L'éventualité d'une relance de la confection de charentaises dans le département de la Charente se heurte à un nouvel obstacle de taille. Le tribunal de commerce d'Angoulême a ordonné hier vendredi la vente aux enchères publiques des actifs de la Manufacture charentaise (LMC).
Cette décision du tribunal de commerce d'Angoulême rend encore plus compliqué l'espoir d'un redémarrage de la production des célèbres chaussons, un projet porté par trois candidats repreneurs.
"Je suis très déçu par la décision du tribunal de rejeter notre offre et d'ordonner une vente aux enchères publiques des actifs... Les machines risquent de filer à l'étranger", a regretté Olivier Rondinaud, ancien directeur commercial de cette société liquidée en novembre 2019.
Olivier Rondinaud, le petit-fils de l'inventeur de la charentaise moderne s'était allié avec deux autres dirigeants du secteur de la chaussure, Alexandre Bataille, le patron de Fargeot (Dordogne) et Vincent Rivalin, le patron breton du chausseur éponyme pour racheter les tissus, les machines et le mobilier de LMC.
100.000 vendues à un déstockeur
Le tribunal a estimé dans ses attendus que "l'environnement de la procédure collective n'est pas favorable à une cession de gré à gré".Les produits finis, environ 100.000 paires de pantoufles, ont été vendues à Maxplus, un déstockeur breton.
Olivier Rondinaud, avec ses associés, compte bien participer à cette vente aux enchères destinée à rembourser les créanciers. Il assure ne pas avoir renoncé à lancer "L'Atelier charentaise", sa propre marque de charentaises en "cousu-retourné", la méthode traditionnelle.
La production doit démarrer le 15 mars dans un atelier situé à La Rochefoucauld (Charente).
Il n'est pas le seul à vouloir relancer les célèbres chaussons : Daniel Moreau, le dernier producteur de pantoufles en Charente (Montbron) s'apprête à lancer ses charentaises traditionnelles sous la marque "L'atelier du feutre charentais".
L'héritage d'un savoir-faire artisanal et industriel dans l'impasse
La Manufacure Charentaise , qui employait 104 salariés, avait été placé en liquidation judiciaire en novembre dernier, résultat "de nombreuses erreurs, vraisemblablement de gouvernance et de choix stratégiques, de stratégie économique", avait alors dit Cédric O, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie, interrogé à l'Assemblée nationale. L'entreprise avait notamment trop axé sa commercialisation sur le haut-de-gamme en délaissant la grande distribution.
LMC était le fruit du regroupement en 2018 de quatre fabricants, déjà mal en point, des chaussons charentais et dirigée par l'ex-ministre Renaud Dutreil.
Née à la fin du XIXe siècle, la charentaise est issue des rebuts de fabrication des industries textiles et papetières situées sur le fleuve Charente. Les savetiers locaux ont eu l'idée de récupérer les feutres qui servaient au pressage, pour en faire des chaussons. Ils étaient dotés d'une languette caractéristique, qui protégeait le pied du sabot de bois, et de la technique très particulière du "cousu-retourné" (semelle cousue et montée à l'envers, puis retournée). Depuis le mois de mars 2019, la charentaise avait obtenu une Indication Géographique Protégée délivrée par l'Institut national de la propriété industrielle (INPI). En fin d'année dernière, l'annonce de la fermeture de la Manufacture charentaise avait suscité un véritable engouement de la clientèle et avait entraîner une accélération des ventes, notamment à l'approche des fêtes.
La fermeture de la Manufacture charentaise en Charente, suscite un véritable engouement pour ces pantoufles amenées à devenir rares. Les ventes sont parties en flèche et certains magasins voient leurs stocks diminuer très rapidement.