Pour défendre l'accès aux soins dans les campagnes, les "médecins solidaires" acceptent de venir travailler pendant une semaine, de temps en temps, dans les déserts médicaux. Le concept est né en Creuse. Il se développe avec un cinquième centre à Arnac-la-Poste en Haute-Vienne. Est-ce une solution à pérénniser ?
À Arnac-la-Poste, commune d'un petit millier d'âmes au nord de la Haute-Vienne, le dernier médecin généraliste est parti à la retraite il y a 9 ans. Alors, l'ouverture début octobre d'un centre médical solidaire a été pour beaucoup un vrai soulagement. Il s'agit d'une structure où se succèdent, chaque semaine, des médecins qui acceptent de travailler dans une zone rurale sous-dotée en accès aux soins.
"Mon médecin est en Creuse mais un peu plus loin. Et pour des raisons de santé, il ne peut plus exercer. Donc je viens ici, c'est pratique, confie Aloïs Schmitt qui habite la ville située en lisière de la Creuse. Sinon, j'étais obligé d'appeler un médecin de garde qui serait venu de beaucoup plus loin."
Pour le lancement du centre, deux médecins pionniers du dispositif sont exceptionnellement mobilisés. Il s'agit de deux remplaçants de Limoges et Aix-en-Provence, convaincus par le concept des médecins solidaires.
"L'idée était assez géniale d'être dans un projet collectif, humaniste, qui a un impact fort, sourit Paul-Henri Lambert, le docteur limougeaud. Aujourd'hui, on a un impact sur l'accès aux soins, à hauteur de nos cinq centres."
À Ajain, les patients plutôt convaincus
Le tout premier centre a ouvert il y a deux ans à Ajain en Creuse, près de Guéret, et 1 250 patients l'ont déclaré comme médecin traitant. Les demandes sont tellement importantes que, depuis septembre, deux médecins sont présents chaque semaine. Ces professionnels sont à chaque fois différents.
"On a jamais vu le même mais ça se passe très bien. Les dossiers sont très bien suivis, ça se passe aussi bien, même mieux que lorsqu'on voit le même docteur," avoue Jean-François, un Ajainois venu consulter avec sa compagne.
Le praticien qui les ausculte confirme que le changement de personnel ne nuit pas, selon lui, à la qualité des soins. "Ça permet d'être encore plus vigilant, d'être à chaque fois le médecin qui porte un premier oeil sur le patient." témoigne le Docteur Jean-Luc Bugeaud, médecin généraliste à la retraite.
Et donc avoir un oeil nouveau, pouvoir repérer un truc qui n'a pas été repéré par un collègue précédent.
Dr Jean-Luc Bugeaud
Un réseau en développement
Les médecins solidaires sont-ils la solution aux déserts médicaux ? Sans doute trop tôt pour l'affirmer, puisque le réseau est en plein développement. Aux cinq centres existants, deux autres vont bientôt s'ajouter (voir carte ci-dessous). Puis, d'ici fin 2026, pas moins de 14 nouveaux centres devraient voir le jour.
Martial Jardel, le cofondateur du réseau, est plutôt optimiste. "Je pense que c'est faisable et soutenable dans le temps, confie le médecin généraliste installé au Dorat (Haute-Vienne). On a, en un an et demi, réussi à recruter 150 médecins. 100% d'entre eux manifestent l'envie de revenir. Ça veut dire que notre proposition est juste et équilibrée, et qu'il n'y a aucune raison pour en recruter 2 000."
De passage en Creuse le 30 septembre, la nouvelle ministre de la Santé, qui découvrait l'initiative, l'a encouragée. "On ne peut pas laisser des populations sans solution, notamment des populations âgées. Donc je veux saluer cette initiative et nous les aiderons à essaimer dans d'autres départements", assurait Geneviève Darrieussecq, la toute nouvelle ministre.
L'agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine s’est engagée à financer l’ouverture de sept centres supplémentaires dans la région d'ici fin 2026, hors Limousin.