à toutes les questions que vous vous êtes certainement déjà posées.

Y a-t-il une norme en termes de fréquence de rapports sexuels ?

C'est la question que tous les patients nous posent, avec souvent inquiétude et culpabilité. Mais il n'y a pas de normes dans la sexualité, il n'y a que les normes que se pose le couple. D'ailleurs, est-ce qu'on peut mettre une définition au rapport sexuel ? Concrètement, c'est une relation corporelle. 

Donc, si vous avez un problème avec cette relation corporelle, il faut d'abord comprendre d'où vient le souci. Souvent, on croit que l'on ne s'aime plus mais ça n'a rien à voir ! Très souvent c’est un seul des partenaires qui veut prendre rendez-vous. Il ou elle dit : « c’est de ma faute ! ».  

Il faut se poser les bonnes questions. Est-ce que c'est l'acte de pénétration qui pose problème ? Est-ce que c'est parce que quelqu'un a plus de plaisir que l'autre ? En général, je pose des questions assez crues parce qu'il faut savoir se dire, s'avouer ce qui ne plaît pas ou plus et ce n'est pas toujours simple.

Se pose très rapidement la question de la sexualité procréative ou récréative. Souvent, avant les enfants, c'est naturel et irréfléchi. Mais une fois que les enfants sont là, on peut se demander à quoi ça sert ? Par exemple, pour un couple hétérosexuel, l'acte de pénétration n'est peut-être plus une envie systématique.

Car je le rappelle, les organes qui procurent du plaisir et des orgasmes, sont le pénis et le clitoris, ce n'est pas le vagin. Le vagin n'est qu'un organe de passage.

Que faire pour pimenter sa vie sexuelle en couple ?

La sexualité change avec le temps qui passe, on ne peut pas faire tout le temps la même chose. Il faut réfléchir à ce que l'on aime, s'avouer l'un et l'autre ce qu'on n'aime pas et ce n'est pas facile.

Mais aussi répondre à une question essentielle : qu'est-ce que vous connaissez de votre propre corps ? J'aborde un sujet tabou qui est la masturbation quand on est en couple.

Tout d'abord, je pense qu'il faut être autonome de son propre plaisir sexuel pour ne pas imposer son désir à l'autre. Dans un couple, il y a toujours un meneur et un suiveur, celui ou celle qui a envie et propose, après on suit ou on ne suit pas, on n'a pas toujours la même envie au même moment. Il ne faut pas avoir besoin de l'autre pour avoir un orgasme, mais on peut avoir envie de le partager avec l'autre. C'est différent. 

Et puis, il faut tenter d'autres choses. Pratiquez, faites des essais, ayez à nouveau 16/17 ans, redécouvrez-vous ! Allez-vous balader au salon de l'érotisme, dans un sex shop, regardez une cassette, choquez-vous, amusez-vous... Organisez-vous des voyages "amour" sans les enfants... Mais attention, on a le droit à l'erreur, et ce n'est pas grave, surtout si on est autonome. 

Je dis souvent que l'amour, c'est comme un film. Il y a les films que vous aimez tous les deux, les films que l'autre aime et que vous, vous n'aimez pas. Regarder un classique que vous aimez tous les deux, c'est bien mais pourquoi pas tenter un autre genre ? Peut-être qu'une fois, ce sera plus de plaisir pour l'autre et une autre fois, plus pour vous. Et peut-être qu'après toutes ces idées, vous finirez en missionnaire et c'est très bien ! 

Il faut savoir qu'avoir un orgasme en même temps est très compliqué, il faut vraiment bien connaître son corps. Personne ne fait jouir personne, au mieux, on accompagne l'autre à se découvrir soi-même.

Être en couple sans ou quasiment sans rapport sexuel, est-ce possible ?

Je ne pense pas que cela puisse durer 107 ans... Certains sont plus potes qu'autre chose...

Avoir une union libre "pour raviver la flamme", une solution ?

Beaucoup de patients me demandent cela : est-ce normal que j'aie envie d'aller voir ailleurs ?

Dans le cas des unions libres ou du polyamour, je ne crois absolument pas aux histoires vécues chacun de son côté sans que l'autre sache avec qui il est, ce qu'il fait... Cela ne doit pas être fait en douce.

Il faut savoir que le possesseur de pénis connaît forcément l'orgasme mais la possesseuse de clitoris, pas toujours. L'orgasme masculin est indispensable à la survie de l'espèce, ils vont le rencontrer un jour, c'est simple. 

Alors que beaucoup de filles sont anorgasmiques. C'est alors qu'elle va rencontrer quelqu'un qui va lui déclencher un orgasme, vous pouvez être sûr qu'elle va tomber amoureuse. 

Mais au-delà de l'affect, n'importe qui peut vous déclencher un orgasme, même vous !

La place des écrans (téléphone/tablette/ordi…) a-t-elle une incidence sur la sexualité des couples aujourd’hui ?

Avant l’ère du numérique, quand il y avait un problème sexuel dans le couple, qu’est ce qui se passait ? On n’en parlait pas. Maman prenait comme excuse les enfants dont elle devait effectivement s’occuper et papa s’installait dans une double vie, prenait maîtresse ou amant, ou encore allait voir la dame au plus vieux métier du monde. C’était considéré comme normal, et cette réalité corporelle rétablissait plus ou moins… L’équilibre dans le couple.

Dans les débuts du numérique, quand il n’y avait qu’un seul ordinateur à la maison, je me souviens du nombre de femmes m’appelant désespérées car elles s’étaient aperçues que quand il se levait soi-disant pour aller travailler à son bureau, en fait, il se masturbait sur des sites pornos.

Aujourd’hui les écrans sont partout, petits et mobiles. On s’engouffre dedans pour un oui pour un non, les écrans nous absorbent, on s’y perd. Au début il y a les bonnes intentions, comme chercher une recette de cuisine que l’autre aime bien, ou acheter des fleurs pour faire plaisir… Puis, nous arrivent des images qui nous font partir ailleurs. On peut être dérangé à tout moment par tous nos nouveaux amis virtuels… Et le piège se referme.

Chez un sexologue, on affronte la réalité corporelle, pas la réalité virtuelle des écrans. Le problème sexuel est en fait souvent simple mais avec ce manque de communication réelle il devient compliqué. On s’éloigne. Les écrans séparent. Le téléphone devient un jardin secret, un lieu de refuge. On ne se parle plus et pire, on se met à penser pour l’autre, ce qui est désastreux. En fait, on s’éloigne l’un de l’autre.

Ce sont deux personnes devant deux écrans différents qui regardent une image de la réalité, pas la réalité et surtout pas leur réalité.

Se poser, faire le débat après le film, dialoguer sur la sexualité… C’est potentiellement se remettre en question. Alors chacun « botte en touche » en réclamant une solution facile et normée. Mais ce sont les images qui dictent la norme. Elles sont toujours tronquées, souvent faussées, en tout cas influencées par le virtuel social et les injonctions de plaire. Alors faut-il suivre cette norme ? Ou l’enfreindre ? 

Ce devrait être un choix, un équilibre subtil entre le rêve et la réalité. Certains psys disent par exemple qu’il ne faut pas avouer ni réaliser ses fantasmes de peur qu’ils ne soient pas aussi bien que ce qui avait été imaginé mais aussi de peur du jugement de l’autre. Moi, je suis plutôt pour le dialogue, la franchise et l’aveu de soi-même à l’autre, de ses fantasmes… Et des miens !

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