Deux suicides d'agriculteurs par jour : c'est la deuxième cause de mortalité dans la profession, après le cancer. Et c'est 20 à 30 % de plus que la moyenne de la population... Le phénomène n'est pas nouveau, mais il s'est aggravé ces dernières années

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Ce week-end, Péri'Meuh ouvre ses portes à Périgueux. La "fête agricole", une vitrine bucolique. L'image d'Épinal d'une campagne souriante offerte aux urbains en manque de nature. Mais l'autre face de la paysannerie française n'est pas aussi légère.

Une triste réalité depuis 50 ans

Car être paysan, c'est prendre des risques, parfois perdre. Et pour ceux qui perdent, pas de solution, peu d'espoir. Depuis les années 1960 on sait que les agriculteurs se suicident davantage que les autres. C'est aujourd'hui la 2ème cause de décès dans la profession, après le cancer.

De 20 à 30% supérieure à la moyenne de la population. Une situation qui s'est aggravée récemment. Il y a trois ans, le nombre de passages à l'acte a triplé. Une étude de Santé publique France et la MSA en 2016 révélait que près de 300 agriculteurs s'étaient suicidés en 2010 et 2011. Des chiffres très probablement sous-estimés, le suicide n'étant pas toujours simple à distinguer de l'accident. Il est même parfois caché. Certains chiffres parlent de 730 morts pour la seule année 2016. Plus de deux par jour.

Situation intenable

C'est que depuis plusieurs années, l'agriculture française vit sous perfusion en équilibre précaire. Et chaque coup dur frappe plus fort encore que le précédent...

Il y a eu la PAC et ses quotas, la désertification rurale, la solitude et la difficulté des agriculteurs à trouver une épouse qui accepte leur vie, l'écart qui se creuse entre la ville et la campagne, l'absence de loisirs, les horaires interminables. Il y a eu la vache folle, la grippe aviaire, la chute des cours du lait, la concurrence de pays soumis à moins de normes et de coûts.

Et puis il y a le désamour des Français pour la viande, la méfiance pour les légumes, la tempérance pour le vin. Il y a maintenant "l'agribashing*", le dérèglement climatique, la sécheresse, les tempêtes, les gelées, les réglementations sur les pesticides... et la réglementation tout court, toujours plus contraignante.

Des éleveurs bovins, de 45 à 65 ans

Un état de doute perpétuel, des baisses de revenus successives, certains n'y survivent pas. Difficile de dresser un portrait-type des agriculteurs les plus exposés. Mais on sait que ce sont les éleveurs bovins et les producteurs laitiers les plus touchés, chez qui le taux de suicide est encore plus élevé. Un taux de surmortalité de 52% chez les hommes. On sait aussi que ce sont des hommes, 8 sur 10, qui passent à l'acte et qu'ils sont en grande partie âgés de 45 à 55 ans. Voire 65 ans. C'est aussi dans cette catégorie que l'on retrouve le plus d'agriculteurs endettés. 

Un numéro d'urgence


Il y a 5 ans, la Mutualité Sociale Agricole a mis en place Agri'-Écoute**. Un an plus tard, le numéro enregistrait 1 200 appels. Et l'année d'après plus de 2 750.
 

Les raisons du silence


Mardi dernier, la MSA de Dordogne a projeté en avant-première le film France Bleu "Au nom de la terre"qui traite du suicide chez les agriculteurs. Depuis le début de l'année, il y aurait eu 48 signalements dans ce département auprès d'Agri-Écoute, de la part des intéressés eux-mêmes ou de leurs proches. Largement au-dessous de la détresse réelle sur le terrain probablement. Car l'endettement, l'impossibilité à faire face est un sujet tabou, dans ce métier encore plus qu'ailleurs. Le paysan, souvent solitaire, parfois fier, l'est encore plus dans le désespoir. Et il tient à sa terre. L'idée de la quitter, de vendre un patrimoine familial souvent durement acquis lui est insupportable. 

* Agri-bashing : de l'anglais bashing - dénigrement, le dénigrement systématique de l'agriculture, notamment de l'agriculture conventionnelle face à l'urgence écologique
** Agri'écoute au 09 69 39 29 19. 24/h sur 24/ et 7j/7
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