Des associations écologistes et de défense des consommateurs saisissent le Conseil d'État. Elles dénoncent les insuffisances de la certification Haute Valeur Environnementale (HVE). Illustration en Corrèze.
Haute valeur environnementale, HVE: le label de la discorde. En Corrèze, pour les arboriculteurs et éleveurs bovins, cette certification, c'est une reconnaissance de leurs pratiques respectueuses de l'environnement.
Pourtant, un collectif d'associations écologistes dénonce une tromperie du consommateur.
Direction Le Lonzac où Philippe Doulcet est installé depuis de 40 ans. Son exploitation dédiée à l'élevage bovin et à la polyculture permet d'être le plus autonome possible. Il y a deux ans, il se lance dans la certification HVE. Un label pour valider ses pratiques qu'il considère raisonnées. "Il n'y a pas eu d'aménagement ni de modifications à faire sur ce que l'on pratiquait déjà auparavant."
120 hectares, surtout des prairies et une exploitation guidée, selon-lui, par le bon sens paysan. "Je mets du phytosanitaire sur les 14 hectares de céréales et un petit peu de désherbages sur le maïs, de manière très sélective, si besoin, mais pas plus", explique encore l'éleveur.
Respect de 4 indicateurs
Pour obtenir cette certification valable trois ans, les agriculteurs doivent s'engager à respecter quatre indicateurs : biodiversité, stratégie phytosanitaire, gestion de la fertilisation, gestion de l’irrigation. Chaque indicateur est passé au crible lors d'un audit assuré par des organismes certificateurs reconnus par le ministère de l'Agriculture (les chambres en font partie). Des notes sont données pour valider chaque critère. Problème selon les associations : le recours aux intrants chimiques n'est pas exclu.
Un agriculteur ayant récemment suivi la formation pour passer la certification HVE confie ses doutes sous couvert d'anonymat. "On nous dit de faire les ajustements pour rentrer dans les cases et obtenir la bonne note. Ça ne fait pas très sérieux. À mon sens, je ne vois pas ce que ça apporte, c'est beaucoup moins restrictif qu'un label type bio".
Des subventions et une image
À la chambre d'agriculture, ces démarches sont pourtant valorisées. La labellisation permet d'obtenir plus de subventions européennes (PAC) et de mieux commercialiser en vente directe.
"J'ai plusieurs agriculteurs qui m'ont dit : la certification Bio ne me va pas, au niveau de mon système, ce n'est pas possible, mais j'ai envie que mes clients, les consommateurs, sachent que j'ai des bonnes pratiques. La certification HVE permet de pouvoir mettre en avant ces pratiques" explique Anne-Claire Jamet, technicienne à la chambre d'agriculture de Corrèze.
Un label pour informer le consommateur. Pourtant, pour Laurent Teyssendier, représentant Agro bio 19, fervent défenseur du bio, cette appellation induit en erreur.
Une tromperie ?
"On sait que les consommateurs se basent beaucoup sur les labels et qu'il y a de plus en plus de labels écologiques. C'est le seul élément de confiance qu'ils ont. Mais si on les trompe, il y a une rupture de confiance. Cela aura des conséquences sur l'ensemble des labels".
Même son de cloche chez Interbio Nouvelle Aquitaine qui dénonce une tromperie du consommateur : "Cette concurrence et la communication vraiment très forte qui est là depuis deux trois ans maintenant sur ces pseudos labels nous inquiète (HVE, Zéro pesticide). Ils prônent des efficiences environnementales qui sont bien loin des critères de contrôle de la Bio et qui créent la confusion au niveau du consommateur. Ce sont des démarches de progrès, mais elles font penser au consommateur qu'acheter HVE, c'est mieux que Bio. Or, dans la réalité des choses, le seul label environnemental contrôlé et global qui garantit une sécurité alimentaire, c'est le label Bio", s'agace Philippe Leymat, président d'Interbio Nouvelle Aquitaine.
Le ministère indique que l'exigence pour obtenir le label a été augmentée récemment et incite à voir le verre à moitié plein. Le label HVE pousse les agriculteurs vers de meilleures pratiques.
Le 23 janvier dernier, un collectif d'associations attaquait l'insuffisance de cette certification devant le Conseil d'État qui doit maintenant décider si ce label mérite son nom.