"On peut tous tomber" : face à l'arrivée de la taxe chinoise, les producteurs de cognac en danger

La crise du cognac est bel et bien là : les ventes chutent, le quota de production a été divisé par deux et la Chine menace de taxer le cognac de l’ordre de 35 %. Les conséquences commencent à être visibles chez les viticulteurs. Près de 70 000 emplois directs et indirects sont concernés grâce au célèbre spiritueux.

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Ils ne veulent pas être sacrifiés et mis sur le carreau face aux taxations chinoises. Les viticulteurs producteurs de cognac sont dans la rue et manifestent leur mécontentement, ce mardi 17 septembre. Plusieurs syndicats, dont la Coordination rurale et la Confédération paysanne, sont aux côtés de ces producteurs de spiritueux : une centaine de tracteurs vont envahir les rues de la ville de Cognac afin de se rendre à la préfecture. Tous espèrent que leur message d'alerte sera entendu et que ce dossier sera mis en haut de la pile des affaires urgentes à traiter pour le nouveau Premier ministre Michel Barnier.

Baisse des ventes, quota de production divisé par deux

Certains viticulteurs ont récemment installé des cuves en inox dans leur exploitation. Représentant un investissement coûteux, elles sonnent désormais creux. Guillaume Duluc, cinquième génération sur le domaine familial basé à Touzac en Charente, va devoir à présent s’adapter. "C'est un investissement qui va être très compliqué à amortir dans le temps. Elles ont été achetées, mais étant donné que les productions sont en baisse, je ne sais pas ce que je vais en faire. Peut-être va-t-on les utiliser pour faire du jus de raisin ou pour d'autres débouchés, mais actuellement, ce n'est pas le plan initial qui est respecté. On souhaitait fabriquer du cognac et vendre du cognac. Tout en sachant que le jus de raisin est à perte : le prix de compensation est en dessous des prix de production. Ce n'est pas un débouché viable pour la filière."

La baisse des ventes de plus de 30 % au niveau mondial, le quota de production divisé par deux... Les raisons de la colère sont multiples et l’ombre de l’arrachage n’est plus un tabou. "On est, à la fois, sur une augmentation de la productivité des vignes, lié au renouvellement et aux plantations nouvelles, et la baisse des ventes. Cela crée un effet ciseaux et ne nous permet pas de vendre l'ensemble de la production fabriquée sur place", ajoute Guillaume Duluc.

L'ajout de cette taxe chinoise va laisser beaucoup de monde sur le carreau. On va essayer de tout mettre en œuvre pour que cette taxe ne passe pas.

Guillaume Duluc

Viticulteur

Il est horrifié à l'idée de voir les taxations chinoises pointer le bout de son nez : "On a très peur. Sachant que l'on vit une période économique compliquée pour le cognac aujourd'hui, l'ajout de cette taxe chinoise va laisser beaucoup de monde sur le carreau. On va essayer de tout mettre en œuvre pour que cette taxe ne passe pas. C'est très important pour nous, mais également pouvoir adapter notre vignoble en cas de crise. Avoir la possibilité d'arracher certaines vignes, de pouvoir compenser avec les vignes existantes pour produire tout en descendant les coûts de productions."

L'ombre chinoise menace le cognac

Les viticulteurs sont apeurés. Ce pays, surnommé "l'empire du Milieu", représente 25 % des ventes. Un marché colossal pour ces producteurs. L'arrivée de cette taxe peut être la goutte de trop. "On peut tous tomber. On est sur un sujet de surproduction et d'un manque de ventes sur le marché, c'est indéniable et nos maisons doivent tout faire pour reconquérir ces marchés. Mais, il faut se mobiliser contre cette taxe chinoise qui, demain, peuvent nous mettre à terre dans un combat que l'on n'a pas demandé et où l'on est complètement otage, entre l'Europe et la Chine sur les voitures électriques chinoises. On aime la Chine, la Chine aime le cognac : nous n'avons pas à rentrer dans ce conflit", fustige Matthieu Augier, viticulteur basé à Mainxe-Gondeville.

On aime la Chine, la Chine aime le cognac : nous n'avons pas à rentrer dans ce conflit.

Matthieu Augier

Viticulteur basé à Mainxe-Gondeville

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La situation économique du cognac a carrément stoppé certains de ses projets : "on a sur ce terrain les fondations du chai, qui ne verra pas le jour. Du fait de la situation économique du cognac, on a décidé d'arrêter nos investissements." Ce dernier estime que le scénario de la crise du cognac ayant lieu en 1970 se reproduit. "Il y a toujours une crise internationale, de guerre, ou la covid en trame de fond, et derrière, des plantations parce qu'il y avait un besoin sur les marchés, qui se retourne du jour au lendemain. Là, on se retrouve avec des vignobles en pleine production sauf que les marchés se sont taris. Je pense qu'il faut que l'on prenne notre temps."

70 000 emplois, mais aussi toute une région concernée

"Paris et Bruxelles ont décidé de sacrifier notre filière au profit des véhicules électriques, des batteries, ce qui est absolument inadmissible, insupportable", fulmine Florent Morillon, président du BNIC, le Bureau National Interprofessionnel du cognac. "Cela concerne près de 70 000 emplois, 4 000 exploitations viticoles et donc 4 000 familles, 250 maisons de négoces et toute une région qui est dans l'angoisse."

Nous avons voté un rendement commercialisable plus bas que les autres années et nous travaillons sur un système qui permettrait de réduire les coûts de production, avec un peu moins de production sur l'exploitation.

Florent Morillon

Président du BNIC, le Bureau National Interprofessionnel du cognac

Selon lui, le monde viticole est concerné par ces crises géopolitiques et économiques à grande échelle. L'Amérique du Nord ou l'Asie, qui sont les marchés les plus importants pour le cognac, sont en perdition. "Le contexte international se répercute sur toutes les filières viticoles. Notre région est aussi concernée par cela. Nos principaux grands marchés, que sont les États-Unis et la Chine, connaissent également une crise et une baisse du pouvoir d'achat. La baisse de consommation des vins spiritueux est aussi un facteur à prendre en compte."

Pour faire face à cette crise, le BNIC, l’organisme qui défend, développe et protège l’appellation, avance quelques pistes pour traverser cette crise. "Ce que nous proposons, c'est une adaptation de notre bassin de production. Nous avons voté un rendement commercialisable plus bas que les autres années et nous travaillons sur un système qui permettrait de réduire les coûts de production, avec un peu moins de production sur l'exploitation : une partie du vignoble ne produirait pas afin de réduire les coûts de production en attendant que le marché revienne à son plein essor."

L'UGVC (Union Générale des Viticulteurs pour l'AOC Cognac) et les différents syndicats espèrent que leurs voix seront entendues lors de cette journée de manifestation. Sur les réseaux sociaux, la Coordination rurale montre sa présence aux côtés des viticulteurs de la région. Dans un communiqué publié ce lundi 16 septembre, la Confédération paysanne appelle à "un dialogue plus équilibré et à une juste répartition des marges tout au long de la chaîne de production, à une révision urgente des politiques agricoles et commerciales afin de protéger les viticulteurs et viticultrices et à une régulation de la production."

Reportage de Bruno Pillet et Cécile Landais :

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{} ©France télévisions

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