En Dordogne, depuis la mise en place du nouveau système de paiement des déchets, des usagers mécontents déposent leurs poubelles à côté des containers sécurisés. Pour endiguer le problème, le Syndicat de gestion des déchets veut installer des caméras dotées d'intelligence artificielle.
Filmer les poubelles, c'est la nouvelle idée. "On a commandé les caméras, on va en mettre sur tous les secteurs dès le début d'année", assène Pascal Protano, le président du SMD3, le syndicat qui gère une grande partie des déchets de la Dordogne.
Il faut dire que depuis la mise en place de la redevance incitative le premier janvier 2023, qui surtaxe les déchets excédentaires et conduit à l'arrêt de la collecte à domicile au profit de points d'apport "volontaires", la pilule n'est toujours pas passée.
Conséquence, certains ne payent pas, d'autres payent mal, et un nombre étonnamment élevé d'administrés jusque-là assez civils se contentent de déposer leurs poubelles devant les containers, au lieu de passer leur badge électronique pour les déposer à l'intérieur. Dans la foulée, on retrouve n'importe quoi devant ces containers, certains étant même vandalisés.
"Ils se cacheront des caméras"
Pour certains, ces caméras peuvent permettre l'arrêt des incivilités. "Moi, je suis pour, clame cette habitante de Périgueux d'un certain âge, parce que nous, on a des bornes à côté de chez nous. Les gens arrivent avec leur voiture, ils déposent les sacs à côté, ils n'ont même pas l'amabilité de mettre les sacs dans le container.
Partout, c'est sale, c'est dégoûtant.
Une retraitée,Habitante de Périgueux
Mais que le SMD3 ne se réjouisse pas trop vite de ce vibrant civisme : ce coup de colère est rapidement nuancé par la critique de ce nouveau système de collecte des déchets."C'est trop cher ! Et puis on ne peut pas tout garder chez soi, en ville, pendant quinze jours et plus. Quand vous achetez du poisson, vous avez le papier, qu'est-ce que vous en faites ?", interroge la retraitée.
Il y a aussi ceux qui anticipent en prenant tout en compte. "Les bornes à déchets, elles ne marchent pas : sans caméra, les gens jettent leurs sacs n'importe où et avec, ils se cacheront des caméras, tout simplement." Formule frappée au coin du bon sens de ce passant sur le marché de Périgueux. "C'est pas parce qu'on va ajouter de la surveillance, qu'on va résoudre le problème. J'habite en face d'un point de collecte volontaire, c'est une déchetterie à ciel ouvert. C'est pas deux caméras qui vont résoudre, ou qui vont complexer les gens... Les points de collecte volontaire, ça ne fonctionne pas." , martèle ce Périgourdin.
En suivant cette logique, on peut effectivement craindre que certains se contenteront de jeter les poubelles à distance, hors du champ de la caméra, sur un trottoir, si ce n'est pas sur une route de campagne.
Chères caméras
Dans un contexte économique tendu pour les ménages, un autre argument s'oppose à l'installation de ces caméras. "C'est un budget en plus qui va être reporté sur nos factures. Je ne sais pas si ce sera au niveau des mairies ou de notre facture du SMD3, mais c'est surtout l'aspect financier qui me pose problème. Des factures qui augmentent, des taxes qui augmentent, pour un service qui ne devrait pas être aussi cher, s'indigne cette périgourdine. Je pense qu'on peut faire de la pédagogie autrement. Être en plus surveillé pour les incivilités des autres, c'est agaçant.
Sur le plan pratique, la vidéosurveillance permettrait d'identifier les auteurs des infractions, soit en relevant la plaque d'immatriculation des véhicules, soit en procédant à une reconnaissance faciale directement à partir de 60 caméras "dotées d'intelligence artificielle capables de détecter les mouvements anormaux style dépôt sauvage, détérioration, etc".
Toute infraction entraînant une verbalisation. "Il y a plusieurs tarifs, ça dépendra de l'infraction, continue le président du SMD3. Ça part de 135 euros et ça peut aller jusqu'à la confiscation du véhicule qui a servi dans certains cas, si c'est une dégradation". Lui espère que ce dispositif sera "dissuasif", en particulier pour ceux qui "déposent au pied des bornes des objets qui n'ont pas à y être, des matelas, des frigos" et ceux qui commettent des dégradations.
Des communes anticipent
Pour autant, un tel procédé demande du temps. "Il faut des autorisations, il faut trouver le bon matériel", explique Pascal Protano qui compte bien installer ses premières caméras début 2025. Une relative lenteur qui fait que certaines communes excédées de devoir nettoyer les abords des poubelles ont décidé de les installer elles-mêmes.
C'est le cas à Creysse, près de Bergerac par exemple où une caméra déjà en place sera bientôt fonctionnelle. "Ça fait des mois que les employés municipaux mettent les mains dans les poubelles des gens pour débusquer des contrevenants, justifie Frédéric Delmarès, maire de la commune et conseiller départemental. Si on arrive à savoir qui a contrevenu au système, on peut discuter avec eux pour leur expliquer qu'il faut qu'on trouve une autre façon de fonctionner pour aller ensemble vers ce système inéluctable de la diminution des déchets à enfouir."
Pour les autres communes qui le souhaiteraient, le SMD3 est tout disposé à les équiper pour la chasse au contrevenant. Il a prévu un budget de 150 000 euros pour cela. En espérant que cette escalade ne conduise pas à déplacer le problème vers les containers sans caméra ou pire, dans les fossés, comme cela se faisait par le passé. Parce que là, mettre des caméras sur 20 000 kilomètres de route, ce serait vraiment mettre de l'argent à la poubelle.
Le sujet en images France 3 Périgords - Justine Roy & Bertrand Lasseguette