Vers une aide active à mourir : des Normands témoignent de leur expérience

Témoignages. Des Normands réagissent aux premières conclusions de la convention citoyenne sur la fin de vie. Depuis trois mois, 184 citoyens français de tous horizons sont réunis pour répondre à onze questions autour d’une éventuelle évolution législative. A ce stade, la convention se prononce à 84% en faveur d'une aide active à mourir. Dans le détail, 72% sont pour le suicide assisté et 75% pour l'euthanasie.

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Souhaitées par le président de la République Emmanuel Macron, les conclusions de la convention citoyenne qui vient de se tenir au CESE (conseil économique social et environnemental) seront remises au gouvernement à la fin du mois de mars. Elles doivent éclairer les pouvoirs publics et la société dans son ensemble en vue d'un projet de loi sur la question de la fin de vie.  

Avant toute nouvelle évolution éventuelle de notre droit, un débat national est indispensable afin de créer les conditions de la plus large sensibilisation et participation de nos concitoyennes et concitoyens et d’une délibération collective en profondeur.

Elisabeth Borne, Première Ministre

Avancées à petits pas

Les participants ont pu se familiariser avec le cadre légal de la fin de vie en France.
Ce cadre a largement évolué ces dernières années, de la loi Kouchner de 1999 qui garantissait l’accès aux soins palliatifs à la loi Claeys-Léonetti du 2 février 2016 ouvrant le droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, et offrant la possibilité de rédiger des directives anticipées qui s’imposent aux médecins.

En septembre 2022, c’est un avis du comité consultatif national d’éthique qui envisageait la dépénalisation d’une aide active à mourir strictement encadrée qui a conduit le président de la République à lancer le débat et saisir le CESE pour constituer la Convention citoyenne sur la fin de vie. Avec cette convention, la France a débattu de ce sujet qui touche à la fois à l’intimité des familles et la société dans son ensemble.

Je suis plutôt satisfait de la tournure que prennent les choses, nous ne sommes plus très loin du but,  indique Marc Bugey, délégué de l'association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) pour les départements de La Manche et de l'Orne. Il reste encore le débat à l'assemblée nationale. Mais nous savons que les citoyens  sont majoritairement favorables à une loi de liberté pour le suicide assisté et l'euthanasie.

La Belgique a légiféré dans ce sens en 2002. Là-bas, c'est plutôt l'euthanasie qui s'applique, "le dernier traitement en milieu médical !"  Et ça se passe plutôt bien.   En Suisse aussi, mais ce n'est pas une loi, c'est une tolérance au suicide assisté. C'est le patient lui-même qui s'administre le dernier traitement.

Marc Bugey, délégué de l'association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) pour les départements de La Manche et de l'Orne

La fin de vie: une question sensible en France

En France, la fin de vie est une question sensible qui touche à l'éthique philosophique, politique et religieuse.

Du côté de l' Eglise catholique, on s'en remet à la mise en œuvre réelle de « ce qui est prévu par la loi. » 

La majorité sénatoriale s’est toujours montrée réticente à une évolution de la loi Claeys-Leonetti, mettant plutôt en avant la nécessité de rendre effectif les soins palliatifs. Un enjeu largement partagé, que soulevait aussi l’avis du CCNE (comité consultatif national d'éthique) de septembre dernier, et qui était déjà mis en avant dans une tribune de 2018 dans Le Monde, signée par 85 parlementaires, dont Philippe Bas, sénateur LR à l’époque président de la commission des Lois au Sénat, Bruno Retailleau, président du groupe LR, ou Agnès Canayer, sénatrice LR en pointe sur ce genre de questions.

François-Xavier Bellamy, eurodéputé LR et soutien de Bruno Retailleau lors du dernier congrès des Républicains, déclare que la Convention citoyenne « ne représente qu’elle-même » et « n’engage pas notre démocratie. » Aussi bien opposé à l’euthanasie qu’au principe des conventions citoyennes, qui n’enchante pas non plus la droite sénatoriale, le numéro 2 des Républicains s’appuie sur une tribune publiée dans Le Figaro le 16 février de 13 associations de soignants, alors qu’une tribune contraire avait été publiée dans Le Monde, dix jours plus tôt pour affirmer « haut et fort que l’aide médicale à mourir est un soin. » 

C'est vrai que c'est un problème de société difficile, nous comprenons les réticences de certains politiques, admet ce couple de retraités de l'Orne qui approche les 80 ans. Mais tous les sondages vont dans le sens inverse ...

La loi Claeys-Léonetti a le mérite d'exister mais elle n'est pas satisfaisante pour beaucoup de monde. Certes, elle permet une sédation profonde mais sans entrainer la mort rapidement. Des patients peuvent agoniser pendant des jours, dépérir de faim et de soif. Oui, les soins palliatifs sont indispensables... On peut souhaiter vivre le plus longtemps possible jusqu'à une mort naturelle, nous comprenons aussi cela !

Noëlle et Jean Corvellec, retraités dans l'Orne

La convention citoyenne, ce couple de retraités l'appréhende avec circonspection même s'il trouve les conclusions intéressantes. Il attend leur traduction dans la loi et les décrets d'application, sur le modèle de la Belgique qui, selon lui, encadre bien les choses. 

Il y a un aspect qui nous interroge, c'est les restrictions qui pourraient être posées par les médecins pour détresse physique et psychologique. Une clause de conscience du corps médical sera-t-elle inscrite dans la loi et si oui, de quelle nature ? Une clause de conscience va limiter l'accès à l'euthanasie et au suicide assisté. Il va falloir chercher un médecin qui accepte ces pratiques, et pendant ce temps-là on souffre, voire on peut mourir sans pouvoir bénéficier de l'acte. 

Noëlle et Jean Corvellec, retraités dans l'Orne

C'est un peu le cas pour Françoise qui a dû demander un courrier à son oncologue pour se faire euthanasier en Belgique.

Atteinte d'un cancer du poumon au pronostic défavorable, cette habitante du Pas-de-Calais souhaite abréger ses souffrances et fait appel à l'association de sa région pour le droit à mourir dans la dignité. Cette dernière l'oriente vers un hôpital de Charleroi en Belgique qui accepte les patients étrangers. Elle est reçue le mois suivant sa demande pour un premier rendez-vous. Au regard de la durée probable de son traitement, elle obtient son deuxième rendez-vous, celui pour l'euthanasie, quatre mois plus tard. 

Sa fille Juliette témoigne:

Ma mère était suivie par un oncologue et un pneumologue. Elle a pu obtenir de l'oncologue un courrier décrivant le diagnostic et le parcours de soins. Cela n'engageait pas sa responsabilité mais permettait tout de même de recourir à l'alternative de l'euthanasie. En revanche, certains médecins refusent de le faire ! De toute façon, il n'y a pas eu de suite, la maladie a eu raison du temps car ma mère est décédée dix jours après son premier rendez-vous.  Personnellement, cela m'a soulagée qu'elle fasse cette demande. Par cette démarche, elle voulait choisir le moment de mourir avant que son état ne se dégrade trop.

Juliette

Combien sont-ils à partir en Belgique ou en Suisse pour une fin de vie digne ? Il n' y a pas de chiffre mais il sont un certain nombre, à condition de pouvoir financer ce dernier voyage qui, selon l'ADMD,  peut se monter à 10 000 euros.

Pour en savoir davantage, l'association invite dores et déjà à débattre de cette question le 9 mars prochain à Equeurdreville près de Cherbourg, à la salle municipale Totem entre 14h30 et 16h30.   

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