C'est une tradition sur l'île d'Oléron. En août, les marins se réunissent pour honorer la mémoire des disparus en mer. Un évènement, marqué par le drame des Fêtes de la mer de 1996. À l'arrêt pendant 20 ans, ces festivités étaient revenues en 2016. Mais depuis la période du Covid-19, elles se sont de nouveau arrêtées, ne reste que cet hommage... solennel.
Tous les ans, c'est le même rituel au mois d'août. Les marins et les familles de la Cotinière, le principal port de pêche de l'île d'Oléron, se réunissent pour rendre hommage à ceux que la mer a emportés depuis 1903. L'objectif : garder en mémoire leurs noms.
Depuis le terrible naufrage de 1996, qui a couté la vie à dix personnes, les festivités des Fêtes de la mer se sont arrêtées pour laisser place à un hommage.
"C'était extrêmement tendu"
Carole venait de souffler ses 16 bougies la veille du drame. "Je me souviens de chaque seconde de ce 11 août 1996", témoigne-t-elle aujourd'hui. Le ciel était couvert, avec un peu de vent, raconte-t-elle. En début d'après-midi, un peu plus d'une dizaine de chalutiers ont pris le large pour cette fête de la mer. Comme à son habitude, le curé a béni les gerbes de fleurs qui ont ensuite été jetées à la mer.
"Il y a eu une première vague et tout le monde a changé de côté sur le bateau, mais pas moi, c'était seulement de l'eau après tout." Une seconde vague a fait chavirer le bateau. "Je me souviens être tombée dans l'eau, mais je ne savais pas nager. Un ami m'a mis sur la coque du bateau puis une autre personne m'a attrapé les cheveux et m'a mis sur son jetski", raconte la rescapée qui se rend à chaque hommage pour les personnes disparues en mer. De nombreux touristes étaient à bord. La douleur de ce drame est toujours présente, même 27 ans après les faits.
Emmanuel Deshayes, rédacteur en chef de France 3 à Montpellier, 25 ans à l'époque, se souvient parfaitement de ce drame sur lequel il a été envoyé alors qu'il commençait sa carrière. "C'était extrêmement tendu. Tous les corps n'avaient pas été repêchés, mais tout le monde savait que celui de la fille du patron-pêcheur se trouvait coincé dans le bateau", raconte-t-il. Il continue : "Les rescapés se retrouvaient dans un café, on les voyait arriver avec leurs couvertures de survie, mais on ne pouvait pas leur parler."
"Le monde des gens de la mer est très petit, soudé, tout le monde se connait, se respecte", reconnait aujourd'hui Philippe Michau, marin pêcheur. Il ajoute : "Ça rappelle à l'humilité, au respect de chacun, de la mer et d'être humble face à l’océan". Ce dimanche 13 août 2023, sous l’œil de Saint-Pierre, le patron des pêcheurs, les gens de la mer ont entamé leur procession jusqu’au port, en chanson.
"Réenclencher ces festivités autour du village"
Auparavant, cet hommage se déroulait pendant les Fêtes de la mer. Mais depuis le drame de 1996, l’évènement est plus solennel. "Depuis, les Fêtes de la mer sont différentes. On a essayé avec le port de la Cotinière d'innover sur des festivités un peu décalées, pas forcément lié à la cérémonie d'ailleurs, avec des jeux. Mais il faut un comité des fêtes, une association qui porte avec des bénévoles. Il faudrait peut-être que de nouvelles générations se mettent en place pour réenclencher ces festivités autour du village", souligne Christophe Sueur, Maire (DVD) de Saint-Pierre-d’Oléron.
En haie d'honneur, les navires ont pris le large, ce dimanche, avec les proches des disparus. Des fleurs ont été jetées dans l'océan. À la Cotinière, 58 personnes sont mortes en mer depuis 1903. "La dernière recherche, c'était le naufrage de Ar Louarn où il y a eu trois disparus", précise Jean-François Vitet, président de la SNSM de la Cotinière. Un naufrage qui remonte à 2015. Le dernier mort, lui, date de 2019. Cette journée en hommage aux victimes est aussi pour se rappeler que la mer peut prendre autant qu'elle peut donner.