Environ 200 000 personnes sont atteintes par la maladie de Parkinson en France. Près de Rouen, nous avons rencontré Jérôme, un patient diagnostiqué avant ses 40 ans.
Raideurs dans les membres, tremblements, lenteurs dans les mouvements. Ces symptômes handicapent au quotidien les patients atteints de la maladie de Parkinson. Au CHU de Rouen (Seine-Maritime), une journée d’information avait lieu ce jeudi 20 avril 2023. Le professeur David Maltète animait une conférence sur « en savoir plus sur la maladie » trop souvent considéré comme réservée aux personnes âgées. Même si la majorité des cas est détectée entre 50 et 60 ans. Dans 10%, ce sont des patients âgés de moins de 40 ans qui sont diagnostiqués et 15% avant 45 ans. Les contraintes liées à la maladie sont d’autant plus marquées pour les plus jeunes souvent en activité et parents de jeunes enfants.
Ce diagnostic est tombé à 36 ans pour Jérôme. Tout à commencer par un pouce qui tremble. Comme beaucoup de malades, il fait l’erreur de faire des recherches sur internet. On ne lui a proposé un suivi psychologique qu’au bout de 5 ans. « Quand j’ai été pris en charge à Rouen, il y avait des ateliers d’éducation thérapeutique. Ça m’a permis de prendre conscience de ma maladie et de me rendre compte que je n’étais pas seul. Ça m’a fait un bien fou. »
« Mon employeur m’a demandé si j’étais alcoolique »
« J’ai continué à travailler pendant cinq ans. Les médecins m’avaient conseillé de ne pas le dire à mon employeur pour ne pas perdre mon emploi. J’ai vraiment trouvé un salut auprès de la médecine du Travail. Ils ont été supers, à chaque fois que je parlais de ma maladie, le médecin du travail avait une attitude digne. Il vous met en confiance, il vous rassure, il nous dit que tout reste entre nous. »
Jérôme n’a jamais informé son employeur sur son état de santé et leur collaboration s’est soldée par une rupture conventionnelle : « j’ai eu des mésaventures au travail. Un jour, ma direction m’a convoqué, elle m’a demandé depuis combien de temps j’étais alcoolique, car je tremblais, je n’arrivais plus à le cacher. J’ai appris par la médecine du travail que mon directeur avez voulu consulter mon dossier médical. Chose qu’il n’a pas le droit de faire et la médecin n’a pas voulu. Je n’ai jamais réussi à en parler au travail. J’étais sous le stress de la maladie et sous le stress du travail. »
« J’allais me cacher aux toilettes »
Au stress s’ajoute la honte : « je faisais semblant que tout allait bien pour cacher mes tremblements. Je mettais les mains dans les poches, dans le dos. J’ai évité de me déplacer pendant les crises de démence. Il m’est arrivé de me cacher dans les toilettes ou dans les salles de réunion, c’est une épée de Damoclès tout le temps en permanence sur la tête. Ce qui est paradoxal, c’est que la maladie atteint les neurones de motricité mais pas l’intelligence. »
Jusqu’à 14 médicaments par jour
Des traitements de « seconde ligne » existent pour les patients atteints plus fortement, ceux qui ont des variations de leur état moteur au cours de la journée. Les médecins ont alors recours à la chirurgie avec une simulation profonde du cerveau via des électrodes. A Rouen, ce traitement est appliqué depuis une vingtaine d’années mais il reste rare.
Désormais en invalidité, Jérôme a subi cette opération « j’ai eu la chance d’être stimulé, tout le monde n’est pas éligible à l’opération. Avant l’opération, je prenais jusqu’à 14 cachets par jour pour pouvoir marcher après l’opération le nombre de cachets a été divisé par deux. On fait des réglages sur le pacemaker qui se trouve sur la poitrine et on a moins d’effets secondaires par rapport aux médicaments. On gagne en autonomie et en efficacité sur le traitement »
« C’est dur de faire le deuil du travail à 43 ans car on a un rythme quand on travaille, on se sent utile à la société. Du jour au lendemain on se retrouve sans travail, chez nous. C’est faire le deuil de beaucoup de choses en fait et jusqu’à la fin. C’est pas facile à vivre »
Durant trois ans, Jérôme parle d’une parenthèse enchantée après l’opération qui lui a permis de remarcher. Malheureusement, il constate à nouveau une perte d’autonomie « on ne peut pas augmenter les réglages indéfiniment car on touche des zones annexes au cerveau. On doit reprendre des traitements et admettre que la maladie est toujours là et qu’elle continue d’évoluer. La neurostimulation ne résoudra pas tout »
Le point sur les traitements
La recherche avance, deux nouveaux traitements sont attendus pour le début de l’année 2024.
Le neurologue David Maltete du CHU de Rouen (Seine-Maritime) détaille ces nouvelles formules : « on aura une forme sous cutanée de dopamine pour administrer de manière régulière et continue le traitement. Il ya aura aussi une forme sublinguale d’apomorphine qui existait déjà en sous cutanée »
Il n’existe de pas de traitement curatif qui bloque la maladie de Parkinson. Pour l’instant, la recherche a mis au point plusieurs traitements capables de ralentir sa progression « on a bon espoir de trouver le traitement qui va la stopper dans les prochaines années » précise le professeur Maltete.
Cette maladie qui repose sur un déficit en dopamine. Les traitements proposés habituellement sont donnés par voie orale : « le souci c’est qu’avec le temps il existe une variation de l’efficacité. L’administration en continu sous cutanée va permettre de lisser ces variations au cours de la journée et donc d’autoriser le patient à avoir un état continu dans le cas du bénéfice moteur », ajoute le professeur.
Une évasion par un jeu en ligne
Jérôme sait qu’il ne guérira pas de sa maladie, il s’évade en participant en ligne au championnat de backgammon : « j’avoue que je suis un mauvais élève car il est conseillé de faire du sport pour retarder les symptômes. Comme j’ai du mal à me déplacer, je n’en fais pas et me concentre sur cette activité cérébrale. Ca me permet d’oublier un peu la maladie et d’entretenir mes facultés mémorielles. »
Jérôme rappelle que sa maladie a des répercussions sur toute la famille : son épouse, ses enfants mais aussi ses amis. Lors de cette journée au CHU, une conférence avait lieu sur le « baluchonnage, un service de répit pour les aidants ».