Rentrée scolaire. "Je pars assez optimiste" : retour à l'école Jacques Prévert de Guéret, après des mois de manifestations

Après une année passée mouvementée en raison de la carte scolaire, l'école Jacques Prévert de Guéret, en Creuse, a rouvert ses portes ce lundi 4 septembre 2023. Située dans le quartier de l'Albatros, cette école bénéficie de moyens supplémentaires. Mais sont-ils suffisants ? On fait le point.

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On s'en rappelle, la fin de l’année scolaire 2022-2023 a été houleuse en Creuse, avec la carte scolaire qui a suscité de vives réactions chez les parents, enseignants et élus, car elle projetait la suppression de dix-neuf classes en Creuse. La mobilisation avait été forte : au final, dans le département, sept classes ont été supprimées.

Une rentrée avec une classe en moins pour Jacques Prévert

Sur la carte scolaire initiale, une classe de maternelle et une classe de l’élémentaire devaient être supprimées à l’école Jacques Prévert de Guéret. Finalement, en cette rentrée 2023, seule la suppression de la classe de l’élémentaire a été retenue. L’enseignante de cette classe a été nommée sur un autre poste. Ce 4 septembre, 148 élèves ont fait leur rentrée à l’école élémentaire, répartis en huit classes au lieu de neuf. 

Cette suppression de classe, on ne l’a pas bien vécue du tout. On s’est pas mal mobilisés avec les parents d’élèves. C’est une rentrée avec huit classes au lieu de neuf, oui, mais il faut aller de l’avant.

Isabelle Piquet, directrice de l’école

à France 3 Limousin

Des problématiques partagées par les parents d'élèves. Mylène Laudinet est maman de deux enfants à l’école maternelle et d'un enfant à l’école élémentaire : "la fin d’année dernière a été un peu compliquée. Avec la suppression de la classe en élémentaire, ma fille s’est posée pas mal de questions, de savoir combien ils allaient être par classe, comment ça allait se dérouler… Il y aura forcément du changement. Même pour nous les parents, ça a été un coup de stress. On ne peut pas s’empêcher de se demander comment ça va se passer pour la prochaine carte scolaire. C’est une menace qui plane au-dessus de nos têtes. Déjà que les enfants sont nombreux, si on continue à supprimer et qu’ils sont 35 ou 40 par classe, l’enseignement ne sera pas le même…"

La directrice souhaite revenir sur les chiffres : "148 élèves pour huit classes, si on regarde en termes de nombre, ça peut paraître très confortable. Sauf qu’on est dans une école politique de la ville, avec des difficultés scolaires assez importantes. Avoir une classe de 18, ici à Jacques Prévert, peut être plus compliqué qu’ailleurs. Il y a le nombre, mais aussi et surtout le profil des élèves qu’on accueille qui change la donne."

Une école avec des besoins spécifiques

Cette école est en effet située dans un quartier prioritaire qui entre dans le cadre de la compétence "politique de la ville". Elle bénéficie de moyens supplémentaires par rapport à d'autres établissements. L'établissement accueille une trentaine de nationalités différentes, certains enfants ne parlent pas le français, ou sont très en retard sur leur scolarité. Une prise en charge spécifique est donc nécessaire.

Véronique Godard est enseignante en CE2 à l'école élémentaire et démarre l'année avec détermination :

J’ai envie de tourner la page par rapport à l’année dernière, certes houleuse. Pour cette année, je pars assez optimiste. Pleins de projets vont encore être menés dans cette école où tout le monde est très investi.

Véronique Godard, enseignante en CE2 à l'école élémentaire

à France 3 Limousin

L'enseignante poursuit : "dans le groupe scolaire Jacques Prévert, il y a beaucoup de difficultés. J’ai une classe cette année de 18 élèves, voire 19 avec un élève accompagné d’une AESH, d’un ou deux élèves allophones. On essaie de faire au mieux avec les moyens que l’on a. On fait beaucoup de différenciation pédagogique. S’il faut à nouveau se battre, on se battra, on essaiera de se mobiliser… Ce qui est inquiétant, c’est le manque d’enseignants remplaçants… Je n’ai pas envie de baisser les bras. On fait ce métier pour des raisons bien précises, donc quand il faut se battre, on se bat, mais c’est sûr que c’est de moins en moins évident."

