Autre syndicat, autres revendications et autres méthodes. La Confédération Paysanne et Agrobio Périgord militent pour une agriculture bio raisonnée. Pas de blocage ni de déversement de lisier pour se faire entendre, mais un marché bio sauvage devant un supermarché pour informer les consommateurs. La formule a plu.
Une dizaine d'étals, une ambiance bon enfant devant les légumes frais, des cabas d'où sortent les bottes de poireaux, on se serait cru en centre-ville, un jour de marché ordinaire. Sauf que la scène se passe ce lundi- 5 février sur le parking, devant les portes de la galerie commerciale du grand centre Leclerc de Trélissac-la Feuilleraie, aux portes de Périgueux.
Ce marché sauvage a été improvisé par une quarantaine de membres du syndicat agricole Confédération Paysanne et Agrobio Périgord, une association qui fédère 650 adhérents, producteurs, techniciens et acteurs de la filière bio du département.
Autre vision de l'agriculture, autres revendications
La méthode et le thème diffèrent de ce que les Français ont découvert lors des nombreuses manifestations paysannes ces derniers jours, portées par la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA), les Jeunes Agriculteurs ou la Coordination Rurale. La Confédération Paysanne demande, elle aussi, l'application de la loi Egalim, mais plutôt que des aides supplémentaires ou la suspension des restrictions sur les produits phytosanitaires, elle dénonce les marges excessives de la grande distribution sur le bio, qui mettent l'agriculture biologique en difficulté.
On a organisé un marché paysan pour dénoncer les abus de l'agro-industrie et de la grande distribution
Marine Julien, directrice d'Agrobio Périgord
Petite agriculture verte Vs agro-industrie et grande distribution
Plus de transparence sur les marges de la grande distribution, une rémunération juste pour des produits sains produits localement, et l'application de la loi qui garantit qu'un minimum des bénéfices soit alloué au producteur, plutôt qu'engrangé exclusivement par le revendeur. Le thème est connu, mais il profite de l'actualité pour se faire entendre à nouveau.
Ces petits agriculteurs militent pour une agriculture raisonnée à tous les niveaux. Après les annonces gouvernementales de jeudi 1er février, ils se sentent sacrifiés entre les lobbies de deux intérêts financiers majeurs, celui de l'agro-industrie et celui de la grande distribution.
Les agriculteurs bio ont été complètement mis de côté par rapport à ces annonces !
Marine Julien, Agrobio Périgord
Intérêts particuliers avant l'intérêt général ?
"Nous, ce qu'on avait défendu depuis le départ pour le bio et les conventionnels, c'est une meilleure rémunération par une meilleure application de la loi, par des renoncements aux traités de libre-échange", explique la présidente d'Agrobio Périgord.
"Le Gouvernement n'a absolument pas répondu à ça, sa seule réponse a été : comment est-ce qu'on fait pour baisser les normes environnementales et sanitaires, alors que ce sont ces mêmes normes qui protègent la santé des citoyens, mais aussi des agriculteurs !"
Mesures dérisoires, le gouvernement méprise le bio ?
"Concernant les bio, il y a 50 millions d'euros qui ont été annoncés, 50 millions d'euros ça représente à peu près 830 euros par ferme, c'est à peine de quoi changer un pneu de tracteur !", sourit amèrement Marine Julien. "Le gouvernement méprise les agriculteurs bio, qui représentent quand même 10 % des fermes en France à l'heure actuelle," complète la jeune femme.
Initiative séduisante
Loin de perturber les consommateurs, l'initiative a plutôt séduit les acheteurs qui ont eu l'occasion d'enfin acheter des produits frais et locaux, le plus souvent bio, à des prix rarement proposés en grande surface. Le tout en profitant de l'accessibilité du parking et de la galerie commerciale.
Opération de communication non-violente pour informer qu'il existe tout un écosystème de marchés, de boutiques de producteurs ou d'Amap, pour pouvoir s'approvisionner en produits bio à des prix inférieurs à ceux pratiqués par la grande distribution. Les producteurs en ont aussi profité pour alerter les consommateurs sur les dangers de la consommation de fruits et légumes "hors saison" d'importation, une pratique aussi nocive pour l'environnement que les portemonnaies ou le tissu agricole local.