Deuxième marathon de France, l'épreuve de La Rochelle attire chaque année des milliers de coureurs. Une affluence qui n'est pas sans générer des risques pour des marathoniens amateurs, pas habitués à pratiquer dans un milieu aussi dense, et dont les maladresses peuvent provoquer des chutes.
Derrière les champions à la foulée féline finissant presque seuls au monde, une masse compacte de coureurs espère boucler les 42,195 km de La Rochelle, dimanche 26 novembre. Ils seront 7 500 inscrits, rien que pour le marathon. L'affluence est telle que les organisateurs ont remis, en septembre, 500 dossards à disposition. Pris dans cette densité si différente de l'entraînement, il n'est pas toujours simple de s'échapper pour faire sa course, et les embûches sont nombreuses. Âgé de 36 ans, Benjamin Lucas s'amuse de faire figure d'ancien de la discipline dans son club de l'ASPTT La Rochelle. Celui qui arbore un short rose pour être plus facilement repéré par ses proches dans la foule s'attaque à son 13ᵉ marathon, le neuvième dans la Porte Océane. Il nous emmène dans la meute.
France 3. Comment cela se passe-t-il dans la foule de coureurs ? On arrive à se faire sa place ?
Benjamin Lucas. Je ne me suis jamais senti trop oppressé, j'ai la chance de faire 1,84 m et de ne pas être un coureur trop fin. Mais ça m'est arrivé de mettre des coups de coude involontaires. On essaie de slalomer un peu au tout début, de prendre un peu d'espace pour éviter d'être trop proche des autres, mais dès qu'il y a un virage, c'est fichu. La grosse peur au début, c'est que la cheville tourne. Marcher sur un pied, sur un trottoir... Je me suis "fait" deux chevilles comme ça. Heureusement, on a repéré le parcours avec le club. On sait où sont les pièges.
Cette crainte de la blessure ajoute de la pression au départ...
On est tous un peu tendus. Rien que d'en parler 24 heures avant, j'ai une boule dans la gorge. Tout l'entraînement qu'on a fait, le temps qu'on a passé à se préparer, sans être sûr de finir... On sait ce qu'on a enduré pour faire ça ! Quand on a, comme moi, des petites fragilités des chevilles, c'est une vraie appréhension. On part pour 42 km, si on se blesse dès le départ, ça peut être très long. C'est vraiment un facteur de méfiance. Je garde de l'espace autour de moi pour ne pas me blesser, ou ne pas blesser quelqu'un involontairement en voulant me rattraper, quitte parfois à sacrifier un peu mon temps. Sur la ligne, il y a beaucoup d'émotions à gérer, mais une fois qu'on est partis, on fait attention, la prudence revient, c'est le cerveau qui se remet.
Comment vous êtes-vous blessé ?
Une année, je suivais un meneur d'allure, pour respecter mon objectif de temps en étant tranquille sans avoir à regarder ma montre toutes les deux minutes. L'inconvénient, c'est qu'une masse se forme derrière, et dans les virages, je n'étais pas assez attentif. Involontairement, les croche-pattes sont vite faits dans ce type de peloton. Ça m'a fait chuter. Une autre fois, je n'ai pas été assez attentif, et j'ai oublié qu'il y avait un trottoir. Une de mes chevilles a vrillé...
Le sillage des meneurs d'allure est plus dangereux ?
Eh bien, je vise 3 h 25, car ça m'éviterait d'être justement d'être dans le peloton de 3 h 30. Les meneurs sont hyper réguliers, ce sont des métronomes. Vu qu'ils sont bien réglés, beaucoup de gens restent derrière eux et ça fait une masse. En ligne droite, ça va, mais dès qu'on tourne, ça peut provoquer de petits mouvements. Il y a un risque. Pour être tombé une fois, je sais qu'il y a un peu plus de bousculade dans ces groupes. Être un peu devant, c'est mieux.
Est-ce que l'ambiance est tendue dans ces pelotons ?
Non, il y a des objectifs de temps, mais on se respecte. Je n'ai jamais vu quelqu'un monter d'un coup dans les tours. On est tellement nombreux que ça pourrait faire un effet domino si on pousse quelqu'un. Quand j'approche de quelqu'un, je lui touche l'épaule ou les côtes, pour qu'il me sente et ne soit pas surpris. On est là pour finir, il n'y a pas de raison de se blesser. Ça doit rester un loisir.