Dans un courrier adressé aux maires de sept communes de toute la Normandie, l'association Paris Animaux Zoopolis (PAZ) a alerté sur des actions d'empoissonnement dans des cours et plans d'eau.
C'est un travers de la pêche de loisir qu'a voulu dénoncer une association de protection animale. Dans un courrier adressé aux maires de communes du Calvados (Noues-de-Siennes et Tilly-sur-Seulles), de l'Eure (Bois-Anzeray), de la Manche (Carantilly), de l'Orne (Pervenchère et Valframbert) et de la Seine-Maritime (Blangy-sur-Bresle), Paris Animaux Zoopolis (PAZ) a demandé de se mobiliser contre les actions d'empoissonnement.
Aussi appelé "rempoissonnement" ou "réempoissonnement", "l’empoissonnement dans le but de pêcher consiste à relâcher des poissons d’élevage dans les plans et cours d’eau pour satisfaire les envies des pêcheurs de loisir", explique PAZ dans un communiqué daté du mercredi 21 février 2024.
Dans son courrier, l'association déclare avoir eu connaissance par voie de presse de telles pratiques dans ces communes et les invite, ainsi que les pouvoirs publics, "à se mobiliser contre cette pratique qui fait souffrir les animaux".
"Si on n'a plus le droit de faire ça dans nos petits bleds..."
"J'ai été paysan, je sais ce que c'est le bien-être animal", réagit auprès de France 3 Normandie le maire de Carantilly (Manche), Bruno Coron, qui ne compte pas répondre au courrier de PAZ. "L'association de pêche qui dépend de la commune fait cela dans les règles. Il n'y a pas de maltraitance."
Alors que la PAZ dénonce la souffrance et la mortalité des truites lors des étapes de l'élevage, de l'empoissonnement et de la partie de pêche, l'édile assure que les poissons sont vivants pendant leur transport, puis placés dans des épuisettes et non pas "brutalement balancés à l’eau".
Même son de cloche pour Jacqueline Gougis, maire de Bois-Anzeray (Eure), qui trouve ce courrier "complètement déplacé". Selon cette ancienne agricultrice, un lâcher de truites est organisé une fois par an par le comité des fêtes dans la mare communale. "Si on n'a plus le droit de faire ça dans nos petits bleds de 200 habitants, il n'y aura bientôt plus personne", grince-t-elle.
Le courrier de PAZ restera donc sans réponse dans la commune de l'Eure tout comme à Pervenchères (Orne) dont le maire Marc Querolle n'a pas souhaité s'exprimer sur l'empoissonnement. "Pour déverser du poisson dans un cours d'eau, il faut obligatoirement un agrément sanitaire du fournisseur afin de s'assurer que les animaux ne portent pas de pathogène", rappelle Fabien Goulm, directeur technique à la Fédération de la Manche pour la pêche et la protection du milieu aquatique. "On sera les premiers à s'élever contre toute souffrance animale car indépendamment du fait que cela soit intolérable, cela aboutirait à des problèmes sanitaires".
"On ne force pas les gens à échanger"
"Cette pratique est largement méconnue et ces réactions le prouvent, réagit Amandine Sanvisens, cofondatrice de PAZ, qui dénombre plus de 5 millions de truites élevées en France chaque année pour l’empoissonnement dans la pêche de loisir. Notre rôle est de sensibiliser l'opinion publique et d'échanger avec les acteurs locaux ou nationaux. On ne force pas les gens à échanger."
"On a moins d'empathie pour les poissons car ils vivent dans un autre milieu, n'ont pas de corde vocale et ont une expression faciale moins compréhensible pour les humains", ajoute l'experte en droit des animaux, qui pointe un "consensus scientifique sur la souffrance des poissons".
Pour appuyer ses revendications, l'association PAZ a publié une enquête sur l'empoissonnement en mars 2022 et a dénoncé par exemple un taux de TVA réduit à 5,5% des poissons d'élevage, comme les produits de première nécessité.
Dans le cadre du projet de loi de finances 2024, la députée Sandrine Rousseau et le groupe écologiste avaient ainsi déposé un amendement visant à appliquer un taux de TVA normal à 20%, auquel le gouvernement n'a pas fermé complètement la porte.
Aucune réglementation "pour limiter la souffrance"
Pourtant, "il n'y a aujourd'hui aucune réglementation pour limiter la souffrance des poissons tant dans l'élevage que dans la pêche de loisir", regrette Amandine Sanvisens, qui dénonce un lobby de la pêche "aussi bien organisé que celui de la chasse".
Et de conclure : "Notre objectif, c'est une réforme de la pêche de loisir au regard de la souffrance animale en ouvrant un débat autant local que national". Un débat qui ne semble pas encore mûr dans les campagnes normandes.