" L’étude de la régulation du métabolisme des b-glucosides chez les entérocoques d’intérêt clinique". C’est cet intitulé barbare qui a séduit Diane Soussan, pour se lancer dans la recherche. Et pourtant, elle le dit elle-même : " je n’étais pas du tout destinée à faire de la recherche. J’ai redoublé ma seconde. Les études ce n’étaient pas forcément mon fort ".
L'une n'était pas destinée à faire de longues études, l'autre est arrivée là par curiosité. Diane Soussan et Chloé Folacher, chercheuses à l'Université de Caen et Rouen, racontent ce qui les a amenées à se lancer dans la recherche. Entre passion et patience, les deux jeunes femmes ne regrettent pas leur choix.
Il fallait s’arrêter quelques minutes au stand du laboratoire de Victor, Benjamin et Diane pour voir avec quelle passion ces trois étudiants-chercheurs de l’Université de Caen parlaient des bactéries. Ce samedi-là, au premier étage du Dôme se tenait l’événement " Chercheurs chercheuses". Une dizaine de jeunes scientifiques étaient réunis pour présenter au grand public l’objet de leur recherche.
Devant des jeunes adultes, des enfants et leurs parents, les trois scientifiques faisaient une démonstration sur la réaction d’une bactérie à un antibiotique. " Pas une vraie bactérie évidemment ! On travaille sur du jus de chou rouge pour la démonstration", précise dans un sourire Diane, 26 ans, en deuxième année de thèse.
"Les études ce n’étaient pas forcément mon fort"
" L’étude de la régulation du métabolisme des b-glucosides chez les entérocoques d’intérêt clinique". C’est cet intitulé barbare qui a séduit Diane Soussan, pour se lancer dans la recherche. Et pourtant, elle le dit elle-même : " je n’étais pas du tout destinée à faire de la recherche. J’ai redoublé ma seconde. Les études ce n’étaient pas forcément mon fort ". Après le lycée la jeune femme s’est dirigée vers un DUT. " J’ai travaillé après mon DUT pendant un an dans un laboratoire d’analyse en microbiologie, raconte-t-elle. Et en fait j’adore apprendre de nouvelles choses. Je pense que c’est ce qui m’a manqué quand je travaillais".
Elle reprend alors ses études en licence puis en master. À l’issue de sa thèse, elle sera diplômée d’un bac+8. " Je ne regrette pas du tout, le temps passe même trop vite. J' aime tellement ce que je fais que je n’ai pas envie que le temps avance parce que je me dis que dans deux ans j’aurais fini ma thèse et j’en ai pas envie", confie-t-elle, et d’ajouter : " notre sujet c’est un peu comme si c’était notre bébé ".
Entre arrosage de plantes et recherche bibliographique
Les " bébés" de Chloé Folacher, ce sont les plantes. Chercheuse à l’ Université de Rouen, elle a décidé de se pencher sur la relation entre les plantes et la microbiologie du sol. " J’ai trouvé un sujet de thèse dans ma boîte mail intitulé ' relations plantes biotes du sol via la rhizodéposition', donc via les racines on peut dire, pour simplifier ", détaille la scientifique.
Un diplôme d'ingénieure en poche, Chloé débute tout juste sa thèse, alors pour le moment, elle n’a aucun résultat à analyser. Elle lit beaucoup pour s’imprégner de son sujet. Le début de sa semaine est consacré à l’arrosage des 21 espèces de plantes. " J’attends simplement qu’elles meurent pour pouvoir les utiliser comme litière. Je vais découper les tiges, les feuilles et les racines que je vais pouvoir déposer sur un sol que j’aurai préparé. À partir de là, vers mars ou avril, je vais faire pousser de nouvelles plantes. C’est à partir de celles-là que je ferai mes mesures". Pour l'instant, les trois autres jours de sa semaine, sont donc dédiés à la recherche bibliographique et à l’échange avec ses enseignants et les autres membres de son laboratoire.
Diane passe de son côté 90% de son temps dans son laboratoire, pour observer les bactéries, voir leur développement. " Comme ce sont des êtres invisibles à l’œil nu, on utilise les PCR. Ils permettent de multiplier la partie spécifique de ce qu’on souhaite observer", explique la chercheuse. Les 10% restants sont dédiés à chercher de la bibliographie sur son ordinateur.
Quand elle se replonge dans la tête de l'adolescente qu'elle était elle confie : " quand je repense à moi au lycée, je ne m’imaginais pas du tout ici et je suis vraiment super fière de ce que je fais ".
Au début de ses études Chloé n’avait pas non plus imaginé se lancer dans la recherche. " Je suis arrivée là au fil de l’eau en suivant ce qui m’intéressait et je me suis retrouver là, pas par hasard, mais je n’avais pas le projet de faire la recherche. En prépa j’avais dit à mes parents que je n'en ferai pas ", se souvient-elle.
Devant les visiteurs de " Chercheurs chercheuses", elle présentait grâce à un jeu de plateau, le lien entre l’environnement d’une plante et son développement. Car l’objectif de cette journée était aussi de rendre accessible une science qui semble si complexe aux yeux du grand public.
Mais pour Chloé c’est aussi l’occasion pour " enlever d’un podium l’image qu’on a d’un chercheur". " On reste des gens normaux, accessibles. Chaque personne est spécialiste de leur métier. Chaque artisan à un niveau de connaissance sur leur sujet qui est aussi impressionnant et il n’y a pas de raison qu’on sacralise plus la connaissance du chercheur par rapport à celle de quelqu’un d’autre ".
Des sujets de thèses aux enjeux mondiaux
Si Chloé et Diane travaillent sur deux thématiques bien différentes, elles partagent la même passion pour leurs études. Diane travaille sur une bactérie qui cause pas mal de problème en milieu hospitalier. L’enterococcus faecalis résiste de plus en plus aux antibiotiques. " C’est vrai que de se dire qu’on a un objectif pour l’homme, que potentiellement on va pouvoir trouver une alternative qui va pouvoir sauver des vies c’est un projet qui forcément anime beaucoup ."
Chloé trouve également du sens dans le fait de mettre en lumière la richesse des sols, quels qu’ils soient. " C’est vraiment une ressource très importante pour la régulation de plein de choses. On ne se rend pas compte qu’on la détruit quand construit de nouvelles routes, de nouveaux parkings, des lotissements, regrette Chloé. Par rapport à des milieux naturels avec une forêt, des petits oiseaux, ça on a bien en tête qu’il faut les sauver, mais il y aussi plein d’animaux dans le sol qu’on ne connait pas très bien. On détruit une grande biodiversité à chaque fois qu’on détruit les sols ", explique-t-elle.
Les deux chercheuses s’épanouissent avec leur double casquette d’étudiantes et salariées. Elles se plaisent à chercher dans leurs laboratoires respectifs, bouquiner sur leurs sujets, mais aussi transmettre leur passion aux plus jeunes.
Ce reportage a été publié une première fois le 8/02/2022