Quelques mois après la crise agricole, des agriculteurs bio se retrouvent en difficulté financière à cause du retard de virement des aides de la PAC (Politique agricole commune). Dans les Deux-Sèvres, un couple en conversion vers l'agriculture biologique attend le versement d'une aide de 20 000 euros.
Les pieds dans son champ de pois chiches, Solène Berton, jeune agricultrice bio, se sent bien seule. Pourtant, il y a plus d’un an, c’était avec joie qu’elle s’engageait dans l’agriculture biologique avec son compagnon, Etienne Choisy. Ensemble, ils ont repris la ferme des parents de Solène, qui était en conventionnelle. “On rend réellement des services à la société en étant en agriculture biologique”, explique-t-elle. Mais à cette date, elle n’a toujours pas reçu les aides à la conversion en agriculture biologique de la PAC (Politique agricole commune). Un manque à gagner de plus de 20 000 euros pour une superficie de 160 hectares.
Jusqu'à présent, le couple a vécu grâce aux ventes de leurs récoltes de l'année dernière. “On est complètement invisibilisé. Il y a de la colère, des craintes et surtout une forme de lassitude qui s’installe et de désillusion. On passe les derniers, alors que ces aides, c'est une goutte d'eau dans la PAC.”
Il y a de la colère, des craintes et surtout une forme de lassitude qui s’installe et de désillusion
Solène Bertonexploitante agricole
En 2023, les aides de la PAC aux exploitants français en bio s'élevaient à 340 millions d’euros sur un budget total de 9 milliards d'euros à l'agriculture française. La Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) demande 250 millions d'euros supplémentaires pour espérer combler les pertes de la filière.
Ce retard de paiement peut être dû à des causes multiples : problèmes de logiciel, manque d'anticipation budgétaire, surcharge de travail des agents des services de l'État... La Confédération Paysanne précise, dans un communiqué, que “ce n'est pas aux paysan·nes de subir les conséquences de cette gestion défaillante de la PAC”.
Depuis un an, on attend notre aide
Pour le couple, passer à l’agriculture biologique a demandé un certain investissement. “On a cherché à rééquilibrer les cultures d’hiver et de printemps. On a sept cultures de printemps différentes quand l’an dernier, on en avait deux”, détaille Etienne Choisy. Or, le retard de paiement des aides freine les projets des deux exploitants.
“Aujourd’hui, comment est-on soutenu en tant que jeune agriculteur en conversion ? On construit notre prévisionnel économique en fonction des aides. Depuis un an, on attend notre aide à la conversion. Les taux bancaires ne sont plus les mêmes. On a des frais de dossier des banques à prendre en compte”, s’inquiète Solène Berton.
Cette appréhension, Guy Moreau, président de la Fédération régionale de l'agriculture biologique, la connaît bien. “On a mené des enquêtes auprès de nos adhérents et environ 70 % répondent que leur exploitation est en difficulté. Ça leur sape le moral. Je pense qu’ils ne vont pas tenir longtemps. C’est un scandale et la colère monte.”
L’agriculture biologique représente 10,7 % de la surface agricole utile en France. Le gouvernement espérait passer à 18 % d’ici à 2027.
Reportage de Clément Massé, Guillaume Fautrat. Montage : Martine Sitaud.