Accouchement dans une petite maternité : un rapport remis à l'Académie de médecine, à prendre avec prudence

Un article du quotidien "aujourd'hui en France" révèle les recommandations du médecin gynécologue-obstétricien, le professeur Yves Ville, avec 14 autres spécialistes : faire accoucher les femmes uniquement dans les structures pratiquant plus de 1000 naissances par an, les petites n'assurant plus que le suivi pré et post-natal.

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Ce 1er mars, le quotidien "Aujourd'hui en France" se réfère à un "rapport choc" présenté par le professeur Yves Ville, qui dirige le service de gynécologie-obstétrique de l'Hôpital Necker - Paris à l'Académie de médecine de Paris.

Ce rapport, non public à ce jour, nous ne pouvons en lire que les grandes lignes dans l'article du quotidien. Il suggère que les femmes ne devraient plus accoucher dans les maternités qui assurent moins de 1 000 naissances par an, ce qui représente en France 111 établissements sur les 452 maternités.

En Limousin, sur les 7 structures hospitalières avec des services maternité, seuls l'Hôpital Mère-Enfant de Limoges, la Polyclinique de Limoges (1 100 naissances par an), et le centre hospitalier de Brive assurent plus de 1 000 naissances par an. Guéret, Tulle, Ussel et Saint-Junien sont en dessous. 

Pourquoi ce seuil de 1000 naissances ?

Selon le Pr Ville qui signe ce rapport avec 14 autres spécialistes, le manque de pratique conduirait à une perte de compétence, et donc de sécurité. Est aussi évoqué une équation déséquilibrée avec des établissements parfois menacés qui se retrouvent à devoir fermer quelques jours par semaine faute de personnel. "On y pratique moins d'accouchements, on perd en expérience, ce qui est dangereux. Pour continuer à tourner, ils font appel à des intérimaires. Cette organisation sous forme de rustines provisoires ne permet pas d'assurer la sécurité et la qualité des soins." 

En novembre 2021, à l'hôpital de Saint-Junien, le syndicat Force-Ouvrière dénonçait déjà ces périodes de fermeture, faute d'avoir des moyens pour fonctionner normalement : "le manque de médecin-obstétricien dans cet hôpital sévit depuis longtemps avec tout ce que cela veut dire de dégradation des conditions de travail et des prises en charge... et sans que l'ARS lève le petit doigt. Et aujourd'hui, on en est arrivé carrément à l'impossibilité totale d'accueillir les patientes, mettant en danger les futures mamans et les nouveaux nés !"

Devant ce constat, le médecin préconise dans ce rapport des regroupements avec des accouchements dans les établissements assurant déjà plus de 1 000 naissances par an. Les petites n'assurant plus que le suivi pré et post-natal.

Une proposition accueillie avec scepticisme par les professionnels que nous avons contactés, car la demande des femmes enceintes porte sur un suivi global sur un seul site afin que les cours de préparation à l'accouchement, le suivi prénatal, l'accouchement et le suivi post-natal soient assurés en un même lieu. Ce qui ne serait plus possible dans les recommandations du Pr Ville. Et accoucher à plus de 45 minutes de son domicile pose un vrai problème pour les futures mamans comme pour les organisations syndicales.

Pour les syndicats, assurer moins de 1 000 naissances par an ne veut pas dire pour autant que la sécurité n'est pas garantie. La Haute Autorité de Santé autorise la poursuite d'activités de petites maternités en accordant des agréments par catégorie. En 1998, la parution des décrets de Périnatalité a permis de définir trois types de maternités qui prennent en charge les grossesses selon le niveau de risque périnatal pour la patiente et le nouveau-né. L'objectif étant d'orienter les femmes enceintes vers les structures adaptées.

Depuis les années 70, les pouvoirs publics ont donc déjà pris des mesures pour encadrer la pratique des accouchements et réduire les risques, un cadre juridique définit qui s'est accompagné de restructurations et de la mise en place d'un travail de collaboration entre établissements. Exemple en Corrèze, où le service maternité d'Ussel travaille en étroite collaboration avec Tulle. Ussel, classé de niveau 1, gère les urgences et accueille les femmes dont la grossesse ne présente pas de problème particulier. Une proximité recherchée par les futures mamans.

Le travail en réseau, recommandé par le Pr Ville, existe ainsi déjà en Nouvelle-Aquitaine, où le réseau périnatal permet des transferts en cas de pathologies plus lourdes vers des hôpitaux comme Limoges.

Dans les départements comme la Corrèze, un maillage du territoire a également été mis en place. 

Un mauvais diagnostic pour les syndicats

Pour les syndicats que nous avons contactés, le raisonnement n'est pas le bon. Selon eux, il ne s'agit pas d'un problème de compétence et de sécurité, c’est la politique de ce gouvernement et des précédents qui conduirait au manque de moyens et d’effectifs. Comme la maternité de Saint-Junien qui avait dû fermer ponctuellement en 2021.

Emmanuelle Tschirhart, du syndicat CGT, souligne à quel point l'équipe de douze sages-femmes de la seule maternité pour le département de la Creuse à Guéret est impliquée et investie : "Les sages-femmes ne comptent pas leurs heures et ne ménagent pas leur énergie. Les compétences sont là. Mais nous devons faire avec les effectifs présents puisque les absences ne sont plus remplacées. Nous avons également trois médecins dont deux sont proches d'un départ en retraite, départs qui ne sont pas anticipés. Certes, nous avons des internes, mais pour de courtes durées, ce qui ne garantit pas le suivi attendu par les femmes".

Or, pour les syndicats hospitaliers, ce qui est en cause, c'est la politique de santé menée depuis des années. Une politique d'économies drastiques que le gouvernement continue à aggraver en maintenant les quotas et le numerus clausus de soignants, en continuant de fermer des services et des lits. Une politique qui encadre, selon eux, drastiquement l'hôpital public, créant, de fait, une concurrence déloyale au service public par rapport aux cliniques privées. En exemple, la loi Rist qui vise à contrôler les rémunérations des médecins intérimaires à l'hôpital public. Ils s'adressent donc au privé, qui n'est pas soumis à cette réglementation.

Autre problème dans ce rapport : l'idée de transférer par ambulance les mamans et leurs bébés, après les accouchements, dans les petites maternités qui auraient en charge la prise en charge post-natale. La question du coût est posée pour tous ces transferts.

Un rapport à prendre avec prudence

Ce rapport est en cours de vote ce jeudi 2 mars et sera signé et publié dans les jours qui suivront. Relayé par le quotidien Aujourd'hui en France après la séance plénière de présentation - audience publique -  il n'est pas évoqué dans quel contexte il est publié, ni par qui il a été commandé et dans quel objectif. 

Le Pr Ville, qui en est à l'origine, avait appelé à voter Emmanuel Macron lors de la dernière élection présidentielle. Ce rapport pourrait n'être qu’un ballon d’essai pour tester les réactions à une telle mesure.

Afin d'y voir plus clair, nous avons pris contact avec les services de l’ARS, l’Agence Régionale de Santé, mais ils nous ont fait savoir qu'ils ne s’exprimeront que dans les jours à venir. 

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