Bruno Charles, inspecteur de l’éducation nationale sur la circonscription de Guéret 2, en visite à l’école ce matin fait le point sur les effectifs : "avec la fermeture, le taux moyen d’élèves par classe est inférieur à 20, ce qui est relativement raisonnable, mais qui reste parfois compliqué au regard des différentes difficultés. On a mis en place dans l’école un poste "plus de maîtres que de classes" : c’est un enseignant mis à disposition pour fonctionner en plus de tous les autres enseignants. Il peut intervenir au sein de la classe pour prendre en charge des élèves aux besoins particuliers, des groupes de différentes classes... Ce n’est pas une classe de plus, mais un outil avec une grande souplesse. Il y a aussi d’autres aides dont une "UPE2A" avec un enseignant professeur des écoles qui accueille des élèves allophones pour leur permettre d’accéder plus facilement et rapidement à la langue française et d’intégrer un cursus de la façon la plus sereine et fluide possible, souvent pour des élèves qui n’ont pas été scolarisés dans leur pays d’origine.

L'inspecteur précise que le dispositif de réunions publiques de territoires, mis en place l'an dernier, sera reconduit avec un premier rendez-vous en octobre ou novembre. 

Mais pour Marie-Françoise Fournier, maire de Guéret, ces moyens supplémentaires ne sont pas suffisants : "On a eu trois fermetures de classe à Guéret. Il y a eu un moyen supplémentaire donné à l’école Jacques Prévert, l’école politique de la ville, qui va un tout petit peu amoindrir le choc, mais on sait bien qu’un moyen supplémentaire n’est pas pérenne, contrairement à une fermeture de classe qui souvent est bien difficile à rouvrir. C’est une école très particulière avec 28 à 29 nationalités différentes, des enfants qui ne parlent pas français, qui viennent parfois de territoires ou de pays où le niveau scolaire est très bas, donc ont beaucoup de choses à rattraper. Quand on est sur des quotas, c’est très déshumanisant. On ne peut guère économiser des moyens sur des publics de ce type-là, des enfants en grandes difficultés. C’est bien d’avoir ajouté un enseignant, mais on a supprimé une classe en contrepartie. On a mis un pansement qui aidera peut-être à passer l’année dans de moins mauvaises conditions que si les deux classes avaient été fermées… Mais il faut des moyens tout à fait particuliers sur une école comme celle-ci."

La question du remplacement des professeurs en toile de fond

Derrière la problématique de cette école, celle du manque de professeur pour la maire de Guéret : "Les moyens supplémentaires qu’on nous a alloués, on nous a déjà dit que c’était au détriment des remplaçants. C’est un choix qu’on ne devrait pas faire. Le staff de remplaçants n’est déjà pas élevé, mais dès que les épidémies d’hiver vont arriver, il sera réduit de moitié et on n'en aura pas assez."  L'élue explique vouloir tenir un compte précis des absences de professeurs et imagine de saisir la justice si la situation devient trop tendue dans le département  : "c’est une atteinte à l’obligation d’éducation des enfants, au droit des enfants à avoir un enseignant devant eux tout le temps de l’année scolaire, donc si le nombre de remplaçants n’est pas suffisant et que des enfants se trouvent sans école, on se garde le droit de pouvoir attaquer l’État".

Pour Bruno Charles, l’évolution de la carte scolaire de l’an dernier fait qu’"on sera cette année dans une situation identique à celle de l’an dernier. Le remplacement va dépendre de ce qui va survenir, mais ne sera pas meilleur que l’an dernier. L’an dernier, nous devions supprimer cinq postes sur le département pour augmenter des postes par ailleurs. Cette année, je ne sais pas du tout pour l’instant quelle sera l’attribution de moyens par le ministère." 

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