"Je n'en peux plus, je vais mettre la clé sous la porte", les agriculteurs à bout face aux dégâts des sangliers

Face aux dommages causés dans des cultures agricoles de Dordogne par le grand gibier, des agriculteurs désemparés appellent à développer et favoriser la pratique de la chasse.

Sébastien craque. Au milieu de son champ de maïs, en Dordogne, il ne peut contenir ses larmes face aux dégâts constatés. En deux nuits, des sangliers ont ravagé une partie de ses cultures. Par endroits, son maïs est à plat, déraciné, asséché et mordillé. "Tous les matins, et tous les soirs, c'est la surprise. Je n'en peux plus. Je n'en dors plus la nuit," confie l'agriculteur. Loin de ses habitudes, il semble baisser les bras. "Ils reviennent toujours", lâche-t-il, complètement désemparé.

Si ça continue, je vais mettre la clé sous la porte.

Sébastien Chinouilh

Agriculteur, propriétaire de parcelles de maïs en Dordogne

Installé dans la commune de Clermont-de-Beauregard, en Dordogne, Sébastien Chinouilh est propriétaire d'une trentaine d'hectares de champ de maïs. Sur ses terres, il est régulièrement confronté à des dégâts causés par la faune sauvage, qu'il s'agisse de corbeaux, blaireaux, ragondins ou sangliers. Ce sont ces derniers qui sont les plus redoutables : "Ils circulent en groupe, rapporte l'agriculteur. Et parfois, ils sont près d'une trentaine." 

La chasse, seule solution ?

Face aux dégâts causés par leur présence, Sébastien a tout essayé. D'abord, il a misé sur des techniques olfactives, à l'image du dépôt de pastilles de lessive ou de cheveux récupérés chez des coiffeurs pour faire fuir les mammifères. En vain. L'agriculteur a changé son fusil d'épaule et s'est procuré un "canon bazooka", pensant que les mammifères auraient peur des détonations qu'il émet tout au long de la journée et de la nuit, imitant le bruit du fusil. "Rien n'y fait. Les sangliers s'y sont habitués", regrette-t-il, amer. 

Les chasseurs doivent pouvoir tuer les sangliers où qu'ils soient.

Armand Laporte

Agriculteur, membre de la Coordination rurale de Dordogne

Dans ce qui est devenu une lutte opposant agriculteurs et faune sauvage, les professionnels s'organisent et proposent leurs solutions. Pour Armand Laporte, membre du syndicat professionnel Coordination rurale : "la priorité est de classer le sanglier comme un nuisible." Celui qui est aussi agriculteur propose également de généraliser la chasse à l'entièreté du territoire. Et de rompre ainsi avec les plans de chasse établis dans les communes.

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En Dordogne, de nombreux agriculteurs recensent des dégâts commis par la faune sauvage, à l'image du sanglier, du blaireau ou d'oiseaux. ©France 3 Aquitaine

La fédération de chasse, "une oligarchie"

Selon Armand Laporte, les lieutenants de louveterie, nom donné aux bénévoles qui chassent pour les services publics, devraient être mieux rémunérés. "Ils n'ont rien, fustige l'agriculteur, parce que les réglementations diminuent les chasses entre le 15 avril et le 15 septembre, explique Armand Laporte. Pendant ce temps, des dégâts sont toujours causés dans les cultures." Pour réduire la présence de ces mammifères, l'agriculteur appelle aussi à utiliser des filets de capture de sangliers. Un piège introduit en Catalogne pour la première fois. 

L'espèce qu'il faut protéger, c'est l'agriculteur. Sans eux, il n'y aurait pas d'humanité.

Armand Laporte

Agriculteur et membre de la Coordination rurale 24

Pour porter ces combats et mettre en place ces idées, l'avis de la fédération de chasse est indispensable. Toutefois, en Dordogne, les relations entre les agriculteurs et la fédération seraient mauvaises, selon Armand Laporte. "Il y a un manque de concertation, on dirait une oligarchie, face à laquelle on ne peut parler, regrette l'agriculteur. J'aimerais qu'une seconde fédération soit créée en Dordogne, et c’est tout à fait possible sur le plan juridique."

Se former et agir

Pour le préfet de Dordogne, Jean-Sébastien Lamontagne, la chasse est le meilleur moyen de réguler la faune sauvage. "Dans le département, la chasse a été facilitée tout au long de l'année, explique le préfet. Les sangliers ont pu être chassés entre avril et mai par exemple. C'est une première." D'après le haut fonctionnaire, la chasse pourrait être complétée par d'autres actions, à l'image de "battues administratives pour le compte de l'État ou la mise en place de pièges à gibier."

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Plusieurs démarches ont été expérimentées dans le département, notamment des cages pour sangliers mises à la disposition d'agriculteurs de 115 communes. "Ces techniques nécessitent des formations et une certaine technicité, rapporte Jean-Sébastien Lamontagne. Il se questionne : Faut-il aller encore plus loin ? C'est un débat qui mérite d'être posé."

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