Des arbres qui perdent leurs feuilles en juillet et bourgeonnent en octobre ! Le cycle naturel des noyers de Dordogne est totalement perturbé par le changement climatique qui favorise l'arrivée des maladies et menace les récoltes à venir
Même si la qualité est plus présente que la quantité, la récolte des noix du Périgord s'annonce plutôt bonne pour 2023. Mais c'est l'arbre qui cache la forêt. Car à bien y regarder, rien ne semble aller comme cela le devrait. Dans certains endroits de Dordogne, les noyers ont perdu leur feuilles en juillet, comme ils doivent le faire en octobre, et bourgeonnent et fructifient en octobre, comme ils pourraient le faire au printemps.
Champignon... du Périgord
Le changement climatique décale le rythme naturel des arbres. La perte des feuilles est due à l'anthracnose. Aussi appelé rouille noire ou charbon, l'anthracnose est un type de champignon qui s'attaque aux arbres, arbustes et plantes potagères. Il est comparable au mildiou dans ses causes et ses effets. Sa présence est constante et reste bénigne, si elle est limitée. Mais favorisé par la chaleur et l'humidité qu'il a trouvées en abondances dans certaines noyeraies du Périgord cette année, il a explosé dès le mois de juin.
Feuilles mortes
Les plantations des vallées dans lesquelles la chaleur et l'humidité ont été abondantes et durables ont permis à ces divers champignons de se développer à outrance. Si les fruits se contentent d'être marqués sur l'enveloppe sans que la noix elle-même soit touchée, les feuilles sont beaucoup plus fragiles. Piquées, elles arborent des taches brunes et sont affaiblies. La maladie peut aller jusqu'à dénuder en quasi-totalité certains arbres. Sans mettre directement en péril la plante, l'anthracnose l'affaiblit et la rend plus sensible aux maladies.
Bis repetita
L'hiver venu, les champignons trouvent refuge dans les feuilles tombées au sol, d'où ils sortiront à nouveau au printemps, disséminés par le vent et la pluie, pour s'en prendre aux feuilles nouvelles. Il suffit que celles-ci soient humides pendant une demi-journée à une journée, et qu'elles soient exposées à une température de plus de vingt degrés. L'arbre est affaibli sur l'année et promis à une attaque l'année suivante, si les mêmes conditions se reproduisent.
Effet retard
Ce qui est beaucoup plus grave, c'est pour la récolte suivante !
Didier Méry, technicien chambre d'agriculture de la Dordogne
Cette disparition précoce des feuilles, si elle n'altère pas la qualité de la récolte en cours, met en péril celle de l'année d'après. "Ce qui est beaucoup plus grave, c'est pour la récolte suivante, 2024", confirme Didier Méry, "puisque toutes ces feuilles qui viennent notamment sur la pousse de l'année pour alimenter les futurs bourgeons de 2024 ne sont pas là".
L'anthracnose se ramasse à la pelle
Lutter contre l'anthracnose se révèle assez délicat, car la maladie est aussi imprévisible que les conditions climatiques. S'il n'a pas recours aux produits phytosanitaires, le producteur devra procéder à l'enfouissement, au broyage et à l'élimination soigneuse des feuilles. Il peut aussi renouveler ses plantations par des variétés plus résistantes dans les secteurs humides ou mal exposés au soleil. Ou bien encore, migrer vers des cieux plus favorables. "Il n'est pas improbable qu'à terme, petit à petit, on soit amenés à ce que les noyers soient cultivés dans des zones de plus haute altitude" prédit Didier Méry, qui relève que dans le nord est du département, à 300 / 350 mètres d'altitude, les arbres ont conservé leur feuillage intact.
Automne indien, bourgeon revient
Autre facteur d'inquiétude, la douceur automnale qui sollicite anormalement la végétation. Dénudés et encouragés par la douceur trompeuse, les noyers tentent une nouvelle poussée de feuilles, ils donnent des fleurs et même des fruits ! Un phénomène qui apparaît normalement au mois de mai. "C'est autant de bourgeons qui ne donneront pas en 2024 !", se désole Didier Méry.