Les siècles se suivent et se ressemblent. Au moulin de la Veyssière en Dordogne, on produit de l'huile de noix et de noisettes dans le même moulin depuis le 16ᵉ siècle.
"On est à peu près sûrs qu'il y a une production d'huile de noix dans le moulin de la Veyssière depuis le 16ᵉ siècle, puisque sur le pressoir d'origine, malheureusement que l'on n'a plus aujourd'hui, était gravée la date de 1562 !" Paul Dieudonné, le fils de l’arrière-petite-fille du fondateur, parle avec fierté du moulin de Neuvic qu'il a repris en 2020, en pleine crise sanitaire. "C'est mon arrière-arrière-arrière-grand-père, Jacques Élias qui a racheté le moulin le 15 avril 1857 !", précise-t-il avec fierté.
462 ans plus tard, on produit toujours de l'huile de noix selon une méthode ancestrale dans le dernier moulin en activité de la vallée du Vern. Et l'histoire pourrait être encore plus ancienne. On croit savoir que dès le XIIe siècle, le seigneur de Frateau avait décidé de la création d'un moulin à la Veyssière exploitant déjà le ruisseau du Vern comme force motrice. Depuis, les aléas historiques sont passés, mais le moulin a perduré.
Procédé ancestral depuis 7 générations
Les huiles de noix et de noisettes vierges sont toujours fabriquées selon un procédé de fabrication inchangé, dans le respect des traditions du Périgord. Broyage des noix et des noisettes à la meule de silex d'une demi-tonne, cuisson lente de la pâte pendant une heure à 80° dans une poêle en fonte, enveloppement dans un linge pour l'extraction à une pression de 40 tonnes, puis enfin décantation durant trois à quatre semaines et mise en bouteille. Le précieux liquide peut enfin aller rejoindre la table des gourmets. La même méthode est utilisée ici depuis sept générations.
Moi, j'ai appris à faire l'huile quand j'étais gamin, avec mon grand-père.
Paul Dieudonné
"De prime abord, on se dit que c'est pas très compliqué de fabriquer de l'huile de noix, parce qu'on écrase la matière première, on obtient une pâte, cette pâte, on va ensuite la faire chauffer, puis la presser. Néanmoins, toute la subtilité, elle réside dans la chauffe, et c'est là où on va donner ce caractère si unique, cette identité à l'huile", détaille Paul Dieudonné.
"Ce savoir-faire, il se transmet au-dessus de la poêle de génération en génération. Moi, j'ai appris à faire l'huile quand j'étais gamin, avec mon grand-père." L'héritier de la tradition familiale est intarissable sur le sujet. Et ne lui dites surtout pas que toutes les huiles de noix se ressemblent. " Il y a cette subtilité, cette identité, et d'un moulin à un autre, même s'il y a un caractère commun à l'huile de noix du Périgord AOP, on va sentir qu'il y a une patte différente, et chaque moulin a un savoir-faire singulier et unique." conclut-il.
La noix locale, historique et polyvalente
Produit du terroir par excellence, les noix et noisettes proviennent exclusivement des producteurs des environs. La noix et le Périgord, c'est aussi une vieille histoire. En 1835, l'ingénieur civil des mines et minéralogiste Cyprien-Prosper Brard expliquait déjà que l'huile de noix, présente dans l'ensemble du département, servait aussi bien pour la préparation des aliments que pour l'éclairage, la peinture ou encore la préparation du savon noir.
Produit industriel devenu produit d'exception
Dans les années 50, cette huile exploitée industriellement faisait partie des principales ressources financières du département. Aujourd'hui, devenue produit d'exception, elle est bien sûr réservée à la consommation et aux préparations culinaires. Une qualité reconnue depuis le 16 novembre 2018 par une Appellation d'Origine Contrôlée puis par une Appellation d'Origine Protégée en 2021. Elles concernent près de 1 000 producteurs de noix et 9 000 hectares de noyeraies AOC; pour un potentiel de 50 000 litres d'huile AOC.
Des appellations uniques sur l'huile de noix en France, auxquelles se plie strictement le moulin de la Veyssière. Cela implique une zone de production AOP délimitée sur l'Aveyron, la Dordogne, la Corrèze, le Lot, le Lot-et-Garonne et la Charente. Le procédé dit "à chaud" préféré par le moulin permet, lui, d'obtenir des arômes de "croûte de pain grillé". Une recette au succès durable.