Dimanche 25 novembre, c'est la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Un combat que livre aussi la Justice. A Rouen, les violences conjugales font partie des 4 priorités du tribunal.
Un jour d'octobre 2018, au Tribunal correctionnel de Rouen.
Trois hommes comparaissent devant la juge.
Trois hommes jugés pour des faits de violences à l'encontre de leurs compagnes.
Trois hommes qui, parfois, ne semblent pas comprendre pourquoi ils sont là.
"Je lui ai donné une gifle. Pas un coup de poing ! "
"Je me suis énervé. J'ai sorti un couteau de cuisine. Je l'ai appuyé sur son dos..."
Ce sont quelques-unes des phrases qu'essaime la juge lors du rappel des faits, cet après-midi là. Toutes ont été prononcées par les prévenus dont la vie et celle de leurs victimes s'étalent soudainement au grand jour.
"Il a tout cassé dans la maison... Il m'a traitée de traînée, de clocharde..."
"Il m'a mis des coups de poing dans la tête tout en m'insultant et en me disant qu'il allait me raser la tête..."
Ce jour d'octobre, "Marie" est assise sur les bancs du Tribunal correctionnel. Elle est la seule femme à s'être portée partie civile ce jour là. Quelques jours plus tôt, elle et son enfant de 3 ans et demi ont été victimes de violences de la part de son compagnon... L'homme comparaît, enfermé dans un box à quelques mètres sur sa droite.
"Je n'aurais pas dû attendre que mon enfant prenne un coup aussi. J'aurais dû partir dès le premier coup ! Pour pas que les enfants soient dans la violence, dans les cris, dans les pleurs..."
Tout comme la plupart des femmes qui ont porté plainte l'an passé, "Marie" a mis le temps avant de rompre le silence et mettre fin à ces violences. Après 5 ans d'insultes, de brimades, de coups, elle a franchi le pas.
"Madame, pourquoi ne pas avoir posé une main courante ? Nous n'avons aucune trace de ces violences que vous dénoncez !"
Briser le cercle de la violence, signaler sa détresse et quitter son compagnon est effectivement un véritable parcours du combattant pour ces femmes violentées. Il leur faut en moyenne 7 tentatives avant d'y parvenir.
Associations, policiers, avocats, c'est tout un réseau de professionnels qui essaie alors d'accompagner ces femmes.
Le renoncement des victimes
Pourtant le dépôt de plainte n'est pas toujours la fin du parcours. Beaucoup de victimes rebroussent chemin avant d'arriver au Tribunal. Elles se ravisent par peur ou parce que l'homme essaie de les reconquérir.
Mais, même en l'absence de plaintes, ou en cas de retrait de plaintes, le Parquet peut continuer à mener l'enquête. Sur 530 procédures enregistrées en 2017, 163 ont abouti à une suite devant le Tribunal Correctionnel de Rouen.
Pour le ministère public, qui accompagne ces femmes, les violences conjugales font partie des 4 priorités.
Et pour protéger au mieux les victimes, le Parquet peut réclamer la comparution immédiate des hommes auteurs de violence.
VIDEO : le reportage de Véronique Arnould, Didier Meunier et Marie-Céline Varin avec les interviews de :
- "Marie", plaignante
- Céline Gibard, avocate de Marie,
- Pascal Prache, procureur de la république
- Saliha Blalouz, avocate
- David Delaunay, directeur de l'AVIPP
Les peines alternatives
Il existe une quarantaine de réponses alternatives pour sanctionner les auteurs de violences conjugales. Rappel à la loi, amendes, Travaux d'Intérêt Généraux .. ou encore stage destinés aux conjoints violents. Pendant deux jours, ils sont encadrés par un juriste et un psychologue pour prendre conscience de leur acte et parvenir à maitriser leur colère. A Rouen, c'est l'AVIPP qui organise ces stages, l'association reçoit chaque année une cinquantaine d'auteurs de violences.