"Agriculture, environnement et biodiversité sont compatibles". Des chercheurs prouvent qu'il est possible de réduire les pesticides sans perdre d'argent

Dans la plaine atelier du Val de Sèvre, dans les Deux-Sèvres, des chercheurs travaillent avec des agriculteurs pour évaluer l'impact d'une baisse des pesticides et engrais sur la productivité de leurs champs et sur leurs revenus. Leurs recherches sont concluantes.

Comment produire suffisamment en préservant la nature ?

Dans la vaste plaine céréalière, les champs de blé et de colza s'étendent à perte de vue, sur un territoire de 450 kilomètres carrés. Depuis 2013, des chercheurs du CNRS et de l’INRAE en ont fait un laboratoire à ciel ouvert. En travaillant avec des cultivateurs, ils prouvent scientifiquement les bienfaits écologiques certes, mais aussi économiques d’une agriculture plus durable.

"Notre objectif du point de vue agricole, c'est de maintenir une diversité parce que chaque type d'agriculture a ses avantages et inconvénients," assure Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS. "Par contre, on le fait dans l'idée de réduire l'utilisation de produits phyto et pesticides, parce que ça, c'est contraire à l'existence de biodiversité. Il y a maintenant des centaines, des milliers d'études sur la planète qui démontrent que l'utilisation massive de pesticides entraîne le déclin de la biodiversité et sans biodiversité, il n'y a pas d'agriculture."

En plus de dix ans, les scientifiques ont accompagné des dizaines d'agriculteurs, volontaires pour tester la réduction des pesticides et engrais. Sur de petites surfaces, ils diminuent de 30 à 50 % l'utilisation de ces produits afin d'évaluer l'impact sur les rendements, mais aussi sur la biodiversité, végétale ou animale.

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Depuis 10 ans, le Centre d'études biologiques de Chizé travaille avec les agriculteurs de cette plaine céréalière des Deux-Sèvres pour évaluer les conséquences d'une baisse des pesticides et engrais sur les rendements agricoles. En diminuant de 30 à 50% l'usage de ces produits, la productivité est peu impactées, et les revenus des cultivateurs augmentent. ©France télévisions

Alain Saboureau a participé à l’expérience, et il bénéficie toujours des conseils du laboratoire. Il y a cinq ans, il s’est converti en Bio. Pour garantir ses revenus, il a changé de matériel pour travailler ses sols, et il transforme une partie de ses récoltes. Alain est surtout passé de trois à quinze variétés de céréales cultivées, comme du blé ancien, du sorgho, du petit épeautre ou du sarrasin.

"Nos connaissances, c'est de mettre en place des cultures, les travailler, et d'avoir des résultats économiques", explique l'agriculteur. "Donc on a besoin de l'aide des laboratoires pour pouvoir compléter notre technique culturale parce qu'il y a la partie mécanique, mais aussi la partie génétique, toutes ces choses qui sont importantes pour comprendre les herbes, comment elles poussent, comment lutter contre elles, et surtout le plus économiquement possible."

Des habitudes culturales difficiles à modifier

Sans aller jusqu’à la suppression totale des intrants agricoles, leur réduction fait ses preuves. Depuis le début des expériences, quelles que soient les conditions climatiques, les constats des scientifiques restent les mêmes. "Lorsque l'agriculteur diminue de 30 à 50 % l'apport d'azote et de pesticides, on observe une réduction moindre de rendement, et des gains économiques associés qui peuvent être estimés entre 80 et 100 euros à l'hectare", affirme Sabrina Gaba, chercheuse à l'INRAE.

De fait, en économisant sur les produits chimiques, les agriculteurs compensent largement les faibles pertes de rendement. Le tableau semble idéal, mais peu d'agriculteurs sautent vraiment le pas. Cette expérimentation n'a pas vocation à opérer une vaste transition vers l'agriculture biologique, l'objectif est avant tout scientifique.

Des centaines, des milliers d'études sur la planète démontrent que l'utilisation massive de pesticides entraîne le déclin de la biodiversité et sans biodiversité, il n'y a pas d'agriculture.

Vincent Bretagnolle

Chercheur au CNRS

Sur ses 250 hectares de cultures céréalières et d'élevage, Emmanuel Villaneau a réduit sa consommation de 15 à 20 %, mais il est difficile pour lui d’aller plus loin. En agriculture conventionnelle, l'usage de pesticides et d'engrais est très ancré dans les pratiques, et dans le modèle économique des exploitations. "Je n'ai pas le courage de faire ça", concède-t-il. "J'ai peur de me planter et il faut quand même que je dégage un revenu pour vivre et pour rembourser tout ce que j'ai à rembourser."

Face à la colère des agriculteurs en janvier dernier, la France a assoupli son plan Ecophyto de réduction des pesticides, en modifiant ses critères d'évaluation. Au niveau européen, les conditions environnementales pour toucher les aides de la PAC ont été fortement affaiblies. Par exemple, les 4 % de terres arables en jachère ou espace naturel ne sont plus obligatoires.

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Pour Vincent Bretagnolle, il s'agit d'un contresens historique. "Non seulement agriculture, environnement et biodiversité, c'est tout à fait compatible, mais en plus la production agricole, la qualité de vie et le bien-être augmentent avec plus de nature dans leurs parcelles et leur paysage", soutient-il, dépité de ces dernières annonces gouvernementales et européennes. "C'est totalement à contre-courant, je suis certain que d'ici à quelques années, on reviendra sur ces mesures et on aura juste perdu du temps alors qu'on n'a pas beaucoup de temps devant nous."

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