Témoignage. L'explorateur normand Matthieu Tordeur veut "donner des clés de compréhension de ce qui se joue au pôle"

Publié le Écrit par Quentin Bral

400 kilomètres à skis, sur la banquise arctique avec des températures approchant les -40 degrés. A 31 ans,Matthieu Tordeur, originaire de Mont-Saint-Aignan, vient de rentrer de plusieurs semaines d'expédition sur le passage du Nord-Ouest au dessus du Canada. Un périple pour alerter sur les conséquences du changement climatique. Entretien avec l'explorateur normand.

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Comme tout explorateur, Matthieu Tordeur n’est jamais rassasié de nouvelles découvertes. Tour d’Europe à vélo, traversée du Sahara, le Normand ne se pose aucune limite. Son nouveau terrain de jeu est plus blanc : l’Arctique, vitrine malheureuse du réchauffement climatique. 

Matthieu Tordeur, vous êtes parti en Arctique, plus précisément au passage Nord-ouest. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que c'est et pourquoi y être allé ? 

Matthieu Tordeur : C'est un passage qui est mythique parce qu'il relie le Pacifique à l'Atlantique. Il a été traversé pour la première fois par le Norvégien Roald Admunsen en 1905. C'est un endroit qui a fasciné pas mal d'explorateurs. Personnellement je ne connaissais pas, je n'étais jamais allé dans ce petit coin de l'Arctique. J'avais donc envie de le découvrir et j'avais surtout envie d'y aller pour porter un message sur la fonte des glaces et les mondes polaires qui sont en première ligne du réchauffement climatique. 

À quel point c'est important pour vous d'être témoin de tout ça ? 

Matthieu Tordeur : Alors moi, mon métier consiste à faire des expéditions et à raconter des histoires. Je les partage ensuite sur les réseaux sociaux, en conférence, dans des documentaires et aussi en livres pour que ça soit accessible par le plus grand nombre. Cette dernière expédition, c'était l'occasion pour moi d'embarquer toute ma communauté dans cette aventure et de leur donner des clés de compréhension de ce qui se joue au pôle. L'idée est de partager sans filtre ce que je vis sur place. 

Quelle était la particularité de cette expédition ? 

Matthieu Tordeur : Cette aventure était particulière parce que je l'ai partagée avec une autre exploratrice : l'Allemande Anja Blacha, qui est alpiniste et aventurière polaire. Elle avait déjà fait de multiples expéditions en Arctique et en Antarctique, c'était l'occasion de joindre nos forces.

On a rapidement constaté que l'on pouvait s'apprendre beaucoup mutuellement parce qu'on n'a pas forcément les mêmes techniques. C'était aussi une question de sécurité, on évolue dans un univers où il y a beaucoup d'ours polaires. Nous sommes sur un terrain compliqué : la banquise donc de l'eau de mer qui est gelée et qui peut être potentiellement fragile. C'était plus facile et rassurant d'être deux. Qui sait, c'est peut-être la première aventure d'une longue série. 

Concrètement sur place, qu'est-ce que vous découvrez ? 

Matthieu Tordeur : L'Arctique est une région qui se réchauffe extrêmement vite. C'est un réflecteur de chaleur, c'est un véritable miroir qui renvoie la chaleur terrestre vers l'atmosphère donc on dit que les mondes polaires sont des climatiseurs. C'est un monde qui est en pleine mutation.

Aujourd'hui l'Arctique est en train de fondre, on dit que l'Océan Arctique sera libre de glace d'ici 2050 en été. On est en train de le perdre. C'est un vrai problème, non seulement pour la biodiversité mais aussi pour nous en France. Les températures vont augmenter, les évènements climatiques extrêmes aussi. Et je ne parle même pas de la fonte des glaciers qui va amener un surplus d'eau dans les océans et faire augmenter intrinséquement le niveau des mers. Moi je me place en qualité de témoin, j'aime ramener des images, des histoires. Cette occasion en particulier était l'occasion de le faire. Aujourd'hui tous mes efforts sont concentrés pour porter la voix des pôles. 

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