"Mais je mange quoi entre aujourd’hui et le 5 décembre ?" : aux Restos du Cœur, moins de bénéficiaires et moins de repas

Cette année 2023 marque la 39ᵉ campagne d'hiver des Restos du Cœur. Mais l'association, endettée, a dû se résoudre à réduire le nombre de bénéficiaires et de repas distribués. Un crève-cœur pour les bénévoles.

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"Franchement, à 1,27 euro le litre de lait, je n'ai plus droit", regrette Nathalie Poulalion. Cette année 2023, la donne change pour cette bénéficiaire des Restos du Cœur. Elle ne dispose plus que de sept points, contre neuf l'an passé, pour collecter des aliments au centre de Niort de l'association. "C'est toujours mieux que rien", estime-t-elle, en se déplaçant entre les différentes étagères. Cette baisse du barème se voit tout de suite dans son caddie de denrées alimentaires : au rayon fruits et légumes, après avoir reçu quelques pommes de terre, il ne lui reste plus beaucoup de choix.

Une décision difficile, mais indispensable selon l'association

Pour la 39ᵉ campagne d'hiver, qui a débuté le 21 novembre 2023, l'association a dû se résoudre à réduire le nombre de bénéficiaires et donc le nombre de repas distribués. Au niveau national, les Restos du Cœur ont servi 30 millions de repas supplémentaires et accueillis 200 000 personnes supplémentaires.

À cause de l'inflation et de la guerre en Ukraine, les Restos du Cœur ont dépensé 35 millions d'euros supplémentaires en 2022 pour acheter des denrées alimentaires. Les conditions d'inscription ont par conséquent été modifiées et moins de personnes pourront bénéficier de dons de repas.

La décision a été très difficile à prendre pour l'association, comme l'explique Marie-Claude Moueix, responsable départementale adjointe et chargée de la formation des bénévoles : "Les personnes accueillies l’année dernière pour la campagne d’hiver ne seront pas accueillies cette année pour l’aide alimentaire. On va laisser sur le côté un certain nombre de personnes.

Le nombre de bénéficiaires va baisser de 15 à 20%.

Marie-Claude Moueix

Responsable départementale adjointe pour les Deux-Sèvres

Les conséquences sont dramatiques pour certains anciens bénéficiaires, dont la réinscription est désormais refusée. Assise sur un banc devant le centre niortais, Katia Mignot, sans emploi à cause de problèmes de santé, s'est vu refuser un colis alimentaire. "On n’a plus le droit de manger en fait. On m'a dit de revenir le 5 décembre. Mais je mange quoi entre aujourd’hui et le 5 décembre ?", s'indigne-t-elle.

À lire aussi : "On a dû appliquer un barème plus restrictif" : les Restos du Cœur ont commencé à refuser des familles

30 % de bénéficiaires supplémentaires en 2022

Face au désarroi de Katia Mignot, Annie-Laurence Fourel, présidente des Restos du Cœur des Deux-Sèvres, décide à titre exceptionnel de lui faire préparer un colis alimentaire d'urgence. Une solution uniquement temporaire. "Sans restriction, en ce moment, dans même pas trois ans, les Restos n’existent plus", martèle-t-elle. "C’est injuste de refuser des personnes, mais on ne peut pas faire autrement pour durer."

On ne pouvait plus continuer comme ça, sinon on fermait la porte.

Annie-Laurence Fourel

Présidente des Restos du Cœur des Deux-Sèvres

L'association doit refuser des bénéficiaires, mais également réduire le nombre de repas, qui passe de six repas à deux par semaine. Josiane Cailbaut s'est inscrite il y a deux mois. C'est la première fois que la retraitée se rend aux Restos du Cœur. Elle appelle "les gens qui peuvent le faire à donner" mais semble résignée : "Je touche une petite retraite, dix fois rien, je suis contente de venir ici pour avoir de la fraîcheur, de la gentillesse. On mangera moins, un repas le midi et un yaourt le soir."

"Il ne faut pas se plaindre, c’est gratuit. On se contente de ce qu’on a. Mais c’est vrai que c’est mieux quand c’est plus garni", sourit Nathalie Poulalion. "Je ne me plains pas, c’est un plaisir de venir ici à chaque fois."

Au moment de choisir dans les rayons, Nathalie Poulalion hésite entre "pâte feuilletée ou brisée, je suis Madame Gâteau." Elle suit le bénévole Pascal Thin, qui avoue avoir "mal au Cœur. On a l’impression de toujours dire non, c’est dommage. Mais on ne peut pas faire autrement, on fait avec ce qu’on a. On a l’impression de moins distribuer, de moins faire plaisir."

Marie-Claude Moueix, responsable départementale adjointe et chargée de la formation des bénévoles, tient à rappeler que "l'accueil gratuit reste inconditionnel autour d’un coin-café, du vestiaire. Donner des vêtements peut permettre de dégager de l’argent pour acheter des aliments." Elle appelle également les autres associations d'entraide à prendre en charge les personnes refusées aux Restos du Cœur, pour leur apporter malgré tout un complément d'aide alimentaire.

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