Floraux, géométriques, à motifs simples ou complexes...Depuis le début de l'année, les trottoirs de Rouen se couvrent de dessins reproduisant des carreaux de ciments. Ils sont l'oeuvre de Nicolas Soulabail, dit InkOj, un artiste que nous avons rencontré lors de sa dernière réalisation.
Un acte gratuit
En janvier dernier, Nicolas Soulabail dixit InkOj décide de faire prolonger sur le trottoir la fresque de carreaux de ciment qui orne le sol de son hall d'immeuble pour "faire un truc rigolo, festif".
Rapidement il remarque qu'il existe d'autres halls d'immeubles décoré de carreaux de ciments : "j’ai commencé à en peindre quelques-uns ailleurs en sortant à 2 ou 3 heures du matin pour être un peu discret et puis après il y a eu une aventure avec la mairie".
Ils m'ont donné l'autorisation de continuer en me disant, faîtes vous plaisir !"
InkOj a récemment sollicité la municipalité de Rouen pour parler de projets artistisques en cours.
A l'époque, l'artiste de street-art ne signe pas ses oeuvres pour ne pas être démasqué et poursuivi : "ils ont compris qui j'étais. Donc je leur ai demandé de pouvoir continuer à le faire, parce que ça plaisait déjà beaucoup. Ils m'ont donné l'autorisation de continuer en me disant, faîtes vous plaisir !".
InkOj en a peint déjà 11 dans les rues de Rouen, principalement dans le quartier Saint-Marc rive droite. Il a repéré une dizaine de halls dans le secteur de la place du Vieux-Marché.
Lors de ses réalisations à la bombe de peinture souvent à la tombée de la nuit, nombreux sont les passants qui s'arrêtent pour regarder travailler l'artiste.
Les Rouennais aiment ses oeuvres et lui font savoir.
A la recherche de motifs...
La première étape pour InkOj est de trouver des carreaux de ciments à reproduire. Cela passe par des moments où l'artiste rode dans Rouen à l'affût de motifs colorés.Le but c’est de trouver les portes qui ne sont pas bien fermées ou quelqu'un qui rentre dans un immeuble.
"Au tout début soit je me balade et je trouve quelqu’un qui rentre dans un immeuble et je vois le carreau de ciment et je mets le pied dans la porte. Mais aujourd'hui de plus en plus de gens m'envoient des photos", raconte t'-il.
Une fois son hall d'immeuble trouvé, l'artiste le prend en photo sous tous les angles avant de retourner dans son atelier pour retrouver son ordinateur et réaliser les pochoirs : "c'est la phase la plus compliquée parce qu'il faut détailler en couches successives le motif, celui-ci sera en 8 couches".
Le bitume n’a aucun charme, j’interviens pour le rendre charmant.
InkOj doit retrouver toutes les couleurs et les formes pour les redessiner ensuite, "il faut que je sache dans quel ordre je dois les faire apparaître pour qu’a la fin, le motif soit le même que celui du carreau de ciment".
Révéler des trésors et créer la surprise
Breton d'origine, InkOj a étudié les arts plastiques aux Beaux-Arts de Lorient puis l'architecture d'intérieur.
Une double formation qui lui permet aujourd'hui de toujours lier l'art et le graphisme.
Il n'y pas de raison que ces trésors appartiennent uniquement à celui qui marche dessus et qui ne s'en rend même plus compte.
La démarche de ce projet artistique était pour lui de faire sortir les éléments d'intérieur - les trésors architecturaux et graphiques qu'il y a dans les bâtiments - vers l'extérieur.
InkOj souhaite ainsi créer la nouveauté et inciter les gens à stopper leur marche quelques secondes : "c’est mieux que d’avoir une poubelle sur sa route et de se dire je vais changer de route. Là il y a un dessin : on regarde, on s’arrête". Il poursuit : "c'est la découverte d’un patrimoine qui n'est pas tout à fait privé puisque c’est un hall, c’est commun et puis il y a la surprise graphique, c'est pour égayer ces territoires gris auxquels on ne fait plus du tout attention".
Les trésors architecturaux dont parle InkOj ce sont les carreaux de ciment, un revêtement à base de ciment coloré revenu à la mode ces dernières années pour son design, ses couleurs et son côté artisanal : "il y a quelqu'un qui l’a réellement dessiné, un artiste. Puis des artisans l'ont fabriqué. Ils sont tous uniques, ils ont tous des petits défauts, ce n'est pas du carrelage qui est tiré en série", explique le street-artiste.