Bassin d'Arcachon : pourquoi les usagers du banc d'Arguin restent une menace pour le site

Il n'existe que deux bancs d'Arguin dans le monde dont celui situé à l'entrée du bassin d'Arcachon : c'est un nid géant pour oiseaux. Mais l'île est aussi l'été un des spots touristiques les plus branchés de la côte. Les plaisanciers manifestent leur colère contre l'application d'un nouveau décret.

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Le banc d'Arguin est un décor naturel cinématographique en face de la plus haute dune d'Europe.

C'est aussi un banc de 4 600 hectares à marée basse, d'une exceptionnelle biodiversité classé en réserve naturelle. L'émission Cap Sud Ouest lui avait consacré un numéro spécial.

Un havre précieux pour les oiseaux 

En plein coeur du "Flyway européen" : couloir des oiseaux migrateurs, entre l'Europe du Nord et l'Afrique, la réserve naturelle du Banc d'Arguin a été créee il y a presque 50 ans. C'était une des pionnières en France, la première en Aquitaine.

Il s'agissait de sauver localement des espèces en voie de disparition comme la Sterne Caugek et à terme, protéger des espèces sensibles d'oiseaux nicheurs et d'échassiers migrateurs. Pour cela des périmètres interdits à l'homme ont été délimités.
 

Bataille d'oeufs

Résultat : une réglementation stricte est entrée en vigueur et des zones de protection intégrale ont vu le jour. Une façon de mettre un terme à l'intrusion humaine qui empêchait la reproduction, celle par exemple de vacanciers qui s'approchaient des oiseaux ou celle de jeunes gens Bordelais qui trouvaient amusant de faire des batailles d'oeufs comme le raconte l'un des premiers gardes du banc d'Arguin.  

Le directeur actuel de la Société pour l'Etude et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest (la SEPANSO qui gère la réserve), Philippe Barbedienne explique pourquoi aujourd'hui cette réglementation reste majeure au regard d'une pression humaine qui ne cesse d'augmenter : tourisme, plaisance, ostréiculture, pêche professionnelle,

En période de nidification la présence de l'homme fait fuir les parents qui laissent leurs oisillons à la merci d'oiseaux prédateurs comme les goélands ou les mouettes.  Il est impératif de maintenir la protection de zones vitales : zones de nidification, d'alimentation et de repos. 

En général et selon les années, la période de nidification des oiseaux débute à la fin du printemps et, même si les oiseaux s'émancipent durant l'été, le banc reste un lieu de passage, de pause et d'alimentation pour nombres d'espèces.
 


Contrairement aux plages de bancs qui bordent le littoral, ce joyau est donc classé au plus haut niveau des espaces protégés de la planète en raison de ses atouts incomparables :
  • L'île est vierge de tout aménagement de l'homme pour le confort du tourisme
  • On n'y trouve aucun prédateur terrestre comme le renard, la fouine ou d'autres animaux .... 
  • Les poissons du secteur sont des nourritures parfaitement adaptées aux oiseaux qui y séjournent.

 



Un décret contesté

Il y a deux ans, les pouvoirs publics ont publié un décret modifiant la réglementation et l'extension de la réserve; ce décret a entraîné une vague de mécontentements : 
Un collectif de 30 associations de plaisanciers demande l'abrogation du décret et de ses nouvelles réglementations concernant par exemple :
- le mouillage des navires la nuit 
- la pêche à pied dans la réserve naturelle 
- la pratique de certaines activités sportives 

Cette année un nouvel arrêté pris par le Préfet a augmenté la superficie des zones de protection intégrale, une à l'Ouest et une au Sud du banc. Il interdit désormais le mouillage sur le Toulinguet quelque soit la configuration topographique du banc
Le samedi 29 Juin 2019, les plaisanciers ont  à nouveau manifesté leur colère.
 
 
 

Un site unique au monde pour les oiseaux mais pas uniquement !

Longtemps resté méconnu ou connu des seuls girondins, le banc d'Arguin s'est transformé en quarante ans en un spot très prisé des artistes, des peoples, des acteurs économiques et désormais du grand public. 
Sur cette langue de sable mouvante en perpétuelle transformation débarquent aujourd'hui jusqu'à 300 000 visiteurs entre Juin et Août.
 

En 1999, Julien Clerc n'hésitait pas à affirmer que le banc d'Arguin était le paysage qu'il préfère au monde. Il l'avait affirmé à nos confrères d'Envoyé Spécial 
 
Puis c'est  Fabien Onteniente avec « Camping » en 2005 (6 millions d'entrées) et Guillaume Canet avec « les Petits mouchoirs » en 2010 - le film avait été projeté en avant-première en Gironde -qui font du bassin d'Arcachon et de ses joyaux naturels  "the place to be" pour fans de spots à la mode.


Un site toujours fragile


Pourtant à la pointe de sa popularité, le bassin et son banc d'Arguin restent des plus fragiles.

La SEPANSO dresse un bilan : le nombre d'infractions recensées en 2018 a explosé. On en dénombre 2274, soit trois fois plus que les années précédent le décret.
L’impact des activités humaines sur des zones naturelles uniques au monde, qui refait surface a chaque saison estivale, a débuté.
 


La réserve et son écosystème ont permis aux espèces qui auraient pu disparaître localement de revenir nicher sur le banc : la colonie de sternes caujek n'est plus en danger et la population fluctue selon les années et les spots . Et elle n'est pas la seule : aujourd'hui on peut recenser jusqu'à 35 000 bécasseaux variables en hivernage selon les certaines saisons. 
 

Les dauphins ont disparu

Cette zone protégée, réservoir indispensable, a permis, selon les experts d'éviter des catastrophes. Il reste cependant insuffisant pour sauver la biodiversité. Les grands dauphins, par exemple que l'on voyait autour du banc et dans le bassin jusque dans les années 2000 ont totalement disparu. Seuls des marsouins font encore quelques apparitions dans le bassin 

La surfréquentation humaine est une contrainte très forte. Les habitats naturels et les espèces qui les occupent  souffrent du dérangement, de la pollution chimique, des dégradations visuelles et sonores. Des menaces qui pèsent autant sur les oiseaux nicheurs que sur les échassiers migrateurs, mais aussi les coquillages, vers et crustacés qui séjournent sur ce bout de sable.
Une fréquentation que ne subit pas son grand frère ouest africain, le banc d'Arguin de Mauritanie qui abrite lui aussi des espèces à profusion.  
 

 
Deux mois après après la publication par l'ONU d'un rapport alarmant sur l'avenir de la biodiversité, les gestionaires de la réserve naturelle d'Aquitaine entament une nouvelle saison estivale avec une conviction :
L'heure n'est plus aux espoirs ou aux rêves comme il y a 47 ans lors de sa création. Le Banc d'Arguin du bassin d'Arcachon est comme tout le reste, un paradis en sursis.


 
 
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