De plus en plus de petites communes installent des caméras dans leurs bourgs. Pour certains maires, la vidéoprotection est une solution pour endiguer la recrudescence des incivilités et des dégradations. Toutefois, ces installations génèrent chez les habitants des craintes et, parfois, une réelle opposition.
"Nous réclamons l'arrêt immédiat du projet d'installation des caméras". A Putanges-le-Lac (61), commune ornaise de 2 150 habitants, l'opposition à la mise en place de 21 caméras de vidéoprotection s'est vite formée. Courant mars, le collectif citoyen Vivre Ensemble Putanges, et une pétition d'opposition, ont vu le jour sitôt le projet validé par le conseil municipal.
On craint que cette vidéosurveillance généralisée se développe de plus en plus, dans nos villages, et en France alors qu'il n'y a aucune criminalité, que rien ne le justifie et qu'on se retrouve surveillé en permanence dès qu'on passe la porte de notre maison.
Loïc, collectif Vivre Ensemble Putanges
Les récalcitrants à l'arrivée des caméras dénoncent aussi le coût de l'installation, de l'ordre de 200 000 € au total, 40 000 euros au final pour les administrés. Ils souhaitent, en outre, une concertation et une consultation des habitants. En attendant, ils ont déposé un recours devant le tribunal administratif contre la décision préfectorale autorisant l'installation.
"Il n'y a pas à avoir peur d'être surveillé"
Face à eux, le Maire, Sébastien Leroux (LR) reste droit dans ses bottes, et défend son choix. "Il n'y a pas à avoir peur d'être surveillé. Il n'y a pas une personne devant des écrans qui regarde en permanence ce qui se passe". L'édile veut que l'on fasse le distinguo entre les termes vidéoprotection et vidéosurveillance. Les images seront écrasées tous les quinze jours, il n'y a pas de reconnaissance faciale et seuls les gendarmes seront amenées à visionner les bandes", en cas d'enquête uniquement.
Sébastien Leroux précise que le projet n'est pas le sien au départ, que la précédente municipalité l'avait déjà imaginé en 2014. Réactivé huit ans plus tard, il ne porte pas sur l'ensemble des rues du bourg, mais sur deux lieux précis, théâtre de dégradations et d'incivilités : la plaine multisports et les rives du lac de Rabodanges.
On est sur rôle de dissuasion pour qu'il y ait une tranquillité publique, et une meilleure protection des biens et des personnes.
Sébastien Leroux, Maire (LR) de Putanges-le-Lac
Des installations grandement subventionnées
La petite commune de l'Orne est loin d'être un cas isolé. Depuis deux ans, de plus en plus de villages normands se laissent séduire par la vidéoprotection. Dans la Manche, une quinzaine de communes ont sauté la pas. Hardinvast, 920 habitants, a installé 7 caméras en 2020, à la suite d'une série de cambriolages. L'été dernier, Saint-Sauveur-le-Vicomte, 2 200 âmes, a investi dans une vingtaine de caméras pour répondre à une série de détériorations. Le budget de l'installation étant à peu près égal à la somme annuelle des réparations des dégâts, le choix a été vite fait.
Dans le Calvados, plusieurs communes côtières, donc touristiques, ont opté pour la vidéoprotection, comme Langrune-sur-Mer ou Colleville-Montgomery. La Seine-Maritime et l'Eure n'échappent pas non plus à la mode de Big Brother.
A Frenelles-en-Vexin, dans l'Eure, 27 caméras ont été installées dans les trois communes déléguées, afin de rester vigilant sur 14 points de contrôle. "On était déjà commune citoyenne, avec le dispositif Voisins vigilants, mais nos bourgs sont traversés par des routes fréquentées, propices au vols et aux incivilités", explique la maire, Aline Bertou. On sentait que les gens avaient besoin de se sentir davantage en sécurité. Evidemment, ça ne résout pas tout, mais ça sert beaucoup. Ca a déjà aidé à résoudre des méfaits.
En Seine-Maritime, Les Authieux-sur-le-Port-Saint-Ouen, 1 300 habitants, est désormais équipé de 20 caméras. Saint-Martin-de-Boscherville, 1 438 résidents vient de voter l'installation d'un dispositif similaire. De plus en plus de communes se laissent tenter, appâtées par les importantes aides au financement des installations. En effet, dans la plupart des cas, le système de vidéoprotection est subventionné a plus de 60% par la Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et les départements, qui invitent les communes à s'équiper.