Maternité de Sarlat fermée pour deux semaines : les futures mamans priées d'aller accoucher à plus d'une heure de route

Après les urgences, c'est la maternité de Sarlat qui baisse rideau, faute de médecins. Une vingtaine de futures mamans devront aller accoucher à Brive, Cahors, Périgueux ou Bergerac, à une heure ou une heure 1/2 de route.

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Début avril, aucun bébé ne naîtra à Sarlat. Ce mercredi 30 mars, la maternité Jean Leclaire baisse rideau, faute de médecins. Deux des trois postes de gynécologue-obstétricien, pédiatre et anesthésiste nécessaires pour maintenir le service ne sont tenus que par des intérimaires qui font défaut au moins pour les 15 jours à venir. D'une capacité de 15 lits, la maternité Jean Leclaire assure normalement 220 accouchements par an.

La fermeture de services n'est plus rare dans la petite ville touristique, déjà confrontée à la fermeture erratique de ses urgences depuis des mois. La cause est la même, le manque de médecins. Une situation empirée par l'application de la loi Rist le 3 avril prochain, qui plafonne l'intérim médical et limite la souplesse qu'avaient les hôpitaux pour éviter les fermetures des unités en tension.

1h de route pour aller accoucher

Si la plupart des consultations sont maintenues à la maternité, l'accouchement n'est plus possible, a minima jusqu'à la mi-avril selon le directeur de l'ARS, et possiblement jusqu'à la fin du mois, si les intérimaires font toujours défaut. Dans ce cas, les 18 futures mamans qui devaient accoucher d'un petit sarladais en avril devront donc se diriger vers Périgueux (66km, 1h07), Bergerac (77km, 1h20), Cahors (64km, 1h16) ou Brive (55km, 1h).

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À Sarlat, les habitants craignent que l'on aille vers des accouchements provoqués suite à la fermeture de la maternité locale et au déplacement vers d'autres maternités des futures mamans ©France télévisions

Fermeture provisoire, vraiment ?

La crainte des défenseurs de la maternité, c'est aussi que la fermeture de Sarlat ne soit pas si provisoire qu'elle semble l'être. En gros, que la pénurie de médecins serve de prétexte à l'ARS pour fermer définitivement l'établissement. Hypothèse pas si farfelue, car elle irait dans le sens du rapport d'Yves Ville, chef de la maternité de Necker à Paris, qui préconise de fermer 111 petites maternités sur les 452 que compte la France

On sait depuis des années que la loi Rist va s'appliquer, et il y a un grand nombre d'intérimaires embauchés par l'hôpital. Et donc forcément, que si on impose des limites à leurs salaires, on allait avoir des refus et des départs. [...] Si c'est une question de manque de soignants, il faut laisser du temps pour trouver les personnes qui veulent bien venir aux nouvelles conditions, là, on comprend bien qu'il y a un délai. Maintenant si le prétexte est pris que, faute de soignants, on ferme et on transforme la maternité, là évidemment on refuse cette hypothèse.

Jean Sève, comité de défense de l'hôpital

L'ARS rassure sur l'avenir de la maternité

Benoît Elleboode, Directeur général de l’ARS Nouvelle-Aquitaine, se veut rassurant. Selon lui, la crise est purement conjoncturelle, liée au bras de fer entre la loi Rist appliquée par le ministère et les intérimaires qui la contestent. Et il dit avoir constaté ailleurs que ces derniers réintègrent peu à peu les plannings. Tout devrait rentrer dans l'ordre, peut-être lors de la deuxième quinzaine d'avril, espère-t-il. Dans tous les cas, il se porte garant de l'avenir de la maternité de Sarlat à long terme, un "besoin ayant été identifié" sur le secteur lié notamment à un phénomène de "rurbanisation" qui profite à la population des villes moyennes.

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Le directeur de l'ARS rassurant sur l'avenir de la maternité de Sarlat ©France télévisions

Loi Rist : intentions vertueuses, résultats désastreux

À partir du 3 avril prochain, la loi santé Rist encadre les rémunérations des médecins intérimaires à l'hôpital. L’article 33 de la loi Rist votée en 2021, n'avait jamais été appliquée à cause de la crise du Covid. Effets espérés : faire que les intérimaires pérennisent un emploi sur place au lieu de courir le cachet en intérim et lutter contre les excès du coût des médecins volants qui se dirigent naturellement vers les hôpitaux « les plus offrants » dans cette période de pénurie.

Depuis la crise sanitaire, il y a eu surenchère des hôpitaux pour s’arracher les quelques médecins prêts à effectuer ces intérims. En 2021, cette désorganisation du système aurait coûté 359 millions d’euros au ministère de la Santé.

Si la situation n'est pas encore critique dans les grands CHU, les petites structures aux ressources moindres risquent de se voir encore affaiblies par cette nouvelle loi. Car avec des salaires plafonnés, les médecins intérimaires iront simplement au plus proche de chez eux, dans les grandes agglomérations, ou dans les structures les moins en tension. Ils déserteront encore plus les petits hôpitaux périphériques comme celui de Sarlat ou de Cahors, qui sait déjà qu'il devra fermer des services. L'impact peut être considérable sur les secteurs les plus touchés, urgences, anesthésie, orthopédie.

Reporter la faute sur les intérimaires

Faute de regarder comment il en est lui-même arrivé là, le ministère préfère accuser les médecins intérimaires de profiter de la situation. S'attaquer aux conséquences les plus visibles plutôt qu'aux causes profondes. Il a donc prévu le plafonnement des 24h de garde à 1 390 euros bruts, alors que, dans des cas (rares et extrêmes), cette somme pouvait être jusqu’à 4 fois plus élevée. Désormais, un hôpital public qui versera aux médecins intérimaires des rémunérations supérieures à 1 390 euros bruts pour 24 h de travail ne sera plus remboursé par le comptable public. 

Un médecin payé moins cher qu’un garagiste ?

Pour ceux qui jugeraient ce tarif plafonné de 1390 euros déjà exorbitant, un petit calcul : 1 200 euros divisés par 24h, ça nous fait du 58 euros brut de l’heure. On parle là d'un professionnel qui a étudié au minimum 9 ans après le bac et qui va travailler loin de chez lui, 24 h d’affilée, dans des conditions souvent très tendues. En comparaison, une heure de main-d’œuvre de mécano dans un garage automobile coûte entre 65 et 135 euros.

Faute de solution, discussions et manifestation

Le ministère de la Santé, qui peut difficilement ignorer quel nouveau coup de boutoir cette loi va mettre aux petits hôpitaux publics, incite les Agences Régionales de Santé (ARS) à animer des concertations locales avec les préfets et les élus pour étudier quels palliatifs (sans jeu de mot) ils pourraient apporter au cas par cas. En attendant d'hypothétiques solutions, l'association du comité de défense de l’hôpital public et de la maternité de Sarlat appelle à un rassemblement ce jeudi 30 mars à 15h devant l'hôpital public pour le maintien de ce service public de proximité. Vu l'air du temps, on peut se demander si une manifestation est de nature à influencer le cours des choses.

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