Observation des cigognes blanches : elles sont nos sentinelles du climat

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Dans l'estuaire de la Gironde, associations et particuliers baguent les cigognes blanches pour observer les modifications de leurs comportements face au réchauffement climatique ©Les Films Jack fébus

Observer les cigognes blanches n'est pas qu'une activité d'ornithologues passionnés, c'est une source d'informations fiables quant aux évolutions de nos écosystèmes face au réchauffement climatique. Sentinelles de l'état de santé de notre environnement, leurs comportements sont riches d'enseignements. À condition de savoir les recueillir et les lire, comme c'est le cas dans l'estuaire de la Gironde.

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Les cigognes blanches, race migratrice et anthropophile (qui s'accommode de la présence de l'homme), sont devenues l'espèce sentinelle de l'état de santé des écosystèmes qu'elles exploitent tout au long de l'année. À la condition cependant de savoir comment les évolutions climatiques infléchissent leurs comportements, qu'ils soient alimentaires ou migratoires.

Une seule méthode a fait ses preuves : l'observation. Et c'est justement la mission que poursuivent Raphaël Musseau, docteur en écologie et directeur de l'institut de recherches Biosphère Environnement, basé en Charente-Maritimes, et Christophe Barbraud, directeur de recherches au CNRS.

Le cinéaste Laurent Buchemeyer a suivi Raphaël Musseau et son équipe sur le terrain, dans les marais de l'estuaire de la Gironde à Kénitra au Maroc, étape prisée des cigognes blanches dans leur migration. À tel point qu'elles ont de plus en plus nombreuses à s'y arrêter définitivement.

L'observation, mère de tous les savoirs

Les regarder vivre, c'est en apprendre aussi sur nous, sur ce qui nous entoure, nos conditions de vie et surtout leurs modifications.

Depuis 2019, Raphaël Musseau et son équipe développe une observation des cigognes blanches en les équipant de bagues dont ils suivent la trace par GPS.

Les relevés d'informations sont fiables et précis. Et, sans grande surprise, avec certitude cette fois, l'impact du changement climatique se fait tangible. À la fin de l'été, les cigognes blanches européennes entament leur migration vers l'Afrique, en suivant deux parcours distincts : si ce sont des cigognes de l'est, elles se dirigent vers le détroit du Bosphore pour hiverner en Egypte, Tanzanie ou Kenya, tandis que les cigognes de l'ouest mettent le cap sur le détroit de Gilbratar, traversent le Maghreb pour rejoindre l'Afrique subsaharienne.

Fait établi avec leurs collègues du bassin méditerranéen : de plus en plus de cigognes s'arrêtent au Maroc, à Kénitra, notamment, une ville portuaire au nord au pays. Elles colonisent les décharges à ciel ouvert, ce qui n'est pas sans conséquence quant aux risques de dispersion des déchets et leur ingestion de matières plastiques. La dégradation et le rétrécissement de leurs zones d'habitation, mêlés à la raréfaction des pluies, deviennent une menace concrète pour l'espèce et l'environnement de l'animal et celui des autres êtres vivants. Raphaël Musseau a pu le constater sur place :

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Les cigognes blanches venues de l'Ouest de l'Europe font escale dans une décharge marocaine à ciel ouvert, dans la ville de Kénitra. ©Les Films Jack Fébus

Observer les cigognes blanches, leurs stratégies pour trouver de nouvelles sources de nourriture (plus la sécheresse est importante, plus elles sont obligées de parcourir de longues distances pour se nourrir, ce qui est un facteur de fragilisation), la taille et le nombre de leurs œufs, la reproduction de plus en plus tardive dans l'année, le taux de viabilité des jeunes sujets : le recueil de données sont à mettre en lien étroit avec les données climatiques.

La Charente-Maritime, terre de cigognes blanches

Si l'institut Biosphère Environnement s'intéresse de près aux cigognes blanches, ils ne sont pas les seuls sur le terrain. Les habitants de l'estuaire sont, eux aussi, impliqués dans le suivi et la protection de l'espèce. Certains propriétaires de terre des marais ont pris d'eux-mêmes l'initiative de leur construire des plateformes pour nidifier. À chaque saison, ils observent le retour des oiseaux et tiennent des nichées. 

L'histoire de la Charente-Maritime et de la cigogne est une belle histoire de réconciliation et de retrouvailles. Illustration en quelques chiffres clés : 

  • 1974 : 11 couples seulement se reproduisent sur le territoire. L'espèce est clairement menacée d'extinction.
  • 1977-78 : réapparition de la cigogne blanche en Charente-Maritime
  • 2024 : 5 000 couples répertoriés sur l'ensemble du territoire, majoritairement dans le Grand Est et sur la façade atlantique, dont 650 recensés en Charente-Maritime (1ᵉʳ département français en nombre de couples, devant le Bas et le Haut-Rhin)
  • 19 oiseaux équipés de bagues GPS depuis le lancement du programme et 21 le seront d'ici à la fin de l'année 2024. Sachant que le montant de l'équipement s'élève à 2 000 € par oiseau

Avec un recul de cinq ans et une analyse des données fournies par les balises GPS portées par les cigognes, les chercheurs comprennent et modélisent les mécanismes mis en place par l'animal pour affronter les modifications climatiques. Leur objectif est de partager ces constats avec les décideurs ; car il ne faut pas s'y tromper, au-delà du cas de la cigogne blanche, ce sont toutes les espèces vivantes qui sont concernées.

"Les Sentinelles", un documentaire de Laurent Buchemeyer, diffusé jeudi 7 novembre 2024 à 22.50 sur France 3 Nouvelle Aquitaine et déjà disponible sur france.tv

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