Près de 330 000 volailles euthanasiées, une cinquantaine de foyers détectés et plus de 450 communes impactées : la Dordogne a payé un lourd tribut à l'épidémie d'influenza aviaire qui a traversé la France cet hiver. S'il peut se faire, le retour à la normale sera très long, les élevages de canetons ayant aussi été décimés.
Il y a eu en France 16 Millions de volailles euthanasiées. En Dordogne, où l'épizootie a débuté en avril, 45 foyers ont été détectés et plus de 450 communes impactées. Après trois mois de "point mort", alors que la situation semble stabilisée durablement et que les interdictions ont été levées, les dizaines d'élevages locaux commencent à se repeupler.
Canetons au compte-gouttes
À Granges d'Ans, au Domaine de Loqueyssie Denis et Valérie Dumaure s'estiment relativement privilégiés. Dans leur exploitation, ils élèvent, transforment et commercialisent eux-mêmes leurs canards. Sur le millier de palmipèdes qu'ils élèvent d'ordinaire, ils ont réussi à en obtenir plus de la moitié. 280 canetons arrivés il y a trois semaines, 280 autres arrivés hier. De quoi assurer une partie de leur activité pour les fêtes de fin d'année.
Mulards et Barbaries
Et si ils ont pu remplir à moitié leurs parcs, c'est en partie parce que contrairement à leurs collègues ils n'élèvent pas des canards mulards, le "canard gras" traditionnel en Périgord (et 90% de la production nationale), mais des canards de barbarie, moins courants. Et leur fournisseur en canetons basé dans l'Ain n'a pas subi la grippe aviaire.
On est contents ! On est contents et en même temps on a bien conscience qu'on est privilégiés, que nous on a pu avoir nos premiers lots ce canards, c'est pas le cas pour tous nos collègues !
Valérie, Dumaure éleveuse à Granges-d'Ans
Les couvoirs et les reproducteurs touchés
Les autres élevages du département n'ont pas tous cette chance. Pour la plupart ils se disputent les quelques canetons mulards disponibles. Cette année l'épidémie ayant largement dépassé les seuls élevages de canard à foie gras du Sud Ouest, elle a atteint la Vendée et les Pays de la Loire et affecté les couvoirs et les élevages de reproducteurs eux-mêmes.
Développer l'autonomie
La crise a souligné une fragilité dans la filière périgourdine qui fournit habituellement 3 Millions de canard par an : sa dépendance à la production extérieure, et la nécessité d'un transfert d'animaux entre départements toujours risqué en cas de pandémie. Le 14 avril dernier, en annonçant son plan de sauvegarde et de relance de la filière, le Département a priorisé l'autonomie territoriale en production d'oisons et de canetons et la création d'un atelier d'abattage et de découpe en Sarladais.
Les principaux accouveurs en France ont été décimés à 50 ou 80 %. Une cane pour qu'elle ponde, il faut 7 mois, après il faut trois mois et demi pour faire un canard, je vous laisse faire le calcul. C'est pas un morceau de ferraille qu'on fabrique, c'est quand même du vivant.
Éric Sourbé, éleveur, vice-pdt Chambre d'Agriculture de Dordogne
Un avenir incertain
Du côté de la Chambre d'Agriculture, Éric Sourbé Vice-Président et lui-même même gaveur et transformateur au Lardin-Saint-Lazare est dans l'incertitude. Les perspectives d'un retour à la normale semblent très lointaines. Il faut 7 mois pour obtenir une canne reproductrice, trois mois 1/2 de plus pour que son caneton soit commercialisable, et encore deux semaines supplémentaires si l'on veut produire du foie gras. Une année au bas mot.
Pas de retour à la normale en 2022
Conséquence, même si l'on obtient des canetons, il n'y aura pas de canards à la vente avant le premier semestre 2023 au mieux, et plus probablement pas avant le deuxième. Du moins pour les producteurs qui auront tenu jusque là. Car un autre problème se pose, celui de la trésorerie.
Des aides "en cours de déploiement"
Si les aides gouvernementales pour la perte d'activité ont généralement été rapidement versées en compensation des animaux qu'il a fallu euthanasier, les dossiers des aides destinées à compenser la perte de Chiffre d'Affaire tardent encore à venir. Lors des questions au Gouvernement hier mardi 26 juillet, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a indiqué qu'un dédommagement de 459 Millions d'€uros avait déjà commencé à être distribué et était en cours de répartition pour la filière volaille.